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19/07/2018 | FRANCE | N°18NC00031

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 19 juillet 2018, 18NC00031


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 21 avril 2017 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1701257 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 janvier 2018, MmeB...,

représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 septembre 2017 du t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 21 avril 2017 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1701257 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 janvier 2018, MmeB..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 septembre 2017 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 21 avril 2017 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente de la remise effective de ce titre, la délivrance d'un récépissé avec droit au travail, dans un délai de huit jours suivant notification de l'arrêt ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours suivant notification de l'arrêt à intervenir, à renouveler dans l'attente du réexamen du droit au séjour, sous une astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'avis du médecin de l'agence régionale de santé est incomplet dès lors qu'il ne se prononce pas sur sa capacité à voyager ; le préfet aurait dû solliciter des éléments complémentaires sur ce point ; il a trahi le secret médical en communiquant les éléments relatifs à son état de santé au médecin conseil du ministère de l'intérieur ; elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé au Maroc ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; elle est isolée au Maroc, sa seule famille constituée de sa fille unique se trouve en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2018, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme B...n'est fondé.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 28 novembre 2017.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Didiot.

1. Considérant que MmeB..., ressortissante marocaine née en 1963, est entrée régulièrement en France sous couvert d'un visa de court séjour le 12 février 2016 pour rendre visite à sa fille, résidente régulière ; que des examens médicaux réalisés au cours du mois de mars 2016 ont mis en évidence une tumeur du sein, pour laquelle elle a subi deux interventions chirurgicales les 21 juillet et 23 novembre 2016, suivies d'une chimiothérapie ; que son visa de long séjour a, à cet effet, été prolongé à deux reprises ; que le 28 octobre 2016, l'intéressée a formé une demande de titre de séjour pour raisons médicales ; que par arrêté du 21 avril 2017, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que la requérante relève appel du jugement du 21 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ;

3. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention de l'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

5. Considérant que, par un avis rendu le 9 décembre 2016, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme B...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas au Maroc de traitement approprié à cet état de santé ; que le préfet du Doubs, qui n'était pas lié par cet avis, a toutefois refusé de délivrer le titre de séjour demandé au motif de l'existence d'un traitement approprié dans ce pays ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux produits par les praticiens du service d'oncologie qui la suivent au centre hospitalier de Besançon, que MmeB..., qui a subi une mastectomie en septembre 2016 puis une chimiothérapie adjuvante, suivait, à la date de l'édiction de la décision attaquée, une radiothérapie du 24 avril au 30 mai 2017 ; que pour rejeter la demande de l'intéressée, le préfet du Doubs s'est fondé sur des éléments obtenus auprès d'un " conseiller santé " du ministère de l'intérieur du 13 mars 2017 estimant qu'il était " permis de supposer que le traitement avait été accompli en totalité " et que l'intéressée ne " nécessitait plus qu'une surveillance pouvant être réalisée dans son pays " ; que cette appréciation, à la supposer suffisamment probante, est néanmoins contredite par les éléments médicaux versés au dossier dont il s'infère que la prise en charge médicale de Mme B...devait se poursuivre pour plusieurs années par la mise en place d'un traitement comportant les médicaments Letrozole et Tamoxifène ; que la requérante produit les réponses de plusieurs laboratoires pharmaceutiques auxquels elle s'est adressée, ainsi que des praticiens locaux, confirmant que ces traitements ne sont pas commercialisés au Maroc ; qu'il résulte des certificats médicaux produits qu'une rupture dans la continuité de ce traitement pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que le préfet n'établit ni même n'allègue l'existence d'autres médicaments ou molécules aux effets thérapeutiques comparables et substituables au traitement en cause ; que la requérante est dès lors fondée à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour a, en l'espèce, méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle doit, par suite, être annulée ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, des décisions subséquentes portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés dans la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande en annulation ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet du Doubs de délivrer à Mme B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

10. Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions précitées, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 000 euros à verser à MeC..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1701257 du tribunal administratif de Besançon du 21 septembre 2017 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 21 avril 2017 par lequel le préfet du Doubs a refusé de délivrer à Mme B...un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé à trente jours le délai de départ volontaire, est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à Mme B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à Me C...une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Doubs.

2

N° 18NC00031


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC00031
Date de la décision : 19/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DHERS
Rapporteur ?: Mme Sandra DIDIOT
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-07-19;18nc00031 ?
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