Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 16 mai 2017 par laquelle le préfet des Ardennes a rejeté son recours gracieux formé contre la décision du 24 avril 2017 refusant sa demande de regroupement familial.
Par un jugement n° 1701194 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 décembre 2017, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 décembre 2017 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 16 mai 2017 du préfet des Ardennes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Ardennes d'autoriser le venue en France de son épouse et de ses deux enfants dans le cadre du regroupement familial.
Il soutient que :
- il justifie des conditions de ressources de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
La requête a été communiquée au préfet des Ardennes, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain, a demandé le 10 janvier 2017 à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son épouse et leurs deux enfants mineurs. Par une décision du 24 avril 2017, le préfet des Ardennes a rejeté cette demande. M. A... a formé un recours gracieux le 4 mai 2017 qui a été rejeté par le préfet par une décision du 16 mai 2017. M. A... relève appel du jugement du 5 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet des Ardennes du 16 mai 2017 rejetant son recours gracieux.
Sur l'étendue du litige :
2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.
3. Il résulte de ce qui précède que M. A... qui a demandé l'annulation de la décision du préfet des Ardennes du 16 mai 2017 rejetant son recours gracieux contre la décision de ce préfet qui, le 24 avril 2017, a rejeté sa demande de regroupement familial doit être regardé comme ayant également demandé l'annulation de cette dernière décision.
Sur la légalité des décisions des 24 avril 2017 et 16 mai 2017 :
4. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont applicables aux ressortissants marocains en vertu de l'article 9 de l'accord du 9 octobre 1987 : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-5 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L. 5423-8 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée aux articles L. 821-1 ou L. 821-2 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ou lorsqu'une personne âgée de plus de soixante-cinq ans et résidant régulièrement en France depuis au moins vingt-cinq ans demande le regroupement familial pour son conjoint et justifie d'une durée de mariage d'au moins dix ans ; / 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique / 3° Le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil ". Et, aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ; / - cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes ; / - cette moyenne majorée d'un cinquième pour une famille de six personnes ou plus ". Et aux termes de l'article R. 421-4 de ce code : " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les copies intégrales des pièces énumérées au 1° et joint les copies des pièces énumérées aux 2° à 4° des pièces suivantes : (...) / 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande, ainsi que le dernier avis d'imposition sur le revenu en sa possession, dès lors que sa durée de présence en France lui permet de produire un tel document, et sa dernière déclaration de revenus. La preuve des revenus non salariaux est établie par tous moyens (...) ".
5. Au titre de l'année 2016, M. A..., employé dans les sociétés Flandre Alimentaire et AM Distrib, justifie par les bulletins de paie produits à l'instance d'un revenu brut total de 18 927,79 euros, soit un revenu moyen mensuel brut de 1 577,31 euros, inférieur seulement de 35,96 euros, par rapport au montant mensuel brut du salaire minimum de croissance majoré d'un montant d'un dixième en application des dispositions précitées de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, soit 1 613,28 euros brut. Et, il ressort des pièces du dossier que depuis le mois de novembre 2016, l'emploi de M. A... au titre de son contrat de travail à durée indéterminée chez AM Distrib, était rémunéré à hauteur de 1 645,62 euros brut, somme qu'il a vocation à percevoir de manière régulière et qu'il a d'ailleurs perçue les trois derniers mois précédant la décision du 24 avril 2017 portant rejet de sa demande de regroupement familial, cette somme étant supérieure au montant mensuel brut du salaire minimum de croissance de l'année 2017, s'élevant à 1 628,29 euros, majoration d'un dixième comprise. Dans ces conditions, à la date de la décision précitée, M. A... doit être regardé comme justifiant de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille au sens des dispositions précitées.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur l'injonction :
7. En l'absence de contestation par le préfet des Ardennes des conditions posées aux 2° et 3° de l'article L. 411-5 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au logement et au respect des principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, il y a lieu d'enjoindre à ce préfet de faire droit à la demande de regroupement familial de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1701194 du 5 décembre 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et les décisions des 24 avril 2017 et 16 mai 2017 du préfet des Ardennes rejetant la demande de regroupement familial de M. A... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Ardennes de faire droit à la demande de regroupement familial de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Ardennes.
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N° 17NC03072