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19/07/2018 | FRANCE | N°17NC01368

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 19 juillet 2018, 17NC01368


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 16 juin 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'agrément en qualité de directeur des jeux du cercle César Billard Palace à Reims.

Par un jugement n° 1501734 du 11 avril 2017, le tribunal administratif

de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 9 juin 2017 et l

e 24 mai 2018, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 16 juin 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'agrément en qualité de directeur des jeux du cercle César Billard Palace à Reims.

Par un jugement n° 1501734 du 11 avril 2017, le tribunal administratif

de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 9 juin 2017 et le 24 mai 2018, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne

du 11 avril 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du ministre de l'intérieur

du 16 juin 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dans la mesure où le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré du caractère superfétatoire de la demande de renouvellement de l'agrément ;

- la décision refusant un renouvellement constitue un détournement de la loi, dès lors qu'à cette date, il bénéficiait d'un agrément qui n'avait fait l'objet d'aucune suspension ou d'aucun retrait ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- cette décision repose sur des faits matériellement inexacts ;

- la mise en place d'un consortium de banquiers n'est pas illégale ;

- le système de prélèvement sur le jeu " Texas Hold'em Poker " ne suffit pas à justifier la décision ;

- la pratique du renouvellement fictif d'adhésion n'est pas avérée, non plus que le grief tiré de l'insuffisance des mesures de lutte contre le blanchiment d'argent ;

- son comportement au cours du contrôle n'est pas de nature à fonder la mesure prise à son égard.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 février 2018 et le 11 juin 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret du 5 mai 1947 portant réglementation de la police des jeux dans les cercles modifié par le décret n° 2014-1540 du 18 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Wallerich, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...B..., employé du cercle de jeux César Billard Palace à Reims depuis 1992, a sollicité le 20 janvier 2015 la délivrance d'un agrément professionnel en qualité de directeur des jeux de ce cercle, sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l'article 1-3 du décret du 5 mai 1947 portant réglementation de la police des jeux dans les cercles. Par une décision du 16 juin 2015, le ministre de l'intérieur a refusé de lui accorder cet agrément. M. B...relève appel du jugement du 11 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments développés, ont écarté explicitement le moyen tiré du caractère superfétatoire de la nouvelle demande d'agrément. Contrairement à ce que soutient M. B..., ce jugement n'est donc pas entaché d'une omission à statuer sur ce moyen.

Sur la légalité de la décision contestée :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, en vigueur à la date de la décision attaquée et dont les dispositions sont aujourd'hui reprises à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ".

4. La décision attaquée, qui cite les dispositions applicables du décret du 5 mai 1947 modifié, énumère et développe de manière approfondie les différents griefs reprochés à M. B.... Elle est, par suite, suffisamment motivée en fait et en droit, nonobstant la circonstance qu'elle ne précise pas la disposition du code général des impôts dont la méconnaissance est reprochée à l'intéressé.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1-3 du décret du 5 mai 1947 en sa version issue du décret n° 2014-1540 du 18 décembre 2014 publié au Journal officiel du 20 décembre suivant : " (...) Tous les membres du comité des jeux et toutes les personnes employées dans les salles de jeux doivent, préalablement à leur entrée en fonction, être agréés par le ministre de l'intérieur. (...) Le ministre de l'intérieur peut donner un avertissement, suspendre ou retirer l'agrément du directeur des jeux, des autres membres du comité des jeux et des employés des salles de jeux, soit en cas d'inobservation de la réglementation en vigueur, soit pour tout autre motif tiré des nécessités de l'ordre public. (...) ". En outre, l'article 7 de ce décret du 18 décembre 2014 dispose que " la validité des agréments en vigueur à la date de la publication du présent décret expire le 1er avril 2015 ".

6. Contrairement à ce que soutient le requérant, ces dispositions ont pour effet de rendre caduc l'agrément dont il était bénéficiaire. Dans ces conditions, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le ministre ne pouvait légalement, après leur entrée en vigueur, l'inviter à présenter une nouvelle demande d'agrément.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 1-1 du décret du 5 mai 1947 : " Le directeur des jeux et les membres du comité des jeux veillent, en permanence, à la sincérité des jeux et à la régularité de leur fonctionnement. ". Aux termes de l'article 1-2 du même décret : " S'agissant des jeux qui nécessitent le recours à un joueur qui tient la banque, dénommé banquier, les nom, prénoms, date et lieu de naissance et domicile de ce dernier sont inscrits, pour chaque table adjugée, sur un registre conservé pendant dix ans par le cercle de jeux. ".

8. Lors du contrôle réglementaire effectué le 5 mars 2015, les agents qui en avaient la charge ont constaté que seul un banquier au lieu des quatre crédités en moyenne dans les registres, était présent dans le cercle et que ce banquier n'était pas un joueur. M. B...a reconnu, lors d'une audition devant les services de police, avoir porté des renseignements falsifiés sur les registres de banquiers. La personne qui assurait fictivement les fonctions de banquier au sein du cercle le jour du contrôle a admis qu'il n'était en réalité qu'un représentant d'un groupement de banquiers et qu'il n'assumait pas personnellement de risque financier. Ces constatations caractérisent une méconnaissance des dispositions de l'article 1-2 du décret du 5 mai 1947 dont M. B...avait pour mission d'assurer le respect, sans qu'y fasse obstacle le caractère récent de leur entrée en vigueur à la date du contrôle. Le requérant ne saurait se prévaloir de ce qu'il avait préalablement saisi pour avis les services de police à propos d'un système informatique indiquant les résultats des banquiers pour chaque session de jeu, le silence gardé par l'administration sur cette demande ne pouvant en aucun cas révéler la conformité de ce système aux dispositions règlementaires applicables. Il ne peut davantage se prévaloir du contenu d'un guide sectoriel de la direction générale des impôts qui n'a pas été publié et porte d'ailleurs la mention " confidentiel ". Par suite, le ministre de l'intérieur a pu regarder comme établie l'existence de manquements aux règles d'exercice des fonctions de banquier au sein de ce cercle de jeux.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 147 de l'annexe 4 au code général des impôts : " Les recettes annuelles passibles de l'impôt au titre de la quatrième catégorie prévue au I de l'article 1560 du code général des impôts sont constituées par le montant intégral de la cagnotte des jeux d'argent pratiqués dans les cercles et maisons de jeux. / La cagnotte comprend le produit brut des jeux, c'est-à-dire le montant total des droits fixes, prélèvements ou redevances encaissés au profit du cercle ou de la maison de jeux à l'occasion des parties engagées ".

10. Si M. B...soutient que le système de prélèvement effectué sur le jeu intitulé " Texas Hold'em Poker " avait été regardé comme conforme à la réglementation par les services de police lors de précédents contrôles, il ressort toutefois des pièces du dossier que les services en charge de la police des jeux avaient constaté, dès 2011, que les bénéfices réalisés sur ce jeu échappaient au prélèvement institué à l'article 147 de l'annexe 4 au code général des impôts. Un avertissement ayant alors été notifié à M. B...en raison de ces manquements, un nouveau contrôle, en 2012, a mis en évidence l'existence d'un système plus perfectionné destiné à diminuer fictivement le bénéfice imposable réalisé sur ce même jeu. Si le requérant fait valoir que cette pratique avait cessé peu avant le refus d'agrément contesté, le ministre de l'intérieur pouvait légalement tenir compte, pour justifier ce dernier, des violations répétées de ses obligations fiscales commises par M. B...en sa qualité de directeur de cercle de jeux.

11. En cinquième lieu, le cercle de jeux a procédé pendant plusieurs années au renouvellement automatique des adhésions de ses membres par tacite reconduction, alors-même que tant la réglementation applicable aux cercles de jeux que les statuts de l'association gérant ce cercle exigeaient un consentement express et la présence physique de l'adhérent pour toute adhésion. Si le requérant fait valoir que l'accord des adhérents était bien recueilli lors de chaque renouvellement d'adhésion au moyen d'une signature électronique, il n'établit pas de manière probante que cette signature était effectivement adossée à la demande correspondante. Le cercle de jeux, qui avait été informé dès le mois d'octobre 2013 du caractère illicite d'une telle pratique, n'a cessé celle-ci qu'au début de l'année 2015, après qu'un nouveau contrôle opéré en novembre 2014 eut révélé sa persistance. Contrairement à ce que soutient M.B..., il n'avait, à la suite de ce contrôle, obtenu le renouvellement de son autorisation de jeux que pour une durée limitée à six mois et à condition de corriger cette irrégularité.

12. En sixième lieu, M. B...ne démontre pas avoir réellement pris en compte l'impératif de lutte contre le blanchiment d'argent auquel il est soumis, en se bornant à faire valoir qu'il a sollicité une formation auprès des services de police et qu'il a évoqué cette question lors d'une réunion du personnel le 16 septembre 2014, sans même préciser la teneur de la sensibilisation du personnel en la matière ni les mesures prudentielles qu'il aurait adoptées. Ce n'est en réalité qu'à l'issue du contrôle effectué les 5 et 6 mars 2015 que des formations ont été organisées pour l'ensemble du personnel. Il en résulte que dans un contexte de manquements répétés aux règles fiscales applicables et à celles relatives à la tenue de la banque, le ministre de l'intérieur pouvait légalement tenir compte de l'insuffisance des mesures de lutte contre le blanchiment d'argent prises jusqu'alors par M.B....

13. En septième lieu, bien que le motif tiré de ce que M. B...avait tenu des propos désobligeants et manifesté un comportement hostile à l'égard des agents chargés du contrôle ne soit pas, eu égard aux explications vraisemblables apportées par l'intéressé quant au contexte de difficultés personnelles dans lequel ce contrôle s'est déroulé, de nature à justifier, à lui seul, un refus d'agrément, il résulte de l'instruction que le ministre de l'intérieur aurait pris la même décision à l'égard de M. B...s'il n'avait retenu que les motifs examinés aux points précédents.

14. En dernier lieu, compte tenu de la gravité, de la diversité, de la durée et de la persistance des manquements de M. B...aux règles applicables aux cercles de jeux, le ministre de l'intérieur n'a pas fait une inexacte application des pouvoirs de police spéciale qui lui sont attribués par le décret du 5 mai 1947 , en refusant de renouveler l'agrément de ce dernier en qualité de directeur des jeux du cercle de jeux César Billard Palace de Reims.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

2

N° 17NC01368


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Polices spéciales.

Sports et jeux - Casinos.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : PASCAL GUILLAUME et JEAN-PIERRE SIX

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 19/07/2018
Date de l'import : 31/07/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17NC01368
Numéro NOR : CETATEXT000037241912 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-07-19;17nc01368 ?
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