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26/06/2018 | FRANCE | N°17NC03069

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 26 juin 2018, 17NC03069


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1704853 du 22 novembre

2017, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1704853 du 22 novembre 2017, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 décembre 2017, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg du 22 novembre 2017 et de rejeter la demande présentée en première instance par M. B... A....

Il soutient que :

- il pouvait décider l'éloignement de M. A...sans méconnaitre le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la demande présentée par l'intéressé sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 n'était pas complète ;

- les autres moyens soulevés par l'intimé devant le premier juge sont infondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 février 2018, M. B...A..., représenté par Me Bohner, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) dans l'hypothèse où le jugement attaqué serait annulé, à l'annulation de l'arrêté du 13 septembre 2017 et à ce qu'il soit enjoint au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour dans un délai de quinze jours ;

3°) à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat et versée à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il avait dûment informé l'autorité préfectorale de sa situation médicale avant qu'elle ne décide son éloignement ;

- le respect des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas subordonné au dépôt d'une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du même code ;

- le préfet a omis de solliciter un avis médical avant de décider son éloignement ;

- il n'a pas procédé à un examen de sa situation ;

- il a méconnu les dispositions du 4° de l'article L. 511-4 ;

- il a commis une erreur manifeste d'appréciation.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.A..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 18 octobre 1974, déclare être entré en France le 15 novembre 2014 pour y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mars 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 28 juillet 2017 ; que M. A...a, par un courrier du 29 juillet 2017, sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raison médicale ; que, le 31 juillet 2017, le préfet du Haut-Rhin a rejeté cette demande comme incomplète au motif que n'était produit aucun document de nature à justifier de l'état civil et de la nationalité de l'intéressé ; que, par un arrêté du 13 septembre 2017, le préfet du Haut-Rhin a fait obligation à M. A...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de trois ans et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement ; que le préfet du Haut-Rhin fait appel du jugement du 22 novembre 2017 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsqu'un étranger justifie d'éléments suffisamment précis sur la nature et la gravité des troubles dont il souffre, le préfet est tenu, préalablement à sa décision d'éloignement, de recueillir l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

3. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que, dans sa demande de titre de séjour présentée le 29 août 2017, M. A...indiquait souffrir d'une pathologie chronique et d'un stress post-traumatique sévère compliqué d'un état dépressif nécessitant des soins intensifs qu'il ne pourrait suivre dans son pays d'origine ; qu'ainsi, M. A...avait saisi les services de la préfecture d'éléments suffisamment précis sur la nature et la gravité de ses troubles ; que si le préfet du Haut-Rhin a rejeté la demande de titre de séjour présentée par le requérant au motif qu'elle devait être complétée par tout document justifiant de l'état civil et de la nationalité de M.A..., cette circonstance était sans incidence sur l'obligation pour le préfet de recueillir, préalablement à sa décision d'éloignement, l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

4. Considérant, d'autre part, que M. A...produit à l'instance un certificat médical du 23 février 2017 dont il ressort notamment que son état de santé nécessite des soins dont l'interruption pourrait avoir des conséquences graves, alors en outre qu'aucun traitement approprié n'est envisageable dans son pays d'origine ; qu'ainsi, compte tenu des éléments médicaux produits par le requérant, l'absence de consultation du collège de médecins a été susceptible d'exercer, dans les circonstances de l'espèce, une influence sur le sens de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 13 septembre 2017 au motif qu'il a été pris au terme d'une procédure irrégulière ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions d'appel présentées par le préfet du Haut-Rhin, n'a pas pour effet l'annulation du jugement attaqué ; que, dans ces conditions, les conclusions à fin d'injonction, présentées à titre subsidiaire par M. A...dans l'hypothèse d'une telle annulation, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bohner, avocate de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bohner de la somme de 1 500 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet du Haut-Rhin est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Bohner, avocate de M.A..., une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Bohner renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 17NC03069


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC03069
Date de la décision : 26/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : BOHNER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-06-26;17nc03069 ?
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