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26/06/2018 | FRANCE | N°16NC01996

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 26 juin 2018, 16NC01996


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 12 août 2015 par laquelle la directrice de l'hôpital Saint-Jacques de Rosheim a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Par un jugement n° 1505572 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 12 août 2015.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2016, l'hôpital Saint-Jacques de Rosheim, représenté par Me E...

, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 12 août 2015 par laquelle la directrice de l'hôpital Saint-Jacques de Rosheim a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Par un jugement n° 1505572 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 12 août 2015.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2016, l'hôpital Saint-Jacques de Rosheim, représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 juin 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge de M. A...une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, l'insuffisance professionnelle de M. A...est établie et justifie son licenciement.

Par un mémoire, enregistré le 5 janvier 2017, M.A..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'hôpital Saint-Jacques de Rosheim une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par l'établissement hospitalier n'est fondé et reprend les moyens invoqués dans sa demande de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n°89-822 du 7 novembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Haudier,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public

- et les observations de Me D...pour M.A....

1. Considérant que M.A..., qui a exercé les fonctions de cuisinier au sein de plusieurs établissements publics de santé depuis le 1er août 1992, a été muté à compter du 1er janvier 2008 à l'hôpital Saint-Jacques de Rosheim afin d'y assurer les fonctions d'agent de maîtrise responsable de la cuisine de l'établissement ; que, par une décision du 12 août 2015 la directrice de cet établissement l'a licencié pour insuffisance professionnelle ; que l'hôpital Saint-Jacques de Rosheim relève appel du jugement du 30 juin 2016, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 88 de la loi du 9 janvier 1986 : " Hormis le cas d'abandon de poste et les cas prévus aux articles 62 et 93, les fonctionnaires ne peuvent être licenciés que pour insuffisance professionnelle. Le fonctionnaire qui fait preuve d'insuffisance professionnelle peut soit être admis à faire valoir ses droits à la retraite, soit être licencié. La décision est prise par l'autorité investie du pouvoir de nomination après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire. / Le fonctionnaire licencié pour insuffisance professionnelle peut recevoir une indemnité dans les conditions qui sont fixées par décret " ;

3. Considérant que pour justifier de l'insuffisance professionnelle de M.A..., la directrice de l'établissement hospitalier a indiqué, dans la décision attaquée, que l'intéressé ne savait pas planifier la production culinaire, qu'il ne vérifiait pas si les menus envisagés étaient en adéquation avec la charge de travail prévisionnelle, qu'il n'avait pas participé à l'actualisation des fiches techniques préconisée par l'audit externe réalisé en 2012 et qu'il n'appliquait pas les bonnes pratiques en matière d'hygiène ; que lui étaient également reprochées des insuffisances " au niveau de l'organisation, de l'hygiène réglementaire et du contrôle de l'achat des matières premières ", " de l'organisation, du contrôle, de la réalisation et la distribution des produits finis ", " de la gestion des ressources techniques ", " de la gestion de l'ensemble des ressources humaines ", " de la mise en oeuvre de la politique qualité/sécurité de son secteur " et " de la gestion de l'ensemble des ressources économiques, M. A...ne maitrisant absolument pas le budget " ;

4. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que si M. A...a pu rencontrer des difficultés à compter de 2012, cette année a été marquée par une nouvelle organisation de la cuisine à la suite de l'arrivée de la nouvelle directrice de l'établissement et la réalisation d'un audit externe à la demande de cette dernière ; que M. A...fait valoir sans être sérieusement contredit qu'il n'arrivait plus à concilier ses tâches administratives et de gestion et son travail de production du fait de cette nouvelle organisation, qui s'est notamment traduite par la mise en place d'un système informatisé et qui a nécessité des modifications dans l'ancienne organisation du travail entre les différentes personnes travaillant en cuisine ; qu'ainsi, s'il est constant que l'intéressé n'a que très partiellement participé à l'élaboration et à l'actualisation des " fiches techniques " dont l'utilisation avait été préconisée par l'audit externe réalisé en 2012, l'établissement hospitalier n'établit pas que M. A...avait le temps d'effectuer ces tâches supplémentaires ; qu'il ne ressort, en outre, pas des pièces du dossier que l'agent aurait bénéficié d'une formation suffisante et adéquate afin de maitriser le logiciel nécessaire à la réalisation de ces tâches ;

5. Considérant, en outre, que la plupart des éléments produits par l'établissement pour justifier de l'insuffisance professionnelle de M. A...ne permettent pas de lui imputer personnellement les manquements relevés ; qu'en particulier, s'il est reproché à l'agent des erreurs dans la réalisation des menus, dans la réalisation et la distribution des repas ou dans l'achat des produits, les " fiches de signalement d'évènements indésirables " dont se prévaut notamment l'établissement ne mentionnent pas expressément M.A... ; que si le centre hospitalier de Rosheim reproche également à l'agent une augmentation importante des dépenses relatives aux denrées alimentaires, la responsabilité de M. A...dans cette augmentation n'est pas établie, alors notamment qu'il n'était pas le seul à effectuer les commandes au sein de cet établissement ; que, d'ailleurs, l'établissement n'apporte aucun élément précis sur le détail des denrées achetées et sur les raisons de cette augmentation des dépenses ; que la seule circonstance que ces dépenses ont diminué après le départ de M.A..., ne permet pas d'établir qu'il aurait fait preuve d'une mauvaise gestion, compte tenu notamment de la nouvelle organisation intervenue après ce départ et notamment de la coopération mise en place avec l'EHPAD de Lingolsheim ; que les " insuffisances au niveau de la gestion des ressources techniques " mentionnées par l'hôpital Saint-Jacques de Rosheim, liées surtout à des infrastructures vieillissantes et dont la direction de l'établissement avait connaissance, relevaient davantage de la compétence du service technique ; que, s'agissant du non-respect des règles d'hygiène, si M. A... était le responsable de la cuisine, il n'est pas établi que l'ensemble des manquements relevés lui étaient imputables ; que, par ailleurs, s'il existait des tensions au sein de l'équipe de cuisine, il ne peut être regardé comme établi que celles-ci étaient imputables au management de M. A...dès lors, notamment, qu'une pétition dénonçant la souffrance au travail avait été signée en 2014 par une trentaine d'agents de l'ensemble de l'établissement et que la nouvelle organisation mise en place avait pu engendrer des difficultés de positionnement pour M. A...;

6. Considérant, enfin, que, contrairement à ce que soutient l'établissement hospitalier, les éléments relatifs à la manière de servir de M. A...avant l'arrivée de la nouvelle directrice en 2012 et, notamment, ses évaluations et notations attestent de qualités professionnelles réelles ; qu'ainsi, ses évaluations des années 2010 et 2011 font état de " ses qualités professionnelles, son savoir-faire et savoir-être ", et précisent qu'il est " un maillon fondamental dans l'excellence de l'établissement " ou un " très bon agent " ; que M. A...produit une attestation du directeur de l'EHPAD de Mutzig, au sein duquel il a officié pendant huit mois en qualité de co-responsable de la cuisine en 2007, mentionnant ses compétences et sa conscience professionnelle ; que si l'établissement hospitalier fait état de lacunes techniques de l'agent en tant que cuisinier, la certification 2009 de la restauration du service " soins de suite et réadaptation ", a attribué à l'établissement de Rosheim une note de 9,24 sur 10 ; qu'en outre, si l'établissement hospitalier indique que M. A...ne participait pas à l'élaboration des menus avec la diététicienne, l'intéressé produit une attestation de l'ancienne diététicienne de l'établissement, qui a travaillé avec lui de 2007 à 2012, qui fait état de " sa disponibilité et de son souhait de proposer aux résidents des repas adaptés (...) " et qui précise que M. A..." allait régulièrement à la rencontre du personnel pour trouver des solutions (...) " ;

7. Considérant que, dans ces conditions et alors qu'au demeurant la commission administrative paritaire amenée à se prononcer sur la situation de M. A...a, à l'unanimité, donné un avis défavorable à son licenciement pour insuffisance professionnelle, il ressort des pièces du dossier que la décision par laquelle la directrice de l'hôpital Saint-Jacques de Rosheim a prononcé le licenciement de M. A...est entachée d'une erreur d'appréciation ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'hôpital Saint-Jacques de Rosheim n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 12 août 2015 ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'hôpital Saint-Jacques de Rosheim demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'hôpital Saint-Jacques de Rosheim une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'hôpital Saint-Jacques de Rosheim est rejetée.

Article 2 : L'hôpital Saint-Jacques de Rosheim versera à M. A...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'hôpital Saint-Jacques de Rosheim et à M. B... A....

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N° 16NC01996


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC01996
Date de la décision : 26/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-06-03 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement. Insuffisance professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP ALEXANDRE LEVY KAHN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-06-26;16nc01996 ?
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