Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'édition des artistes peignant de la bouche et du pied a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser la somme
de 321 880 euros au titre du préjudice financier qu'elle estime avoir subi en raison de comportements fautifs qu'elle impute au trésorier de Strasbourg-Est principal de Strasbourg Est ;
Par un jugement n° 1302739 du 22 novembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2017, et un mémoire, enregistré
le 28 mars 2018, la société d'édition des artistes peignant de la bouche et du pied, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1302739 du tribunal administratif de Strasbourg
du 22 novembre 2016 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 223 219 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a souscrit des SICAV auprès du trésorier de Strasbourg-Est pour garantir le recouvrement d'impositions contestées ; le trésorier de Strasbourg-Est était tenu à un devoir de réserve qui aurait dû le conduire à s'abstenir de lui proposer la souscription de FONSICAV, compte tenu de la situation de conflit d'intérêts dans laquelle il se trouvait ; il aurait dû, à tout le moins, l'informer qu'il avait un intérêt financier à ce qu'elle souscrive ces titres ; il a ainsi manqué à son devoir de loyauté ; il aurait également dû lui préciser que ces SICAV ne permettaient pas de garantir, dans le cadre du sursis légal de paiement, l'intégralité du recouvrement des impositions contestées ; ce n'est que par un courrier du 8 octobre 1995 que le trésorier de Strasbourg-Est l'a informée de cette situation et lui a demandé de fournir des garanties complémentaires ; le trésorier s'est également engagé à lui accorder une remise de la majoration de 10 % et il n'a pas tenu son engagement ; ainsi, le trésorier de Strasbourg-Est a commis des fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
- ces fautes sont à l'origine du préjudice financier qu'elle a subi ;
- son préjudice, correspondant à l'application de la majoration de 10 % pour paiement tardif, s'élève à 223 219 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dhers,
- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., substituant MeB..., représentant la société d'édition des artistes peignant de la bouche et du pied.
1. Considérant que la société d'édition des artistes peignant de la bouche et du pied a contesté les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1989 à 1992 et qui ont été mises en recouvrement les 31 octobre 1994 et 30 juin 1995 ; qu'elle a demandé à bénéficier du sursis légal de paiement pour les rappels mis en recouvrement le 31 octobre 1994 et affecté en garantie des SICAV (FONSICAV) qu'elle a souscrites auprès du trésorier de Strasbourg-Est, chargé du recouvrement de ces impôts ; que, par un arrêt devenu définitif du 14 juin 2001, la cour de céans a rejeté ses requêtes tendant à la décharge de ces rappels ; que le trésorier de Strasbourg-Est lui a adressé les 15 et 16 avril 2008 deux commandements de payer pour recouvrer la majoration de 10 % pour paiement tardif alors prévue par l'article 1761 du code général des impôts ; que la société d'édition des artistes peignant de la bouche et du pied a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser la somme de 321 880 euros en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi à raison de la liquidation de la majoration de 10 % pour paiement tardif ; que, par un jugement rendu
le 22 novembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande ; que la société d'édition des artistes peignant de la bouche et du pied relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions indemnitaires de la société d'édition des artistes peignant de la bouche et du pied :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1761 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur au cours des années 1994 et 1995 : " 1 Une majoration de 10 % est appliquée au montant des cotisations ou fractions de cotisations soumises aux conditions d'exigibilité prévues par l'article 1663 qui n'ont pas été réglées le 15 du deuxième mois suivant celui de la mise en recouvrement du rôle (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction en vigueur au cours de ces mêmes années : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge peut, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, être autorisé à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. Le sursis de paiement ne peut être refusé au contribuable que s'il n'a pas constitué auprès du comptable les garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor (...) " ; qu'aux termes de l'article A. 277-8 du même livre, dans sa rédaction en vigueur au cours des deux années précitées : " Les autres valeurs mobilières cotées en bourse, les parts de fonds communs de placement autres que ceux prévus par la loi n° 83-1 du 3 janvier 1983 et les actions de Sicav composées au moins pour moitié de valeurs françaises de première catégorie ou de valeur assimilées et gérées par la Caisse des dépôts et consignations ou un établissement de crédit agréé en qualité de banque par le comité des établissements de crédit sont admises pour une valeur égale à 60 p. 100 du dernier cours pour les valeurs cotées ou du dernier prix de rachat pour les parts de fonds communs de placement et pour les actions de Sicav (...) " ;
3. Considérant qu'une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice ; qu'un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l'impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d'existence dont le contribuable justifie ; que le préjudice invoqué ne trouve pas sa cause directe et certaine dans la faute de l'administration si celle-ci établit soit qu'elle aurait pris la même décision d'imposition si elle avait respecté les formalités prescrites ou fait reposer son appréciation sur des éléments qu'elle avait omis de prendre en compte, soit qu'une autre base légale que celle initialement retenue justifie l'imposition ; qu'enfin l'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité ;
4. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que la société d'édition des artistes peignant de la bouche et du pied soutient, aucune règle ni aucun principe, et en particulier le principe dit de loyauté ou le devoir de réserve qui s'impose aux agents publics, ne faisait obstacle à ce que le trésorier de Strasbourg-Est lui proposât de souscrire des SICAV distribuées par le réseau du Trésor public pour les affecter en garantie dans le cadre du sursis légal de paiement ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que la société d'édition des artistes peignant de la bouche et du pied fait valoir que le trésorier de Strasbourg-Est a omis, lors de l'affectation des SICAV en garantie des rappels d'impôt contestés, de lui indiquer qu'en application des dispositions précitées de l'article A. 277-8 du livre des procédures fiscales, la valeur de ces titres ne permettait pas de garantir l'intégralité du recouvrement de ces impositions et qu'il ne lui a demandé de produire des garanties complémentaires que par un courrier du 8 octobre 1995 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société d'édition des artistes peignant de la bouche et du pied ait été contrainte par le trésorier de Strasbourg-Est de demander le bénéfice du sursis légal de paiement plutôt que de payer les rappels qu'elle contestait et qu'elle ait été induite en erreur sur l'étendue des garanties à produire ; que ce sursis, prévu par les dispositions précitées de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, alors même qu'il suspend l'exigibilité des impositions contestées, n'a pas pour effet de soustraire à l'application de la majoration de 10 %, prévue par l'article 1761 du code général des impôts, les sommes restant à la charge du contribuable en cas de rejet total ou partiel de sa contestation ; que, par suite, la faute alléguée, au demeurant non établie, est sans lien avec le préjudice financier invoqué par la société d'édition des artistes peignant de la bouche et du pied ;
6. Considérant, en troisième lieu, que si la société d'édition des artistes peignant de la bouche et du pied soutient que le trésorier de Strasbourg-Est s'était engagé à lui accorder la remise de la majoration, elle ne l'établit pas par les éléments qu'elle produit ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que la société d'édition des artistes peignant de la bouche et du pied n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
Sur les conclusions présentées par la société d'édition des artistes peignant de la bouche et du pied au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société d'édition des artistes peignant de la bouche et du pied est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'édition des artistes peignant de la bouche et du pied et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 17NC00134