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05/06/2018 | FRANCE | N°17NC02764

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 juin 2018, 17NC02764


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2017 par lequel le préfet de la Marne a décidé sa remise aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1701609 du 24 août 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 novembre 2017, M. B... A..., représent

par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2017 par lequel le préfet de la Marne a décidé sa remise aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1701609 du 24 août 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 novembre 2017, M. B... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 24 août 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 21 juillet 2017 ;

3°) de mettre les dépens à la charge de l'Etat, ainsi que le versement de la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il n'a pas bénéficié d'un interprète dans une langue qu'il comprend au cours de l'audience devant le magistrat désigné ;

- le préfet de la Marne a omis de lui délivrer une information complète en méconnaissance de l'article 4 du règlement 604/2013/UE du 26 juin 2013 ;

- les informations ne lui ont pas été données dans une langue qu'il comprend ;

- il n'a bénéficié du concours d'un interprète ni dans le cadre de la procédure d'asile, ni à l'occasion de la notification de l'arrêté contesté ;

- il n'a pas bénéficié d'un entretien individuel, en méconnaissance de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ;

- la décision contestée méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été transmise au préfet de la Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.A..., ressortissant guinéen né le 4 juillet 1996, déclare être entré sur le territoire français au cours du mois de février 2017 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié ; que la consultation du fichier Eurodac ayant permis de constater que ses empreintes digitales avaient été relevées en Italie le 28 janvier 2017, le préfet de la Marne a saisi les autorités italiennes d'une demande de prise en charge de M.A... ; qu'en l'absence de réponse expresse dans le délai requis, le préfet a constaté, le 2 juillet 2017, que ces autorités avaient donné leur accord implicite dans les conditions prévues par l'article 22 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, et, par un arrêté du 21 juillet 2017, a décidé la remise de M. A...aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile ; que M. A... fait appel du jugement du 24 août 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen (...) " ; qu'aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif (...) / L'étranger peut demander au président du tribunal ou au magistrat désigné par lui le concours d'un interprète (...) " ;

3. Considérant qu'il ne ressort pas des termes de la demande introductive d'instance présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qu'il aurait sollicité l'assistance d'un interprète à l'audience du 24 août 2017 ; qu'il ne ressort pas non plus des mentions du jugement attaqué, lesquelles font foi jusqu'à preuve du contraire, que l'intéressé ou l'avocat qui l'assistait au cours de cette audience aurait formulé une telle demande ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière ;

Sur la légalité de l'arrêté portant remise aux autorités italiennes :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application de ce règlement doit se voir remettre, dès le début de la procédure, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ; que cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement et constitue une garantie dont la méconnaissance est de nature à entacher d'illégalité la décision ordonnant la remise de l'intéressé à l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile ; que l'annexe X au règlement d'exécution du 30 janvier 2014, publié au Journal officiel de l'Union européenne le 8 février 2014, précise le contenu de la brochure commune prévue par le paragraphe 3 de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a reçu le 26 avril 2017 trois documents correspondant au guide du demandeur d'asile, à la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de ma demande ' " et à la brochure B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce que cela signifie ' " ; que la signature du requérant portée sur la couverture de ces trois documents, établis en langue française, atteste qu'il a été destinataire des informations requises par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013 ; que si l'intéressé soutient ne comprendre que le soussou, il ressort des pièces produites à l'instance, notamment de la demande d'asile qu'il a présentée par l'intermédiaire de la Croix rouge française, qu'il a choisi le français en vue de son audition par les services de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'en outre, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'intéressé aurait expressément sollicité l'assistance d'un interprète en langue soussou aux fins de se faire traduire les informations remises le 26 avril 2017 ; qu'au surplus, le français est la langue officielle de la République de Guinée dont il est originaire ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des obligations d'information prévues par l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur (...) " ;

7. Considérant que contrairement à ce que soutient M.A..., il ressort des pièces du dossier, notamment du compte-rendu d'entretien produit par le préfet de la Marne, que l'intéressé a bénéficié, le 26 avril 2017, d'un entretien individuel aux fins de faciliter la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile ; qu'ainsi qu'il a déjà été dit, il a déclaré comprendre le français, langue dans laquelle s'est tenu l'entretien ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, que si M. A...soutient que la décision contestée lui a été notifiée sans l'assistance d'un interprète en langue soussou, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de cette décision, alors en outre que l'intéressé a pu utilement la contester devant le tribunal administratif ;

9. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable " ; qu'aux termes de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui reprend les termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

10. Considérant que pour contester son transfert vers l'Italie, M. A...se borne à soutenir que le préfet de la Marne aurait omis de s'assurer de l'absence d'atteinte grave à ses droits dans le cadre de ce transfert ; que le requérant n'apporte aucun élément à l'instance relatif aux conditions de son séjour en Italie au cours de l'année 2017 qui ferait présumer un risque sérieux que sa demande d'asile ne soit pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que, dans ces conditions, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'est pas fondé à soutenir que son transfert vers ce pays méconnaitrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

2

N° 17NC02764


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02764
Date de la décision : 05/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : HAMI - ZNATI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-06-05;17nc02764 ?
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