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05/06/2018 | FRANCE | N°17NC01989

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 juin 2018, 17NC01989


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C...et Mmes A...et B...C...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 10 octobre 2016 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement, ainsi que les décisions rejetant leurs recours gracieux.

Par trois jugements n° 1606

726, n° 1606727 et n° 1606728 du 20 avril 2017, le tribunal administratif de Strasbourg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C...et Mmes A...et B...C...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 10 octobre 2016 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement, ainsi que les décisions rejetant leurs recours gracieux.

Par trois jugements n° 1606726, n° 1606727 et n° 1606728 du 20 avril 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 3 août 2017 sous le n° 17NC01989, M. D... C..., représenté par Me Aras, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1606726 du 20 avril 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 10 octobre 2016 pris à son encontre, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de cette notification, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- cette décision méconnaît le principe général du droit imposant que la qualité de réfugié soit reconnue aux enfants de la personne à laquelle cette qualité a été reconnue ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article L. 313-14 du même code ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.

II. Par une requête enregistrée le 3 août 2017 sous le n° 17NC01990, Mme A...C..., représentée par Me Aras, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1606727 du 20 avril 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 10 octobre 2016 pris à son encontre, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de cette notification, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient les mêmes moyens que ceux qui sont soulevés dans la requête susmentionnée, enregistrée sous le n° 17NC01989.

La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.

III. Par une requête enregistrée le 3 août 2017 sous le n° 17NC01991, Mme B...C..., représentée par Me Aras, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1606728 du 20 avril 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 10 octobre 2016 pris à son encontre, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de cette notification, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient les mêmes moyens que ceux qui sont soulevés dans la requête susmentionnée, enregistrée sous le n° 17NC01989.

La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. et Mmes C...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par trois décisions du 28 août 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- et les observations de Me Aras pour M. et MmesC....

1. Considérant que M. D...C..., ressortissant turc né le 25 septembre 1988, est entré en France le 10 octobre 2012, suivi de ses deux soeurs Mmes B...et A...C..., nées respectivement le 25 septembre 1992 et le 1er octobre 1994, toutes deux également de nationalité turque ; que leurs demandes d'asile ont été rejetées par trois décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 16 octobre 2013, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 27 février 2014 ; que les demandes présentées par les intéressés en vue d'un réexamen de leur situation au regard de l'asile ont été rejetées par trois décisions de l'OFPRA du 18 mai 2015 en ce qui concerne M. C...et du 31 mai 2016 en ce qui concerne ses deux soeurs ; que ces décisions de rejet ont été confirmées par la CNDA, respectivement, le 19 septembre 2016 et le 23 septembre 2016 ; que, par trois arrêtés du 10 octobre 2016, le préfet du Bas-Rhin a refusé de délivrer un titre de séjour à M. et MmesC..., leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être renvoyés d'office à l'expiration de ce délai ; que les recours gracieux formés par les intéressés ont été rejetés par trois décisions du 15 décembre 2016 ; que, par trois requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, les requérants font appel des jugements du 20 avril 2017 par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 10 octobre 2016 et des décisions rejetant leurs recours gracieux ;

Sur le bien-fondé des jugements attaqués :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

3. Considérant que M. et Mmes C...soutiennent que leur père réside sur le territoire français en qualité de réfugié, laquelle lui a été reconnue le 16 décembre 2013, en compagnie de leur mère et de leur frère cadet qui bénéficient également de titres de séjour en qualité de réfugiés ; que si les requérants, célibataires et sans enfant, sont entrés en France le 10 octobre 2012 pour M. C...et le 15 janvier 2013 pour Mmes C..., à l'âge respectif de 24, 20 et 18 ans et si une autre de leurs soeurs, étant mariée, réside en Turquie avec sa propre famille, il ressort des pièces du dossier qu'ils ont toujours vécu avec leurs parents puis, après le divorce de ces derniers en 2008, avec leur mère ; qu'ils soutiennent, sans être sérieusement contredits par le préfet du Bas-Rhin, que la cellule familiale a perduré malgré le divorce de leurs parents, décidé en 2008 aux fins de préserver leur mère des persécutions dont leur père faisait l'objet ; que les requérants justifient par des raisons financières la séparation d'avec leur père pendant plus d'un an, l'intéressé étant entré sur le territoire français dès septembre 2011 ; qu'ainsi, dans les circonstances très particulières de l'espèce, les décisions de refus de séjour contestées ont porté au droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises ; que dès lors, ils sont fondés à soutenir que ces décisions ont été prises en méconnaissance des stipulations et dispositions citées au point précédent et doivent, pour ce motif, être annulées ; qu'ils s'ensuit que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, ainsi que les décisions rejetant leur recours gracieux, doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation des décisions de refus de séjour ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des requêtes, que M. et Mmes C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant qu'eu égard au motif retenu pour annuler les arrêtés contestés et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à chacun des requérants ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de délivrer ce titre à M. et Mmes C...dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Considérant que M. et Mmes C...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, leur avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Aras, avocate des requérants, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Aras de la somme globale de 1 500 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Strasbourg n° 1606726, n° 1606727 et n° 1606728 du 20 avril 2017, les arrêtés du 10 octobre 2016 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a refusé de délivrer un titre de séjour à M. et MmesC..., les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement, ainsi que les décisions rejetant leurs recours gracieux, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer à M. et Mmes C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Aras, avocate de M. et MmesC..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Aras renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Mme A...C..., à Mme B... C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

3

N° 17NC01989, 17NC01990, 17NC01991


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01989
Date de la décision : 05/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : ARAS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-06-05;17nc01989 ?
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