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05/06/2018 | FRANCE | N°16NC02439

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 juin 2018, 16NC02439


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2014 par lequel le ministre de l'intérieur l'a licenciée pour insuffisance professionnelle à compter du 31 octobre 2014 et de condamner l'Etat à lui payer les heures supplémentaires qu'elle a réalisées.

Par un jugement n° 1402455 du 19 mai 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3

novembre 2016 et un mémoire en réplique enregistré le 31 octobre 2017, MmeB... C..., représentée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2014 par lequel le ministre de l'intérieur l'a licenciée pour insuffisance professionnelle à compter du 31 octobre 2014 et de condamner l'Etat à lui payer les heures supplémentaires qu'elle a réalisées.

Par un jugement n° 1402455 du 19 mai 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 novembre 2016 et un mémoire en réplique enregistré le 31 octobre 2017, MmeB... C..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 19 mai 2016 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 21 octobre 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de la réintégrer et de procéder à sa titularisation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à lui payer les 123,58 heures supplémentaires qu'elle a réalisées ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle doit être considérée comme un agent public non titulaire pour la période postérieure au 30 avril 2014, date à laquelle son stage probatoire a pris fin ;

- elle n'a pas bénéficié des garanties prévues par la procédure de licenciement d'un agent non titulaire ;

- l'arrêté contesté n'est pas motivé ;

- la procédure pour licenciement disciplinaire n'a pas été respectée ;

- l'insuffisance professionnelle qui lui est reprochée n'est pas établie ;

- il appartient à l'administration d'établir qu'elle n'a pas accompli 123,58 heures supplémentaires.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est tardive et, par suite, irrecevable ;

- les moyens soulevés par la requérante sont inopérants ou ne sont pas fondés.

Mme C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 ;

- le décret n° 2006-1761 du 23 décembre 2006 ;

- l'arrêté du 6 décembre 2001 portant application du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que Mme C...a été nommée adjointe technique de 2ème classe stagiaire à compter du 1er mai 2012 et affectée, pour la réalisation de son stage probatoire, à la sous-préfecture d'Epernay en qualité d'agent de restauration et d'intendance ; que ce stage a été prolongé pour une année supplémentaire à compter du 1er mai 2013 ; que, par un arrêté du 21 octobre 2014, le ministre de l'intérieur a licencié Mme C...pour insuffisance professionnelle à compter du 31 octobre 2014 ; que l'intéressée a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à la condamnation de l'Etat à lui payer les heures supplémentaires qu'elle estime avoir réalisées au titre de l'année 2014 ; que Mme C...fait appel du jugement du 19 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;

Sur la légalité de l'arrêté du 21 octobre 2014 :

2. Considérant qu'aux termes du II de l'article 14 du décret du 23 décembre 2006 relatif aux dispositions statutaires communes applicables aux corps d'adjoints techniques des administrations de l'Etat, alors applicable : " Les personnes nommées dans un corps d'adjoints techniques à la suite d'une procédure de recrutement sans concours (...) sont nommées dans le grade correspondant à celui dans lequel le recrutement a été ouvert et accomplissent un stage d'une durée d'un an. / A l'issue du stage, les stagiaires dont les services ont donné satisfaction sont titularisés. / Les autres stagiaires peuvent, après avis de la commission administrative paritaire, être autorisés à effectuer un stage complémentaire d'une durée maximale d'un an. Si le stage complémentaire a été jugé satisfaisant, les intéressés sont titularisés. / Les adjoints techniques de 2e classe stagiaires, les adjoints techniques de 1re classe stagiaires et les adjoints techniques principaux de 2e classe stagiaires qui n'ont pas été autorisés à effectuer un stage complémentaire ou dont le stage complémentaire n'a pas été jugé satisfaisant sont soit licenciés s'ils n'avaient pas préalablement la qualité de fonctionnaire, soit réintégrés dans leur corps, cadre d'emplois ou emploi d'origine (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, que le stage de Mme C...qui, en l'absence de mesure expresse de titularisation, conservait la qualité de stagiaire après l'expiration de la durée normale du stage le 30 avril 2014 doit être regardé comme s'étant prolongé jusqu'à la date du 31 octobre 2014 à laquelle l'intéressée a été licenciée pour insuffisance professionnelle ; que dans ces conditions, elle ne saurait se prévaloir des garanties afférentes à la procédure de licenciement d'un agent contractuel ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le licenciement litigieux présenterait le caractère d'une mesure disciplinaire ; que dès lors, Mme C... ne saurait non plus soutenir avoir été privée des garanties propres à la procédure disciplinaire ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire ; qu'il en résulte qu'alors même que la décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne, elle n'est pas - sauf à revêtir le caractère d'une mesure disciplinaire - au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de faire valoir ses observations ou de prendre connaissance de son dossier, et n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et les règlements ; qu'ainsi qu'il a déjà été dit, il n'est pas établi que le licenciement litigieux présenterait le caractère d'une mesure disciplinaire ; que, dans ces conditions, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté aurait été pris à la suite d'une procédure irrégulière, faute pour elle d'avoir pu bénéficier d'un entretien préalable ou prendre connaissance de son dossier ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que la décision refusant de titulariser un fonctionnaire stagiaire à l'issue du stage n'a pour effet ni de refuser à l'intéressé un avantage qui constituerait pour lui un droit ni, dès lors que le stage a été accompli dans la totalité de la durée prévue par la décision de nomination comme stagiaire, de retirer ou d'abroger une décision créatrice de droits ; qu'une telle décision n'est, dès lors, pas au nombre de celles qui doivent être motivées en application des dispositions de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 reprises depuis à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport établi le 7 août 2014 en vue de l'éventuelle titularisation de MmeC..., que son stage probatoire a été prolongé en 2013 en raison d'un comportement peu compatible avec les exigences du service public, marqué notamment par la profération d'injures et de menaces à l'égard d'un collègue et de propos racistes tenus à l'occasion d'une cérémonie de remise de décrets de naturalisation ; que si de tels incidents n'ont plus été observés par la suite, le rapport précité souligne que la requérante présente un caractère difficile compromettant le travail en équipe avec les deux autres agents techniques de la résidence du sous-préfet, à l'origine d'un climat relationnel dégradé nécessitant des interventions régulières de ses supérieurs hiérarchiques ; que si Mme C...assure correctement les activités les plus courantes relatives au ménage, au lessivage, au repassage et à la préparation des repas simples, elle ne donne pas satisfaction dans la conception et la préparation des repas et des réceptions importantes qui se tiennent à la sous-préfecture ; que ni le compte-rendu d'entretien d'évaluation établi le 18 mars 2014, qui fait état des difficultés relationnelles rencontrées par la requérante, ni les attestations établies en sa faveur, qui émanent d'anciens employeurs privés, ne sont de nature à contredire les reproches précis et circonstanciés qui lui sont adressés dans le rapport du 7 août 2014 ; que, dans ces circonstances, le ministre de l'intérieur pouvait, après avoir pris en compte la manière de servir et le comportement de l'intéressée au cours de ses deux années de stage, refuser de la titulariser et la licencier pour insuffisance professionnelle sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur les conclusions tendant au paiement des heures supplémentaires :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires : " (...) 2° Le versement des indemnités horaires pour travaux supplémentaires à ces fonctionnaires est subordonné à la mise en oeuvre par leur employeur de moyens de contrôle automatisé permettant de comptabiliser de façon exacte les heures supplémentaires qu'ils auront accomplies (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 du même décret : " La compensation des heures supplémentaires peut être réalisée, en tout ou partie, sous la forme d'un repos compensateur. Une même heure supplémentaire ne peut donner lieu à la fois à un repos compensateur et à une indemnisation au titre du présent décret " ; qu'aux termes de l'article 4 de ce décret : " Pour l'application du présent décret (...), sont considérées comme heures supplémentaires les heures effectuées à la demande du chef de service dès qu'il y a dépassement des bornes horaires définies par le cycle de travail (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 6 décembre 2001 portant application du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat pour les personnels relevant de la direction générale de l'administration du ministère de l'intérieur : " (...) les heures supplémentaires effectuées par les agents relevant d'un décompte horaire font l'objet d'une compensation horaire d'une durée équivalente dans un délai de trois mois (...) " ;

9. Considérant que pour justifier des 123,58 heures supplémentaires qu'elle prétend avoir réalisées au cours de l'année 2014 et dont elle demande le paiement, Mme C...produit un tableau statistique indiquant des écarts de volume horaire pour les mois de janvier à octobre 2014 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, notamment de ce relevé statistique issu de l'application informatique permettant un contrôle automatisé des horaires effectués par les agents, que les heures supplémentaires litigieuses auraient été réalisées par la requérante à la demande de son chef de service, ainsi qu'il est prévu à l'article 4 précité du décret du 14 janvier 2002 ; qu'il n'est pas plus établi que ces heures supplémentaires, à les supposer autorisées, n'auraient pas donné lieu au bénéfice de repos compensateurs ; que ni " l'état des heures réelles effectuées ", signé par l'autorité hiérarchique, qui se rapporte au mois de janvier 2013, ni " l'état de feuilles d'heures présence " qui porte sur les mois d'avril et de mai 2013, ni encore la note manuscrite établie le 18 décembre 2011 ne suffisent à justifier du droit de Mme C...à obtenir la rémunération d'heures supplémentaires réalisées en 2014 ; que, par suite, les conclusions indemnitaires présentées par Mme C... ne peuvent qu'être rejetées ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre de l'intérieur, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...et au ministre de l'intérieur.

2

N° 16NC02439


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC02439
Date de la décision : 05/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Entrée en service - Stage - Fin de stage.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement - Insuffisance professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : BERNARD VOUAUX TONTI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-06-05;16nc02439 ?
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