La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/05/2018 | FRANCE | N°17NC02146

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 15 mai 2018, 17NC02146


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 11 avril 2017 par lequel le préfet de la Marne a refusé de renouveler le titre de séjour dont il était titulaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1700939 du 1er août 2017, le tribunal administratif de Châlo

ns-en-Champagne a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 11 avril 2017 par lequel le préfet de la Marne a refusé de renouveler le titre de séjour dont il était titulaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1700939 du 1er août 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 août 2017, et un mémoire complémentaire enregistré le 22 novembre 2017, M. B... A..., représenté par Me Couvreur, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 1er août 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 11 avril 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant cet examen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet de la Marne a fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il nécessite des soins dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une extrême gravité, qu'il ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que sa pathologie présente un lien avec ce pays ;

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée en tant qu'elle statue sur sa situation au regard de l'article L. 313-14 du code précité ;

- il justifie de considérations humanitaires et de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du même code ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît son droit à une vie privée et familiale normale, en méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 de ce code et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité dont le refus de séjour est entaché ;

- cette décision n'est pas motivée en droit ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité dont la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée ;

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été transmise au préfet de la Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le moyen de légalité externe tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation est irrecevable dès lors que ce moyen n'est pas d'ordre public et que seuls des moyens de légalité interne ont été soulevés contre cette décision devant le tribunal administratif.

M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., ressortissant arménien né le 23 novembre 1972, est entré en France le 6 février 2008 pour solliciter le bénéfice du statut de réfugié ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 septembre 2008, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 16 juillet 2010 ; que l'intéressé, qui s'est maintenu sur le territoire français, a bénéficié d'un titre de séjour pour raison de santé pour la période du 13 avril 2012 au 12 avril 2013, lequel a été renouvelé à plusieurs reprises jusqu'au 29 décembre 2016 ; que, le 27 décembre 2016, M. A... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour ; que, par un arrêté du 11 avril 2017, le préfet de la Marne a rejeté sa demande et obligé l'intéressé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de l'Arménie ; que le requérant fait appel du jugement du 1er août 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...est entré en France le 6 février 2008, avec sa compagne et ses deux enfants, et réside depuis lors dans ce pays où un troisième enfant est né en 2011 ; que le requérant, qui ne conteste pas être séparé de sa compagne, fait état de la présence en France de ses trois enfants qui résident avec leur mère, qui bénéficie d'un titre de séjour valable jusqu'en 2019, et avec lesquels il dit entretenir des liens affectifs ; que si, selon les termes de l'arrêté contesté, les enfants de M. A...ne souhaiteraient plus le voir eu égard au contexte d'extrême tension lié à la séparation, l'intéressé produit sur ce point une attestation de son ex-compagne certifiant qu'il continue de s'occuper de ses trois enfants ; qu'il ressort encore suffisamment des éléments produits par le requérant, constitués notamment d'attestations et de témoignages, qu'il continue d'entretenir des liens affectifs avec ses trois enfants et contribue, à la mesure de ses moyens, à leur entretien et à leur éducation ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de M. A..., la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise ; que dès lors, M. A... est fondé à soutenir que le préfet de la Marne a méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il s'ensuit qu'il est également fondé à soutenir que la décision lui refusant le droit au séjour doit être annulée pour ce motif, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant qu'eu égard au motif retenu pour annuler l'arrêté contesté et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus à M. A..., le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Marne de délivrer ce titre dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Couvreur, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Couvreur de la somme de 1 500 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 1700939 du 1er août 2017, ainsi que l'arrêté du 11 avril 2017 par lequel le préfet de la Marne a refusé de renouveler le titre de séjour de M. B... A..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Marne de délivrer à M. A...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Couvreur, avocat de M.A..., une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Couvreur renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

2

N° 17NC02146


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02146
Date de la décision : 15/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP MARIN-COUVREUR

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-05-15;17nc02146 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award