Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Bureau d'études techniques et ingénierie du bâtiment (BETIB) a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et en 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1500254 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 juillet 2016, la société BETIB, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 30 juin 2016 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et en 2010, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a omis de répondre à ses moyens tirés de ce que la décision de confier certaines prestations à la société ITC constitue une décision de gestion opposable à l'administration et de ce que les prestations confiées à cette société ne relèvent pas des missions inhérentes à la gérance de la société BETIB ;
- les prestations confiées à la société ITC et facturées à la société BETIB ne constituent pas des missions liées à la gérance de cette dernière société, avec laquelle elles feraient double emploi ;
- la société BETIB pouvait décider de confier à la société ITC certaines tâches de gestion qui sont des missions d'assistance auprès de son gérant, sans constituer les missions propres de ce dernier ;
- cette décision se rapporte à une gestion normale de la société et est opposable à l'administration ;
- à titre subsidiaire, elle justifie de ce que les prestations assurées par la société ITC ne relèvent pas des fonctions de gérant pour un montant annuel de 50 438 euros, qu'il convient de déduire au titre des charges relatives aux deux exercices litigieux ;
- à tout le moins, les frais relatifs à la gérance ne sauraient excéder 12 000 euros par an, ramenant le montant de ces charges déductibles à 48 684 euros pour 2009 et 54 200 euros pour 2010 ;
- la facture établie le 2 mars 2009 pour un montant de 11 600 euros ne peut qu'être imputée sur l'exercice clos en 2009 ;
- la facture du 2 juillet 2007 doit être prise en compte sur l'exercice clos en 2009 dès lors que son absence de comptabilisation entraine une surévaluation de l'actif net de 13 993,40 euros ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées dès lors que les tâches incombant au gérant ne sont pas définies, que les règles comptables sont complexes et que les manquements ne sont pas récurrents.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 septembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.
1. Considérant que la société Bureau d'études techniques et ingénierie du bâtiment (BETIB), qui a pour activité la réalisation d'études techniques dans le génie civil, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2009 et en 2010, à l'issue de laquelle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés lui ont été assignées ; que la société BETIB fait appel du jugement du 30 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces cotisations et des pénalités y afférentes ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que l'administration a réintégré dans le résultat de la société BETIB, sur le fondement de l'article 57 du code général des impôts, les prestations facturées par la société ITC pour un montant de 60 684 euros en 2009 et de 66 200 euros en 2010, réalisées par M. B..., gérant salarié de la société précitée et gérant non rémunéré de la société BETIB ; que, pour contester cette réintégration, la société requérante soutenait devant les premiers juges que, s'il avait été décidé en 2007 de ne plus rémunérer M. B...en tant que gérant, les prestations facturées par la société ITC correspondaient à des prestations distinctes des missions lui incombant en cette qualité ; que, dans le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a relevé que l'administration établissait l'existence d'un lien de dépendance et d'une pratique de la société BETIB entrant dans les prévisions de l'article 57 précité, en a tiré pour conséquence l'existence d'une présomption de transfert indirect de bénéfices au profit de la société ITC puis, constatant que les éléments apportés par la société requérante ne permettaient pas d'établir que les prestations facturées seraient distinctes de l'exercice normal des fonctions de gérant, en a déduit que les avantages consentis à la société ITC n'étaient pas justifiés par l'obtention de contreparties favorables à sa propre exploitation ; qu'ainsi, le tribunal administratif de Nancy, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments de la société requérante, n'a pas omis de se prononcer sur le moyen dont il était saisi et n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les suppléments d'impôt :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 57 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu du I de l'article 209 du même code : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France (....) " ; que ces dispositions instituent, dès lors que l'administration établit l'existence d'un lien de dépendance et d'une pratique entrant dans leurs prévisions, une présomption de transfert indirect de bénéfices, qui ne peut utilement être combattue par l'entreprise imposable en France qu'à charge, pour celle-ci, d'apporter la preuve que les avantages qu'elle a consentis ont été justifiés par l'obtention de contreparties favorables à sa propre exploitation ;
4. Considérant, d'une part, que dans le cadre de ses opérations de contrôle, l'administration a relevé que la société BETIB contrôlait 99 % du capital social de la société luxembourgeoise ITC et que la gérance de ces deux sociétés était assurée par M.B... ; qu'elle a également constaté que, dans le cadre de la convention d'assistance administrative conclue le 30 septembre 2005 entre les deux sociétés, la société ITC avait facturé à sa société mère, pour un montant de 60 684 euros en 2009 et un montant de 66 200 euros en 2010, des " prestations forfaitaires " ayant pour objet des tâches se rapportant à la gestion administrative et commerciale de la société BETIB et réalisées par M. B..., alors même que cette société avait décidé de ne plus le rémunérer en qualité de gérant à compter de l'année 2007 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les prestations facturées par la société ITC, qui ont pour objet d'assurer les relations de la société BETIB avec les clients et les fournisseurs, de rechercher de futurs chantiers, de réaliser des devis et de gérer le personnel, les facturations, les comptes bancaires de la société et les comptes clients, ne seraient pas de celles qui incombent au gérant d'une société composée de quatre salariés, telle la société requérante ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que ces missions ont été prises en charge par M. B...au cours des années 2009 et 2010 ; qu'au demeurant, la société BETIB a admis, dans ses observations formulées à la suite de la proposition de rectification, que M. B...se chargeait notamment, compte tenu de la petite taille de ladite société, de l'ensemble des tâches commerciales et administratives avant qu'elles ne soient confiées à la société ITC ; que, dans ces conditions, l'administration, qui a relevé le lien de dépendance entre les deux sociétés et le versement, par la société BETIB, de sommes correspondant à des frais de gérance alors qu'elle avait décidé de ne plus rémunérer son gérant, doit être regardée comme apportant la preuve d'un avantage accordé par ladite société à la société ITC et d'une pratique entrant dans les prévisions de l'article 57 du code général des impôts ;
5. Considérant, d'autre part, que pour justifier que les prestations forfaitaires facturées par la société ITC seraient distinctes des frais résultant des missions accomplies par M. B...en qualité de gérant, la société BETIB produit un tableau récapitulatif détaillant le contenu et le volume horaire de ces différentes prestations ; que la seule production de ce document, au demeurant non daté, ne suffit pas à établir que les prestations litigieuses seraient distinctes de celles résultant de l'exercice normal des fonctions de gérant et correspondraient aux nécessités de son exploitation ; que le tableau précité, dont il n'est pas établi qu'il aurait été annexé à la convention du 30 septembre 2005, ne démontre pas non plus qu'une partie des prestations facturées par la société ITC aurait été prise en charge par d'autres salariés de la société ITC que M. B...lui-même ; que la société BETIB ne saurait utilement se prévaloir de ce que l'administration aurait, à l'occasion d'un contrôle portant sur des années d'imposition ultérieures, fixé les frais de gérance à la somme de 12 000 euros pour obtenir une déduction, dans cette proportion, des prestations facturées par la société ITC ; qu'à cet égard, il résulte de l'instruction que M. B...avait reçu de la société requérante une rémunération de 70 213 euros en 2006, avant qu'il soit décidé de ne plus le rémunérer en qualité de gérant ; qu'ainsi, la société BETIB n'apporte pas la preuve que les avantages qu'elle a consentis à la société ITC seraient justifiés par l'obtention de contreparties favorables à sa propre exploitation ;
6. Considérant, en second lieu, qu'en application du 1 de l'article 39 du code général des impôts, dont les dispositions s'appliquent pour la détermination des bases de l'impôt sur les sociétés en vertu du I de l'article 209 du même code, le bénéfice net " est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° les frais généraux de toutes nature (...) " ; qu'il appartient au contribuable, pour l'application des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que, par ailleurs, le contribuable qui a accepté les redressements qui lui ont été notifiés supporte la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration ;
7. Considérant, d'une part, que la société BETIB a déduit en charges, sur l'exercice clos en 2009, un montant de 11 600 euros correspondant à des frais de déplacement au titre de l'année 2008, facturés le 2 mars 2009 par la société ITC, et un montant de 13 993,40 euros correspondant à des honoraires de gestion et à des prestations d'ingénierie se rapportant au mois de juin 2007 et facturés le 2 juillet 2007 par la société ITC ; qu'en application du principe de spécialité des exercices, ces frais et honoraires se rattachent à l'exercice au cours duquel ils ont été exposés et ont présenté pour l'entreprise le caractère d'une dette certaine dans son principe et dans son montant ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en acceptant, dans ses observations présentées le 5 juin 2012 en réponse à la proposition de rectification, le rehaussement prononcé par l'administration à raison des sommes précitées, la société BETIB supporte la charge de la preuve ;
8. Considérant, d'autre part, que la société BETIB ne justifie pas de ce que les frais de déplacement facturés en 2008 n'auraient pas présenté le caractère d'une dette certaine dans son principe et dans son montant au cours de la même année ; que la société requérante n'apporte aucune précision qui permettrait d'apprécier les conditions dans lesquelles l'absence de déduction des honoraires de gestion et de prestations d'ingénierie au cours de l'exercice clos en 2007 aurait pour conséquence une surévaluation de l'actif net ressortant du bilan de l'entreprise au 31 décembre de ce même exercice, justifiant que la société procède à une correction dans le bilan de l'exercice 2009 non prescrit ; qu'elle ne justifie pas plus de l'incidence de cette surestimation sur la variation de l'actif net au cours de l'exercice clos en 2009 ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que les frais et honoraires relatifs aux exercices 2007 et 2008 constitueraient des charges déductibles au titre de l'exercice clos en 2009 ;
En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; que ces dispositions ont pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives ; que pour établir ce manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt ;
10. Considérant, d'une part, que l'administration a relevé que la société BETIB, dont M. B... assurait la gérance, ne pouvait ignorer que la société ITC lui facturait des prestations correspondant à des missions incombant en principe à son gérant, alors que ce dernier n'était plus rémunéré en cette qualité par la société BETIB depuis 2007 et que les prestations facturées étaient assurées par l'intéressé en tant que salarié de la société ITC ; que la société requérante ne pouvait ainsi ignorer le caractère insuffisant, inexact et incomplet de ses déclarations ; qu'en rémunérant la société ITC pendant une période de vingt-quatre mois, pour des prestations accomplies en fait par son gérant, contrairement à la décision prise en 2007 de ne plus le rémunérer, la société BETIB a révélé son intention d'éluder l'impôt ; qu'ainsi, l'administration établit le manquement de la société requérante ;
11. Considérant, d'autre part, que l'administration a également relevé que la société BETIB ne pouvait ignorer le principe selon lequel les charges sont rattachées aux résultats de l'exercice au cours duquel elles ont été engagées et que l'imputation incorrecte des frais de déplacement et des honoraires de gestion et d'ingénierie n'a pas constitué une pratique isolée sur la période vérifiée ; que l'administration fait valoir que l'inscription des frais et honoraires précités, dont l'intitulé permettait de déterminer l'exercice de rattachement, pouvaient sans difficulté faire l'objet d'une inscription correcte ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant non seulement le caractère inexact des déclarations de la société, mais également son intention de minorer son résultat ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société BETIB n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société BETIB est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bureau d'études techniques et ingénierie du bâtiment (BETIB) et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 16NC01649