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17/04/2018 | FRANCE | N°17NC02750-17NC02752

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 17 avril 2018, 17NC02750-17NC02752


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 21 avril 2017 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné en cas d'exécution de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1701461 du 17 octobre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette

demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 17 novembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 21 avril 2017 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné en cas d'exécution de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1701461 du 17 octobre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2017 sous le n° 17NC02750, M. A... B..., représenté par la SCP Pierre Blocquaux et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 octobre 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 21 avril 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il remplissait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il justifiait d'un contrat de travail en relation avec sa formation et d'une rémunération supérieure au seuil fixé à l'article D. 5221-21-1 du code du travail ; le préfet ne pouvait pas lui opposer la situation de l'emploi ;

- l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article 9 du code civil et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

II. Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2017 sous le n° 17NC02752, M. A... B..., représenté par la SCP Pierre Blocquaux et Associés, demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 octobre 2017 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens exposés plus haut, sous la requête enregistrée sous le n° 17NC02750, sont de nature à entraîner l'annulation de ce jugement.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Haudier a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que les requêtes n° 17NC02750 et 17NC02752 de M. B...ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que M. A...B..., ressortissant malien né en 1980, est entré en France en 2008 afin d'y poursuivre des études ; qu'il s'est vu délivrer des titres de séjour en sa qualité d'étudiant, qui ont été régulièrement renouvelés jusqu'au 4 décembre 2015 ; qu'il a obtenu une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 29 novembre 2016 afin de trouver un emploi ; que, le 21 octobre 2016, il a sollicité un changement de statut afin d'obtenir un titre de séjour portant la mention " salarié " ; que, par un arrêté du 21 avril 2017, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai ; que M. B... relève appel du jugement du 17 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger :/ 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié "./ La carte de séjour est prolongée d'un an si l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi. Lors du renouvellement suivant, s'il est toujours privé d'emploi, il est statué sur son droit au séjour pour une durée équivalente à celle des droits qu'il a acquis à l'allocation d'assurance mentionnée à l'article L. 5422-1 du code du travail ; / 2° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou dans les cas prévus aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du même code, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 dudit code. Cette carte est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement, dans la limite d'un an. Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement. Elle porte la mention " travailleur temporaire " ; (...) / La carte de séjour prévue aux 1° ou 2° du présent article est délivrée, sans que lui soit opposable la situation de l'emploi, à l'étudiant étranger qui, ayant obtenu un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, souhaite exercer un emploi salarié et présente un contrat de travail, à durée indéterminée ou à durée déterminée, en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération supérieure à un seuil déterminé par décret en Conseil d'Etat " ; qu'aux termes de l'article L. 311-11 du même code : " Une autorisation provisoire de séjour d'une durée de validité de douze mois, non renouvelable, est délivrée à l'étranger ayant obtenu, dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret et qui : / 1° Soit entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur. Pendant la durée de cette autorisation, son titulaire est autorisé à chercher et à exercer un emploi en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération supérieure à un seuil fixé par décret et modulé, le cas échéant, selon le domaine professionnel concerné. / A l'issue de cette période de douze mois, l'intéressé pourvu d'un emploi ou d'une promesse d'embauche satisfaisant aux conditions énoncées au premier alinéa du présent 1° est autorisé à séjourner en France au titre de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux 1°, 2°, 4° ou 9° de l'article L. 313-20 ou de la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10, sans que lui soit opposable la situation de l'emploi ; (...) " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; / Lorsque la demande concerne un étudiant ayant achevé son cursus sur le territoire français cet élément s'apprécie au regard des seules études suivies et seuls diplômes obtenus en France ; (...) " ; que l'article R. 5221-21 du même code prévoit que : " Les éléments d'appréciation mentionnés au 1° de l'article R. 5221-20 ne sont pas opposables lorsque la demande d'autorisation de travail est présentée au bénéfice de : (...) / 2° L'étudiant, titulaire d'une autorisation provisoire de séjour délivrée en application de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui présente un contrat de travail en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération au moins égale à un montant fixé par décret ; / 3° L'étudiant visé au septième alinéa de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, titulaire d'un diplôme obtenu dans l'année, justifie d'un contrat de travail en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération au moins égale à une fois et demie le montant de la rémunération minimale mensuelle ; (...) " ; qu'enfin, l'article D. 5221-21-1 du même code précise que : " Le seuil de rémunération mentionné au 2° de l'article R. 5221-21 et au deuxième alinéa de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est fixé à une fois et demie le montant de la rémunération minimale mensuelle. " ;

5. Considérant que le requérant fait valoir que la situation de l'emploi ne lui était pas opposable dès lors qu'il occupait un emploi en relation avec sa formation assorti d'une rémunération supérieure au seuil fixé à l'article D 5221-21 du code du travail ; que, toutefois, à supposer même que le poste d'agent administratif qu'occupe M. B...au sein de l'hôpital de Ternon dépendant de l'AP-HP puisse être regardé comme étant en relation avec sa formation et notamment avec le master " droit économie et gestion " qu'il a obtenu en 2013, il n'établit pas que sa rémunération était supérieure au seuil fixé à l'article D 5221-21 du code du travail ; qu'il ne peut utilement se prévaloir à cet égard du montant figurant sur des fiches de paye des mois d'avril et mai 2017 établies au nom d'un autre agent ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet lui a opposé la situation de l'emploi pour refuser le titre " salarié " qu'il avait sollicité ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

6. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.B..., et ainsi qu'il vient d'être dit, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'est pas établie ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à exciper de son illégalité pour contester la décision portant obligation de quitter le territoire ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

8. Considérant que si M. B...se prévaut de son entrée en France en 2008, de la naissance de son fils au mois de mars 2016 et de la présence en France de sa soeur et de sa mère, il est constant que l'intéressé a été autorisé à séjourner en France afin d'y poursuivre des études et que sa compagne, avec laquelle il vit en concubinage depuis le 1er juin 2016 est en situation irrégulière et a fait l'objet le 29 novembre 2016 d'une obligation de quitter le territoire ; que, par ailleurs, alors même que sa soeur et sa mère résident en France, M. B...n'établit pas être isolé au Mali où il a vécu la majeure partie de sa vie ; qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Marne aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que, en tout état de cause, les dispositions de l'article 9 du code civil ;

9. Considérant qu'aux termes du premier paragraphe de l'article 3de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

10. Considérant qu'il n'est pas établi que la cellule familiale du requérant ne pourrait pas se reconstituer au Mali ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant l'obligation de quitter le territoire litigieuse, le préfet de la Marne aurait porté atteinte à l'intérêt supérieur du fils de M. B...né en France au mois de mars 2016 et qu'il aurait ainsi méconnu les stipulations précitées ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de la requête n° 17NC02752 tendant à ce que la cour ordonne le sursis à l'exécution du jugement attaqué :

12. Considérant que la cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de M. B...tendant à l'annulation du jugement du 17 octobre 2017, les conclusions de sa requête n° 17NC02752 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet ; qu'il n'y a, par suite, pas lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions d'annulation de M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant doivent être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. B...demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête n° 17NC02750 de M. B...est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 17NC02752 de M. B... tendant à ce que la cour ordonne le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 octobre 2017.

Article 3 : Les conclusions de M. B...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans la requête n° 17NC02752 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

2

N° 17NC02750, 17NC02752


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02750-17NC02752
Date de la décision : 17/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP BLOCQUAUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-04-17;17nc02750.17nc02752 ?
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