Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 6 mars 2017 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.
Par un jugement n° 1701215 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 8 nnovembre 2017 et le 1er février 2018, M. A...B..., représenté par Me Dravigny, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1701215 du 21 septembre 2017 du tribunal administratif de Besançon ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 mars 2017 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", et à titre subsidiaire de réexaminer sa demande et de le mettre en possession, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour, sous un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. B...soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il ne s'est pas maintenu en France en raison des délais d'examen de sa demande d'asile mais a bénéficié de titres de séjour depuis 2013 ;
- la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à la scolarité de sa fille ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne pourra pas être pris en charge médicalement dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2018, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Lambing, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.B..., ressortissant du Kosovo né en 1975, est entré irrégulièrement en France le 8 août 2010 selon ses déclarations ; qu'il a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié, qui lui a été refusée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 22 mars 2011, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 9 février 2012 ; qu'il a sollicité le réexamen de sa demande qui a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 avril 2013 ; que par arrêté du 29 octobre 2012, le préfet du Doubs lui a notifié un refus d'admission au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français en fixant le pays de destination ; que la légalité de cette décision a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Besançon le 19 mars 2013 puis par la cour de céans le 27 mars 2014 ; que M. B...a sollicité une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, qui lui a été délivré le 21 décembre 2012, renouvelé à deux reprises ; que M. B...a demandé le renouvellement de ce titre de séjour ; que par un arrêté du 6 mars 2017, le préfet du Doubs lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office ; que M. B...relève appel du jugement du 21 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ;
3. Considérant qu'il appartient au juge administratif d'apprécier, au vu des pièces du dossier, si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...souffre d'une cardiopathie ischémique, d'hypertension artérielle, de dyslipidémie et d'obésité ; qu'à la date de la décision attaquée, il était également suivi pour une possible apnée du sommeil ; qu'il bénéficie d'un traitement médicamenteux, composé d'un antiagrégant plaquettaire, d'antihypertenseurs, de statine, d'un anxiolytique, d'un antidépresseur, d'un neuroleptique et d'un médicament limitant la sécrétion acide de l'estomac ; que dans son avis rendu le 6 janvier 2017, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale devant être poursuivis pendant une durée de douze mois, dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que le préfet du Doubs, qui n'était pas lié par cet avis, a refusé de délivrer le titre de séjour demandé par M. B... au motif qu'un traitement approprié à l'état de santé du requérant était en réalité disponible au Kosovo ;
6. Considérant que pour remettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins au Kosovo résultant de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet du Doubs a produit, en première instance, la fiche pays du Kosovo qui indique qu'il n'existe ni médicament antipsychotique ni antidépresseur de nouvelle génération ; que pour les patients atteints de cardiopathies ischémiques, des antiagrégants étant disponibles ainsi qu'un suivi clinique ; que des hypertenseurs figurent également sur la liste des soins disponibles ; que pour la première fois en appel, le préfet produit un courriel du conseiller santé du ministère de l'intérieur du 20 décembre 2017, qui évoque des traitements de maladie psychiatrique dont il n'est cependant pas établi qu'ils seraient composés des mêmes principes actifs que les médicaments prescrits à M.B... ; que ces documents, qui ne permettent pas de déterminer l'existence de traitement comparable à celui administré à M.B..., n'établissent pas que l'organisation du système de santé du Kosovo permet de prendre en charge les pathologies dont il souffre ; que par suite, M. B...est fondé à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français ;
7. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mars 2017 par lequel le préfet du Doubs lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, et par voie de conséquence en tant que le préfet du Doubs a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant que l'annulation des décisions par lesquelles le préfet du Haut-Rhin a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M.B..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination implique nécessairement la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet du Doubs de délivrer à l'intéressé un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous réserve de changement des circonstances de fait ou de droit ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dravigny, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondante à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de la requérante de la somme de 1 000 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1701215 du 21 septembre 2017 du tribunal administratif de Besançon et l'arrêté du préfet du Doubs du 6 mars 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à l'intéressé un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sous réserve de changement des circonstances de fait ou de droit.
Article 3 : L'Etat versera à Me Dravigny, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondante à la part contributive de l'Etat, la somme de 1 000 euros.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 17NC02692