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12/04/2018 | FRANCE | N°17NC00264

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 12 avril 2018, 17NC00264


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Lighting Components International a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des majorations correspondantes, qui lui ont été assignées au titre des années 2007, 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1304008 du 6 décembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le

6 février 2017, et un mémoire, enregistré le 6 mars 2018, la SARL Lighting Components International, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Lighting Components International a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des majorations correspondantes, qui lui ont été assignées au titre des années 2007, 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1304008 du 6 décembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 février 2017, et un mémoire, enregistré le 6 mars 2018, la SARL Lighting Components International, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des majorations correspondantes, qui lui ont été assignées au titre des années 2007, 2008 et 2009 ;

3°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle et des intérêts de retard mis à sa charge au titre des années 2008 et 2009 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les réponses aux observations du contribuable ont été signées par M.E..., dont il n'est pas établi qu'il était compétent pour signer ces actes de procédure ; les nominations d'un agent public ne peuvent avoir un effet rétroactif ; la signature de l'inspecteur principal ne permet pas de pallier l'incompétence de M.E... ;

- les factures qui lui ont été adressées par M. D. sont déductibles ;

- elle a demandé à la société Omnitronix de développer des produits qui n'existaient pas sur le marché européen ; leurs relations sont formalisées par un contrat du 2 mars 2005 intitulé " Non Binding Letter Of Intent Of ODM Cooperation " ; ce document, établi seulement deux ans après sa création, prévoit qu'elle prend en charge des coûts de recherche et de développement de la société Omnitronix ; en contrepartie, la société Omnitronix accepte de produire pour elle, de lui laisser une marge suffisante pour qu'elle s'implante sur le marché et de lui faire profiter du fruit de ses recherches ; l'article 7 de la convention stipule qu'elle finance la recherche d'Omnitronix dans une fourchette de 10 à 15 % de son chiffre d'affaires ; le partenariat avec la société Omnitronix a permis d'augmenter son chiffre d'affaires au cours des années ultérieures, à l'exception de celui de l'année 2009 en raison de la crise financière ;

- que, par un acte authentique du 31 mai 2008, son gérant, M.D..., lui a cédé pour une durée de vingt-et-un ans l'usufruit d'un immeuble destiné à accueillir ses bureaux pour un montant de 986 000 euros qui a été inscrit à l'actif de son bilan ; que le vérificateur a estimé que la valeur de cet actif s'élevait à 658 360 euros et a, par voie de conséquence, réduit le montant amortissable et les intérêts déductibles des emprunts contractés pour financer l'acquisition de l'usufruit temporaire ; le vérificateur ne pouvait se fonder sur la seule méthode des flux de trésorerie actualisés ; elle a demandé à un expert immobilier de déterminer la valeur de l'immeuble qui a été fixée à 1 300 000 euros ; la valeur de l'usufruit a été fixée à environ 75 % de ce montant, soit 986 000 euros, ce qui est très proche du barème prévu par l'article 669 du code général des impôts ; cette évaluation a également été soumise au notaire qui a rédigé l'acte de cession et elle a été corroborée par une étude relative à la valeur locative des locaux, réalisée postérieurement à la cession par deux experts immobiliers qui ont notamment fixé la surface utile pondérée à 371 m² ; le montant annuel du loyer a été fixé par un expert à 86 750 euros ; elle a bénéficié de contreparties en payant le prix de 986 000 euros ;

- les pénalités ne sont pas justifiées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dhers,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la SARL Lighting Components International.

1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) Lighting Components International, qui commercialise des composants et des équipements électroniques d'éclairage, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 10 septembre 2010 au 17 juin 2011 portant notamment sur les exercices clos en 2007, 2008 et 2009, à l'issue de laquelle l'administration a estimé que la comptabilité des exercices 2008 et 2009 n'était pas probante et a mis en recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des trois exercices vérifiés, assorties de pénalités ; que la société requérante a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge de ces rappels et de ces pénalités ; que par un jugement du 6 décembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a partiellement fait droit à cette demande en substituant la pénalité de 40 % à celle de 80 % initialement infligée à raison, selon l'administration, de la déduction injustifiée de factures émanant de la société Omnitronix au cours des trois exercices litigieux ; que la SARL Lighting Components International relève régulièrement appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;

Sur les conclusions aux fins de décharge :

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée " ; aux termes de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Sous réserve des dispositions des articles 409 et 410 de l'annexe II au code général des impôts, seuls les fonctionnaires de la direction générale des finances publiques appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que proposer les rectifications. Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa peuvent se faire assister pour les opérations de contrôle par des fonctionnaires stagiaires et par tout autre fonctionnaire de la direction générale des finances publiques affecté ou non dans le même service déconcentré ou service à compétence nationale. " ;

3. Considérant que les propositions de rectifications, datées des 16 décembre 2010 et 22 août 2011, ont été signées par le vérificateur, M.B... ; que les réponses aux observations du contribuable adressées les 16 décembre 2011 et 3 janvier 2012 à la SARL Lighting Components International ont été signées par M.E... qui, en qualité de fonctionnaire stagiaire, avait assisté le vérificateur lors du contrôle ; que la société requérante soutient que ce dernier n'était pas compétent pour signer ces actes de procédure puisque son affectation à la direction du contrôle fiscal Est à compter du 1er mars 2011 n'a été prononcée que par un arrêté du 25 janvier 2012, publié le 11 février 2015, qui ne saurait rétroagir ;

4. Considérant que la circonstance que la nomination de M. E...est illégale en tant qu'elle est rétroactive est sans influence sur la légalité des actes accomplis par cet agent et relevant de ses fonctions, tant que sa nomination n'a pas été annulée ; qu'au surplus, les réponses aux observations du contribuable des 16 décembre 2011 et 3 janvier 2012 ont également été signées par M. C...qui, en sa qualité de supérieur hiérarchique de M. E..., a endossé l'ensemble du contenu de ces actes de procédure ; que la société requérante n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les commentaires publiés le 12 septembre 2012 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-CF-DG-30-20120912 qui sont relatifs à la procédure d'imposition et ne peuvent en conséquence être regardés comme comportant une interprétation d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit être écarté ;

En ce qui concerne le bien-fondé des rappels au titre de l'année (exercice) 2007 :

S'agissant des factures établies par M. D. :

5. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

6. Considérant qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;

7. Considérant que l'administration a refusé la déduction de deux factures établies le 31 décembre 2007 par M. D., agent commercial suisse se présentant sous l'enseigne " International marketing ", d'un montant total de 93 974,28 euros qui correspondent, selon la société requérante, à des prestations de mise en relation de la SARL Lighting Components International avec des clients et des fournisseurs ; que l'administration fait en particulier valoir que ni M. D. ni l'entité " International marketing " ne sont inscrits au registre du commerce suisse et que la société requérante n'a pas été en mesure de produire une convention conclue avec M. D. ; que si la société APF, qui est l'un des fournisseurs de la société requérante, a confirmé que M. D. avait participé à onze réunions, celles-ci se sont déroulées lors des vacances familiales de M.D..., gérant de la SARL Lighting Components International ; qu'en outre, une demande d'assistance internationale adressée aux autorités suisses, portant sur les activités de M. D., s'est avérée infructueuse ; que la société requérante soutient pour sa part que M. D. dispose d'une expérience de trente ans dans le domaine de l'éclairage, qu'il est très connu et unanimement respecté sur les marchés européen et mondial ; que ces seuls éléments ne permettent pas d'établir la réalité des prestations d'entremise que M. D. aurait effectuées pour le compte de la SARL Lighting Components International ; que, par suite, l'administration était fondée à refuser la déduction des charges correspondant aux factures adressées par M. D. à la SARL Lighting Components International ;

S'agissant des factures établies par la société taïwanaise Omnitronix Inc :

8. Considérant que la société américaine Omnitronix Engineering LLC fournit des composants électroniques à la SARL Lighting Components International ; qu'une société taïwanaise intitulée " Omnitronix Inc " a, au cours des exercices 2005 à 2007, adressé à la société requérante six factures, d'un total de 365 000 euros, qui se rapportent à des frais de recherche et à des frais de présentation de la marque de la société requérante lors de salons à Hong-Kong ; que l'administration a refusé la déduction des sommes figurant sur ces factures et a, par conséquent, réintégré le montant total de 365 000 euros dans le bénéfice imposable de l'exercice 2007, en faisant valoir que les factures en cause présentaient des incohérences, notamment en mentionnant une date limite de paiement cinq ans après leur établissement, et que rien ne permettait de justifier la réalité des prestations facturées ; que la SARL Lighting Components International soutient que ses relations avec la société Omnitronix Inc sont formalisées par un contrat conclu le 2 mars 2005, soit deux ans après sa création, intitulé " Non Binding Letter Of Intent Of ODM Cooperation " (lettre d'intention non contraignante pour une coopération portant sur des produits en marque blanche) qui prévoit qu'Omnitronix accepte de lui fabriquer des produits à des prix attractifs et, en contrepartie, que la société requérante s'engage à financer la recherche d'Omnitronix pour un prix variant de 10 à 15 % de son chiffre d'affaires ; que la SARL Lighting Components International soutient également que le partenariat avec Omnitronix a permis d'augmenter son chiffre d'affaires au cours des années ultérieures et qu'elle a produit au cours de la vérification de comptabilité plus de 120 documents démontrant l'existence de travaux de recherche et de développement réalisés par la société Omnitronix Inc ; que l'administration fait valoir au contraire que 95 de ces documents n'étaient pas relatifs à des prestations de recherche et de développement et que les autres documents ont trait à des produits vendus sous la marque Omnitronix ; que la société requérante ne fournit aucune explication permettant de contredire ces constatations et ne donne aucune précision sur les contreparties qui auraient été consenties par la société taïwanaise ; qu'elle n'apporte enfin aucun élément sur les frais de présentation de sa marque lors de salons à Hong-Kong ; que, dans ces conditions, l'administration était fondée à refuser la déduction de la somme de 365 000 euros du bénéfice imposable de l'exercice 2007 ;

En ce qui concerne le bien-fondé des rappels des années 2008 et 2009 :

S'agissant de la charge de la preuve :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) " ; que la SARL Lighting Components International ne conteste pas que sa comptabilité des exercices 2008 et 2009 n'était pas probante ; que les rappels litigieux afférents à ces deux exercices ont été établis conformément à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le 15 octobre 2012 ; que, par suite, il appartient à la SARL Lighting Components International d'apporter la preuve du caractère exagéré des rappels afférents aux exercices 2008 et 2009 ;

S'agissant des factures établies par M. D. :

10. Considérant que l'administration a remis en cause la déduction de deux factures qui lui ont été adressées par M. D. les 30 et 31 décembre 2008 pour un total de 40 358,02 euros et deux factures qui ont été établies par ce dernier les 29 mai, 16 octobre et 31 décembre 2009 pour un total de 68 538,24 euros ; qu'en se bornant à faire valoir les mêmes arguments que ceux qui sont exposés au point 7, la société requérante, qui supporte la charge de la preuve, ainsi qu'il vient d'être dit, n'établit pas la réalité des prestations qui lui ont été facturées et, par voie de conséquence, leur caractère déductible ;

S'agissant des factures établies par la société taïwanaise Omnitronix Inc :

11. Considérant que la société Omnitronix Inc a, au cours de l'exercice 2008, facturé à la SARL Lighting Components International des frais de recherche et des frais de présentation de sa marque lors de salons à Hong-Kong pour un total de 193 000 euros et, au cours l'exercice suivant, la somme de 160 000 euros pour des frais de recherche ; que, pour soutenir que l'administration n'était pas fondée à réintégrer ces deux montants dans les résultats des exercices 2008 et 2009, la SARL Lighting Components International fait valoir les mêmes arguments que ceux qu'elle a exposés pour l'exercice 2007 ; qu'ainsi, et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, la société requérante n'établit pas que les sommes en litige étaient déductibles ;

S'agissant de l'acquisition de l'usufruit d'un immeuble pour une durée de 21 ans :

12. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) " ; qu'aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : " 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. Cette valeur d'origine s'entend : Pour les immobilisations acquises à titre onéreux par l'entreprise, du coût d'acquisition (...) " ;

13. Considérant, d'autre part, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale ; que le fait, pour une entreprise, d'acquérir des biens à un prix notablement supérieur à leur valeur réelle ne relève pas, en règle générale, d'une gestion normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage, l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que l'avantage consenti sans contrepartie à l'occasion de cette acquisition constitue un acte anormal de gestion, à concurrence de l'écart de prix stipulé, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;

14. Considérant que, par un acte du 31 mai 2008, M.D..., gérant de la SARL Lighting Components International, a cédé à cette dernière l'usufruit d'un immeuble destiné à accueillir ses bureaux pour une durée de 21 ans au prix de 986 000 euros ; que la société requérante a financé l'acquisition de ce démembrement temporaire de propriété par deux emprunts ; qu'elle a inscrit cet usufruit temporaire à l'actif de son bilan pour le montant précité ; que le vérificateur a calculé la valeur de cet usufruit en recourant à la méthode dite des " flux de trésorerie actualisés " en prenant en compte une surface utile de 314,70 m², un loyer de 165 euros par mètre carré, une revalorisation annuelle du loyer de 2 % et un rendement annuel de 7 % ; que ces paramètres ont abouti à une estimation de l'usufruit temporaire à 658 360,03 euros ; que le vérificateur a, en conséquence, réduit le montant amortissable de l'usufruit temporaire de 9 141 euros pour l'exercice 2008 et de 15 595 euros pour l'exercice 2009 et le montant des intérêts d'emprunt déductibles de 8 428 euros pour l'exercice 2008 et de 13 983 euros pour l'exercice 2009 ;

15. Considérant que la circonstance que l'immeuble en cause soit utile pour le développement de l'activité de la SARL Lighting Components International ne suffit pas à établir que le recours à la méthode des flux de trésorerie actualisés serait inappropriée pour évaluer l'usufruit temporaire en litige ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le vérificateur ne s'est pas contenté de cette seule méthode d'évaluation, puisqu'il a eu recours à la méthode dite de " l'équilibre entre les parties " qu'il a écartée au motif qu'elle aboutissait à une évaluation de 564 086 euros qui était moins favorable pour la SARL Lighting Components International ; que cette dernière soutient enfin qu'un expert immobilier a, à partir d'une valeur en pleine propriété de 1 300 000 euros, évalué l'usufruit temporaire à environ 75 % de cette valeur, soit 986 000 euros, ce qui serait, selon la requérante, proche du barème prévu par le II de l'article 669 du code général des impôts, qui dispose que " L'usufruit constitué pour une durée fixe est estimé à 23 % de la valeur de la propriété entière pour chaque période de dix ans de la durée de l'usufruit (...) " ; que, cependant, l'application de ces dispositions conduirait à évaluer l'usufruit temporaire de 21 ans à environ 598 000 euros, compte tenu d'une valeur en pleine propriété de 1 300 000 euros, soit une valeur inférieure à celle retenue par l'administration fiscale ;

16. Considérant que la SARL Lighting Components International soutient également que la surface utile de l'immeuble a été évaluée par des experts immobiliers à 371 m² et sa valeur locative à 86 750 euros par an ; que toutefois, l'administration faisait valoir en première instance, sans être contestée, que, s'agissant de l'évaluation de la surface utile, la détermination de certaines surfaces était erronée, le cellier attenant à la cuisine étant qualifié de local d'archives, le placard à balais étant qualifié de placard électrique et le jardin d'hiver étant présenté comme une salle d'exposition, et, s'agissant de l'évaluation de la valeur locative du bien, que cinq des six termes de comparaison utilisés n'étaient pas identifiés et que le sixième n'était pas pertinent ; que la société requérante ne conteste pas davantage ces arguments en appel ; qu'elle ne justifie pas qu'elle a bénéficié de contreparties en faisant, pour l'essentiel, valoir qu'elle n'avait plus de loyer à payer pendant 21 ans, qu'elle était assurée de la jouissance du bien pendant cette durée et qu'elle pouvait le louer et le donner en garantie ;

17. Considérant que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant que la SARL Lighting Components International a effectué un acte anormal de gestion en acquérant auprès de son dirigeant l'usufruit de l'immeuble dans lesquels se trouvent ses bureaux pour une durée de 21 ans au prix de 986 000 euros ; que, par suite, l'administration était fondée à réintégrer la somme de 17 569 euros dans le bénéfice imposable de l'exercice 2008 et la somme de 29 578 euros dans celui de l'exercice 2009 ;

Sur les pénalités :

18. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...) la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration " ;

En ce qui concerne les pénalités pour manquement délibéré :

19. Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que la SARL Lighting Components International a acquis auprès de M. D...un actif pour un prix majoré de 327 640 euros ; qu'ainsi, elle ne pouvait ignorer qu'elle favorisait son gérant et augmentait ses charges constituées par des dotations aux amortissements et par des intérêts d'emprunt ; que, comme le fait valoir le service, ce fait révèle la volonté délibérée de la part de la société requérante d'éluder une partie de l'impôt dû ;

20. Considérant que les erreurs affectant les stocks concernent plusieurs références de produits, se reproduisent chaque année, que l'état d'inventaire annuel ne comportait que deux feuillets et que les écarts de valorisation sont de 20 % de la valeur du stock comptabilisé au titre de l'année 2007 et de 15 % au titre de l'année 2008 ; que ces faits relevés par le service traduisent, en l'espèce, la volonté délibérée de la part de la requérante d'éluder une partie de l'impôt dû ;

21. Considérant que la SARL Lighting Components International ne pouvait ignorer que les factures d'honoraires de M. D. ne pouvaient être comptabilisées en charge, en l'absence de contreparties et alors qu'elle ne disposait d'aucun justificatif nécessaire ; que ces faits traduisent également, en l'espèce, la volonté délibérée de la part de la requérante d'éluder une partie de l'impôt dû ;

En ce qui concerne les pénalités pour manoeuvres frauduleuses :

22. Considérant que la SARL Lighting Components International a pris en charge des dépenses personnelles de M. D...et de ses proches, notamment des frais de déplacements, des dépenses de vacances, d'alimentation ou d'habillement et il est constant que certaines mentions figurant sur les factures afférentes à ces frais, telles que les noms des membres de la famille ou la nature des prestations, ont été masquées à l'aide de ruban correcteur ; que, pour d'autres frais, une nouvelle facture comportant des mentions différentes a été demandée au facturier ; que la société requérante ne peut utilement faire valoir que la commission des infractions fiscales a refusé de donner un avis conforme à la plainte pour fraude fiscale envisagée par l'administration ; que, dans ces conditions, l'administration établit l'existence de démarches ou procédés destinés à l'égarer dans ses contrôles caractérisant des manoeuvres frauduleuses ;

23. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Lighting Components International n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

25. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Lighting Components International est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Lighting Components International et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 17NC00264


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00264
Date de la décision : 12/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-03-04-05 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Taxe professionnelle. Questions relatives au plafonnement.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Stéphane DHERS
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SELARL MC CONSULTANTS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-04-12;17nc00264 ?
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