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27/03/2018 | FRANCE | N°16NC02884

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 27 mars 2018, 16NC02884


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 4 juin 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la 2ème section de l'unité territoriale du Haut-Rhin a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1403956 du 7 décembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2016, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 31 juillet et 17 octobre 2017,

M. B...C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 4 juin 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la 2ème section de l'unité territoriale du Haut-Rhin a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1403956 du 7 décembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2016, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 31 juillet et 17 octobre 2017, M. B...C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 décembre 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 4 juin 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la 2ème section de l'unité territoriale du Haut-Rhin a autorisé son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant qu'il était tenu d'accepter la modification de son contrat de travail et a méconnu l'étendue de son contrôle en ne vérifiant pas si les propositions qui lui avaient été faites étaient licites et sérieuses ;

- le refus d'une modification de son contrat de travail ne pouvait justifier son licenciement ;

- l'inspecteur du travail a méconnu l'étendue de son contrôle alors qu'il n'a vérifié ni les raisons qui ont amené la société à lui proposer une modification du contrat de travail, ni les raisons qui ont motivé son refus, ni la licéité des contrats de travail qui lui avaient été proposés ;

- le refus de passer au " forfait-jours " ne pouvait justifier son licenciement dès lors que le contrat était illicite ;

- l'inspecteur du travail a commis une erreur d'appréciation en estimant que le contrat proposé de 35 heures hebdomadaires sur 3,5 jours n'entraînait que des modifications mineures ; contrairement à ce qu'a estimé l'inspecteur du travail, il ne pouvait pas effectuer les tâches qui lui incombaient en 35 heures.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2017, la SARL Aldi Marché Colmar, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. C...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Haudier,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour M.C....

1. Considérant que la société Aldi marché Colmar a sollicité l'autorisation de licencier M. B...C..., responsable de magasin et par ailleurs représentant syndical au comité d'entreprise, au motif que ce dernier avait refusé les modifications du contrat de travail qui lui avaient été proposées ; que, par une décision du 4 juin 2014, l'inspecteur de la 2ème section de l'unité territoriale du Haut-Rhin a autorisé ce licenciement ; que M. C...relève appel du jugement du 7 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que si M. C...soutient que le jugement doit être annulé dès lors que le tribunal administratif a commis des erreurs de droit ou d'appréciation, le fait, pour le juge de première instance, d'écarter à tort un moyen en commettant une erreur de droit ou en entachant sa décision d'une erreur d'appréciation justifie uniquement, le cas échéant, la censure de ce motif par la cour et l'examen des moyens soulevés dans le cadre de l'effet dévolutif, mais non l'annulation du jugement pour irrégularité ;

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est motivée par la circonstance que le salarié a refusé une modification du contrat de travail dont la nécessité est justifiée par des motifs autres que des motifs d'ordre disciplinaire ou économique, il appartient à l'inspecteur du travail et le cas échéant au ministre, de vérifier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la demande d'autorisation de licenciement est sans lien avec les mandats détenus et que le motif avancé est établi et justifie le licenciement, compte tenu notamment, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des caractéristiques de l'emploi exercé, de la modification apportée, des motifs invoqués par le salarié pour justifier son refus et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

4. Considérant, en premier lieu, que le principe général du droit, dont s'inspirent les dispositions des articles 1134 du code civil et celles reprises à l'article L.1221-1 du code du travail selon lesquelles le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun, implique que toute modification des termes d'un contrat de travail recueille l'accord à la fois de l'employeur et du salarié ; qu'ainsi, le fait pour un salarié de refuser une modification du contrat de travail n'est pas fautif ; que, toutefois, un employeur peut être autorisé à procéder au licenciement d'un salarié s'il établit que la nécessité de procéder à cette modification est justifiée ; que, par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que le refus qu'il avait opposé à la modification de son contrat de travail qui lui avait été proposée faisait en lui-même obstacle à ce que l'inspecteur du travail autorise son licenciement :

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il appartient à l'inspecteur du travail de vérifier si l'employeur établit que la nécessité de procéder à la modification du contrat de travail est justifiée et si ce motif justifie lui-même le licenciement, compte tenu notamment de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, de la modification apportée, des motifs invoqués par le salarié pour justifier son refus, des caractéristiques de l'emploi exercé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en l'espèce, il ressort des termes de la décision attaquée que l'inspecteur du travail a bien procédé à un tel contrôle ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'inspecteur du travail a méconnu l'étendue de son contrôle ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il est constant, ainsi que l'ont jugé notamment les cours d'appel de Dijon et de Douai dans des arrêts du 29 mai 2007 et du 31 mai 2011, que les clauses des contrats des responsables de magasins des sociétés Aldi instaurant un forfait annuel en heures n'étaient pas conformes aux dispositions de la convention collective du commerce à prédominance alimentaire, dès lors que les salariés ne bénéficiaient d'aucune autonomie d'organisation ; qu'il incombait, par suite, à la société Aldi Marché Colmar de proposer au salarié une modification de son contrat de travail afin de respecter lesdites dispositions ; que si la première proposition effectuée par l'employeur et consistant à la mise en place d'un " forfait jour " n'était pas davantage conforme à ces dispositions conventionnelles, en l'absence d'autonomie d'organisation du salarié, tel n'était pas le cas de la seconde, qui proposait au salarié un contrat, statut cadre, de 35 heures hebdomadaires réparties sur 3,5 jours ; que la rémunération horaire proposée était identique à celle prévue dans le précédent contrat ; qu'ainsi, la diminution de la rémunération mensuelle du salarié résultaient uniquement de la diminution de son temps de travail ; que, pour justifier son refus d'accepter cette modification M. C...fait valoir qu'il ne pouvait pas effectuer les tâches qui lui incombaient en sa qualité de responsable de magasin en 35 heures ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que la société avait expressément indiqué au salarié que, dans le cadre de cette modification, une organisation différente de celle de ses homologues " forfaitisés en contrat jour " ou de celle qui avait été mise en place lorsqu'il avait un forfait annuel serait instaurée pour l'aider dans la réalisation de ses tâches ; que la société indique sans être contredite " qu'il était prévu de répartir ses 35 heures de travail sur 3,5 jours dans la semaine, les tâches devant être effectuées tous les jours étant dès lors nécessairement attribuées pour les 2,5 jours restants à ses collaborateurs " ; que M. C...n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause ces affirmations ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce et alors même qu'il aurait indiqué à tort que les modifications du contrat de travail en cause étaient mineures et que l'intéressé n'avait pas subi de pertes de salaires, l'inspecteur du travail a pu légalement autoriser le licenciement de M. C... ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C...la somme demandée par la société Aldi Marché Colmar au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SARL Aldi Marché Colmar sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., à la SARL Aldi Marché Colmar et à la ministre du travail.

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N° 16NC02284


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC02884
Date de la décision : 27/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035-04 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Motifs autres que la faute ou la situation économique. Divers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : PATE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-03-27;16nc02884 ?
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