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22/03/2018 | FRANCE | N°16NC02676

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 22 mars 2018, 16NC02676


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...et Mme A...ont demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1501080 du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Nancy a prononcé la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge des requérants au titre de l'année 2010 et rejeté le su

rplus de leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...et Mme A...ont demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1501080 du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Nancy a prononcé la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge des requérants au titre de l'année 2010 et rejeté le surplus de leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le 5 décembre 2016, et un mémoire, enregistré le 30 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501080 du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a prononcé la décharge partielle des rappels effectués au titre de l'année 2010 ;

2°) de rejeter les demandes de M. E...et Mme A...présentées devant le tribunal administratif de Nancy.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la somme de 300 833 euros ne pouvait être imposée en 2010 sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts ;

- à défaut, il y aura lieu de procéder à une substitution de base légale et d'imposer la somme précitée sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ;

- s'il est fait droit à son recours, les impositions litigieuses seront nécessairement rétablies au nom de M. B...E...ou de Mme D...A....

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2017, Mme D...A...conclut au rejet du recours.

Elle soutient que :

- le fait que le ministre puisse obtenir une substitution de base légale la prive de toute possibilité de contester les rappels litigieux, puisqu'elle n'a pas participé à la gestion de la société par actions simplifiées (SAS) Arreba dont M. E...était le président ;

- elle a obtenu une décharge partielle de responsabilité solidaire ;

- à la suite du jugement du tribunal administratif de Nancy du 13 octobre 2016, le service a prononcé des dégrèvements ; compte tenu du fait qu'elle est divorcée de M.E..., elle s'oppose au rétablissement d'impositions qui ont été dégrevées et qui ne concernent que des revenus perçus par ce dernier ; après une annulation du jugement, des états exécutoires pourraient être émis uniquement à l'encontre de M.E....

Par lettres du 19 janvier 2018, la cour a, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties qu'elle était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de ce que l'administration a, à tort, fait application du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu au 7 de l'article 158 du CGI pour l'établissement des contributions sociales assises sur les revenus considérés comme distribués

Par un mémoire, enregistré le 23 janvier 2018, Mme A...a présenté ses observations en réponse au moyen d'ordre public ;

Vu

- les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dhers,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

1. Considérant que la société par actions simplifiée (SAS) Areeba, dont M. E...était le président, a fait l'objet en 2012 d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er septembre 2009 au 31 décembre 2010, à l'issue de laquelle l'administration a estimé que la comptabilité de cette société n'était pas probante et que celle-ci avait distribué la totalité de son bénéfice de l'exercice clos le 30 septembre 2010, soit 240 706 euros, à

M.E... ; que ce dernier et MmeA..., qui étaient mariés en 2010, ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2009 et 2010, à l'issue duquel l'administration a mis en recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des ces deux années, en imposant notamment la somme précitée de 240 706 euros, augmentée à 300 883 euros après application du coefficient de 1,25 prévue par le 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, sur le fondement du c de l'article 111 de ce code ; que, par un jugement rendu le 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Nancy a prononcé la décharge partielle des rappels d'impôt de l'année 2010 correspondant à une réduction en base de 300 833 euros pour défaut de base légale ; qu'après avoir prononcé un dégrèvement en base de 300 833 euros à la suite de ce jugement, le ministre de l'économie et des finances relève appel de ce jugement en tant que le tribunal a prononcé la décharge partielle des rappels d'impôt effectués au titre de l'année 2010 ;

Sur le motif de décharge retenu par le tribunal :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) " ;

3. Considérant, d'une part, qu'il est constant que la comptabilité de l'exercice clos le 30 septembre 2010 de la SAS Areeba n'était pas probante, ce qui a conduit le vérificateur à reconstituer les bénéfices qu'elle a réalisés à la clôture de cet exercice en tenant compte des sommes portées au crédit de son compte bancaire et de charges évaluées forfaitairement à 5 % de ces crédits ; que dans ces circonstances, le bénéfice réalisé par la SAS Areeba ne figurait pas en comptabilité et les sommes susmentionnées revêtaient nécessairement le caractère de distributions occultes ;

4. Considérant, d'autre part, qu'en cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé ; que, toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle ;

5. Considérant qu'il n'est pas contesté que M. E...était le président de la SAS Areeba, dont le siège social était situé à son domicile, et qu'il était le seul à disposer de la signature sur le compte bancaire de la société ; que si M. E...soutenait en première instance que le véritable maître de l'affaire était M.C..., les documents qu'il a produits, à savoir ses propres déclarations faites dans le cadre de l'instruction dont il a été l'objet pour des faits d'escroquerie réalisée en bande organisée et de recel de biens, le casier judiciaire de M. C...et des extraits du compte bancaire de ce dernier ouvert au Luxembourg, ne permettent pas à eux seuls de le démontrer ; que, dans ces conditions, l'administration établit que M. E...était le seul maître de l'affaire ; que les défendeurs n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause la présomption précitée ; que, par suite, M. E...doit être regardé comme ayant appréhendé les distributions effectuées par la SAS Areeba en 2010 ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a jugé que les revenus distribués en 2010 par la SAS Areeba ne pouvaient être imposés sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts ;

7. Considérant toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...et

M. E...devant le tribunal administratif de Nancy et la cour administrative d'appel de Nancy ainsi, le cas échéant, que les moyens d'ordre public que le juge d'appel est tenu de soulever d'office ;

Sur les autres moyens soulevés par M. E...et MmeA... :

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

8. Considérant qu'il convient, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nancy dans le jugement attaqué du 13 octobre 2016, d'écarter le moyen tiré de l'absence de débat oral et contradictoire ;

En ce qui concerne le bien-fondé des rappels :

9. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que M. E...n'était pas le maître de l'affaire doit être écarté pour les motifs exposés au point 5 ci-dessus ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que Mme A...a obtenu le 7 juillet 2016 une décision de décharge partielle de solidarité pour le paiement des rappels d'impôts sur le revenu en litige ; que si l'intimée a entendu soutenir que cette décision s'opposerait au rétablissement de l'imposition partiellement annulée par le tribunal administratif de Nancy, un tel moyen doit être écarté comme inopérant dès lors que cette décision est sans effet sur l'assiette des impositions en litige ;

11. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que l'administration a prononcé des dégrèvements partiels correspondant aux décharges accordées par le jugement du tribunal administratif de Nancy ne s'oppose pas à ce que la cour remette à la charge de Mme A...et de M. E...la fraction des impositions qui ont été déchargées en première instance ;

12. Considérant, en quatrième lieu, que Mme A...ne peut utilement faire valoir qu'elle n'est redevable d'aucun rappel d'impôt au titre de l'année 2010 au motif qu'elle est divorcée de M. E...dès lors qu'il est constant qu'ils étaient encore mariés en 2010 et que M. E...et Mme A...n'entraient pas dans l'une des exceptions au principe de l'imposition commune des personnes mariées prévue par l'article 6 du code général des impôts ;

13. Considérant, en cinquième lieu, que les moyens tirés de ce que les biens propres de Mme A...ne pouvaient pas faire l'objet d'hypothèques et que l'administration n'était pas en droit d'exercer des mesures conservatoires sur les comptes bancaires et les immeubles des intimés, malgré l'autorisation accordée par le juge de l'exécution, ont trait au recouvrement de l'impôt et doivent, en conséquence, être écartés comme inopérants dans le cadre du présent contentieux qui est un litige d'assiette ;

Sur la liquidation des contributions sociales :

14. Considérant qu'aux termes de l'article 158 du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008, alors applicable : " (...) 7. Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par 1,25. Ces dispositions s'appliquent : (...)-2° Aux revenus distribués mentionnés aux c à e de l'article 111 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 " I. -Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, à l'exception de ceux ayant déjà supporté la contribution au titre des articles L. 136-3 et L. 136-7 : (...) -c) Des revenus de capitaux mobiliers (...) " ;

15. Considérant, qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que c'est à bon droit que M. E...et Mme A...ont été assujettis au titre de l'année 2010 aux contributions sociales à raison des sommes perçues de la SAS Areeba et taxées à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts ;

16. Considérant, toutefois, que dans sa décision n° 2016-610 QPC du

10 février 2017, le Conseil constitutionnel a jugé les dispositions précitées du code de la sécurité sociale conformes à la Constitution, sous réserve qu'elles ne puissent être interprétées comme permettant l'application du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu par les dispositions précitées du 7 de l'article 158 du code général des impôts pour l'établissement des contributions sociales assises sur les revenus distribués mentionnés au c de l'article 111 résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice;

17. Considérant que, pour déterminer le montant des cotisations de contributions sociales, l'administration s'est fondée à tort sur une base d'imposition à laquelle elle a appliqué le coefficient de 1,25 prévu par les dispositions du 7 de l'article 158 du code général des impôts ; que, par suite, les cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles M. E...et Mme A...ont été assujettis au titre de l'année 2010, et les pénalités correspondantes, à raison des revenus distribués en provenance de la SAS Areeba doivent être remises à leur charge en tenant compte de la réduction en base correspondant à la majoration de 25 % prévue au 7 de l'article 158 du code général des impôts ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a prononcé la décharge de la totalité des rappels effectués dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre de l'année ; qu'il y a lieu par suite d'annuler dans cette mesure les articles 1er et 2 du jugement attaqué et de rétablir les impositions concernées en tenant compte de la réduction en base mentionnée au point 17 ci-dessus, ainsi que les pénalités correspondantes ;

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement susvisé du tribunal administratif de Nancy du 13 octobre 2016 sont annulés en ce qu'ils ont réduit de 300 883 euros la base d'imposition des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge de Mme A...et de M. E...au titre de l'année 2010 et ont prononcé en conséquence la décharge des rappels d'impôt correspondants et des pénalités y afférentes.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu visées à l'article précédent, ainsi que les pénalités correspondantes, sont remises intégralement à la charge de Mme A...et de M. E...au titre de l'année 2010. Les cotisations supplémentaires de contributions sociales visées audit article, ainsi que les pénalités correspondantes, sont également remises à leur charge au titre de l'année 2010, sous réserve de la prise en compte de la réduction en base mentionnée au point 17 ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre de l'économie et des finances est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A..., à M. B...E...et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 16NC02676


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC02676
Date de la décision : 22/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-03-04-05 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Taxe professionnelle. Questions relatives au plafonnement.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Stéphane DHERS
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SELARL REQUET CHABANEL

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-03-22;16nc02676 ?
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