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06/03/2018 | FRANCE | N°16NC01756

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 06 mars 2018, 16NC01756


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'avis du 1er décembre 2014 du conseil de discipline régional de recours, notifié le 5 décembre suivant, qui a rejeté son recours dirigé contre l'arrêté du 4 juin 2014 par lequel le président du conseil régional de Lorraine lui a infligé la sanction disciplinaire de révocation.

Par un jugement n° 1500395 du 7 juin 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une req

uête enregistrée le 8 août 2016, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'avis du 1er décembre 2014 du conseil de discipline régional de recours, notifié le 5 décembre suivant, qui a rejeté son recours dirigé contre l'arrêté du 4 juin 2014 par lequel le président du conseil régional de Lorraine lui a infligé la sanction disciplinaire de révocation.

Par un jugement n° 1500395 du 7 juin 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2016, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 7 juin 2016 ;

2°) d'annuler l'avis du 1er décembre 2014 du conseil de discipline régional de recours qui a rejeté son recours dirigé contre l'arrêté du 4 juin 2014 par lequel le président du conseil régional de Lorraine lui a infligé la sanction disciplinaire de révocation ;

3°) d'enjoindre au président de la région Grand Est de le réintégrer dans l'emploi qu'il occupait avant sa révocation ;

4°) de mettre à la charge de la région Grand Est la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- seul le président du conseil régional était compétent pour le révoquer en vertu du principe de parallélisme des compétences ; or, la révocation est signée par la directrice des ressources humaines de la région qui ne justifie pas d'une délégation de compétence régulière ;

- la composition du conseil de discipline régional de recours était différente lors de ses deux réunions des 8 septembre et 1er décembre 2014, en méconnaissance notamment des " règles tirées de la CEDH " ;

- il n'a pas été averti de la liste des témoins cités par le conseil régional ;

- la révocation qui lui a été infligée est disproportionnée au regard de la gravité de la faute qu'il a commise.

Par un mémoire, enregistré le 31 janvier 2017, la région Grand Est conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de M. A...le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de M.A..., qui est dépourvue de moyens d'appel, est irrecevable ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le décret n°2007-913 du 15 mai 2007 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux des établissements d'enseignement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tréand,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me C...pour M. A...et de Mme D...représentant la région Grand Est.

Une note en délibéré, enregistrée le 7 février 2018, a été présentée par la région Grand Est.

1. Considérant que M. B...A..., adjoint technique territorial principal de 2ème classe des établissements d'enseignement, était affecté au lycée Jules Ferry de Saint-Dié-des-Vosges et exerçait les fonctions de cuisinier ; qu'ayant entretenu avec un lycéen une conversation parfois à connotation sexuelle, il a été révoqué par un arrêté du président du conseil régional de Lorraine du 4 juin 2014 ; qu'en application des dispositions de l'article 91 de la loi susvisée du 26 janvier 1984, il a saisi le conseil de discipline régional de recours qui, le 8 septembre 2014, a sursis à statuer et sollicité la réalisation d'une expertise psychologique de l'intéressé ; que le 1er décembre 2014, le conseil de discipline régional de recours a rejeté le recours de M.A... et confirmé la sanction de révocation ; que, par un jugement du 7 juin 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté les conclusions à fin annulation de cet avis formées par M.A... ; que ce dernier relève appel de ce jugement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la région Grand-Est :

1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, applicable aux requêtes en appel en application des dispositions de l'article R. 811-13 du même code : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. (...) " ;

2. Considérant que la requête formée par M. A...contient des conclusions dirigées contre le jugement n° 1500395 du tribunal administratif de Nancy du 7 juin 2016 ; qu'il comprend, au moins implicitement, une critique des motifs retenus par les premiers juges et donc l'exposé des moyens exigé par les dispositions précitées de l'article R. 411-1 ; que, par suite, la requête d'appel est recevable et la fin de non-recevoir opposée par la région Grand Est doit être écartée ;

Sur les conclusions à fins d'annulation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Quatrième groupe : / la mise à la retraite d'office ; / la révocation " ; qu'aux termes de l'article 91 de la même loi : " Les fonctionnaires qui ont fait l'objet d'une sanction des deuxième, troisième et quatrième groupes peuvent introduire un recours auprès du conseil de discipline départemental ou interdépartemental dans les cas et conditions fixés par un décret en Conseil d'Etat. / L'autorité territoriale ne peut prononcer de sanction plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline de recours " ;

5. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ; qu'il lui appartient également de rechercher si la sanction proposée par un conseil de discipline de recours statuant sur le recours d'un fonctionnaire territorial est proportionnée à la gravité des fautes qui lui sont reprochées ;

6. Considérant qu'au cours du dernier trimestre 2013 et du mois de janvier 2014, M. A... a engagé une conversation sur le réseau social Facebook puis par SMS avec un mineur de plus de 15 ans, Gaëtan, qui était élève de seconde au lycée Jules Ferry de Saint-Dié-des-Vosges ; qu'à l'occasion de certains échanges, M. A...lui a proposé sans ambiguïté un rapport sexuel ; qu'émanant d'un adulte employé dans l'établissement scolaire de l'élève, ce comportement, comme l'admet le requérant, était gravement inapproprié et constitutif d'une faute disciplinaire ;

7. Considérant, toutefois, que Gaëtan a accepté de converser avec M.A..., qu'il connaissait, pendant de longs mois et en dehors des horaires de service et de l'établissement, sans qu'aucune contrainte ne pèse sur lui ; qu'il a révélé au requérant sa bisexualité et une partie de ses expériences sexuelles, lui a donné son numéro de téléphone et n'a manifesté qu'à la fin du mois de janvier 2014 sa volonté de clore cette conversation ; que M. A...a alors respecté sa volonté ; que, conscient que son comportement avait pu blesser le jeune élève, il s'est excusé auprès de lui et des parents de ce dernier ; que, d'ailleurs, l'expertise psychologique de Gaëtan, réalisée le 18 août 2014, indique clairement que le jeune homme, qui a estimé, lors de son audition par les services de police, ne pas avoir été harcelé, ne subit pas de traumatisme psychologique ; que la plainte déposée par les parents de Gaëtan mi-janvier 2014 a été classée sans suite par le procureur de la République le 18 février 2014 au motif que les faits reprochés à M. A...ne pouvaient recevoir aucune qualification pénale ; qu'en effet, contrairement à ce que soutient la région Grand Est, eu égard aux fonctions de cuisinier adjoint qu'il occupait, M. A... n'avait pas la qualité d'un " adulte référent " ayant autorité sur Gaëtan ; que, par ailleurs, l'expertise psychologique réalisée le 9 octobre 2014, à la demande du conseil de discipline de recours qui s'est tenu le 8 septembre 2014, démontre que l'appelant n'a pas de perversité, n'est pas manipulateur, est sociable et conclut " qu'on peut estimer raisonnablement et dans le contexte actuel, que ce sujet ne présente pas de danger particulier pour les enfants et adolescents (mineurs) avec lesquels il peut être en contact " ; que les nombreuses attestations produites par M. A...démontrent qu'il s'investit depuis de nombreuses années dans l'encadrement des enfants et des adolescents dans un club de football et dans des centres de vacances et de loisirs et que ses relations avec les enfants qui lui étaient confiés étaient irréprochables ; que sa bonne moralité et son dévouement y sont unanimement soulignés, notamment par les parents des enfants ; que la faute reprochée à M. A... au point 6, pour grave qu'elle soit, revêt donc un caractère isolé ; que, d'ailleurs, le conseil de discipline, qui a été consulté le 31 mars 2014 avant que le président du conseil régional de Lorraine ne révoque M.A..., était favorable à l'infliction d'une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de dix-huit mois ; que, dans ces conditions et alors qu'il n'est pas établi que cette affaire a reçu une quelconque publicité et a pu porter atteinte à la réputation du lycée Jules Ferry de Saint-Dié-des-Vosges et de la région intimée, la sanction de révocation proposée par le conseil de discipline de recours statuant le 1er décembre 2014 sur le recours de M. A... n'est pas proportionnée à la gravité de la faute qui lui est reprochée ; que, par suite, l'avis rendu le 1er décembre 2014 par le conseil de discipline régional de recours, qui n'implique pas que M. A...soit réintégré dans ses précédentes fonctions, encourt l'annulation ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

10. Considérant que, par le présent arrêt, la cour annule l'avis du 1er décembre 2014 du conseil de discipline régional de recours qui a rejeté le recours de M. A...dirigé contre l'arrêté du 4 juin 2014 par lequel le président du conseil régional de Lorraine a infligé à l'intéressé la sanction disciplinaire de révocation ; que la sanction disciplinaire de révocation prononcée le 4 juin 2014 à l'encontre de M. A...n'est pas annulée par voie de conséquence ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu d'enjoindre au président du conseil régional de la région Grand Est de réintégrer M. A... dans l'emploi qu'il occupait avant sa révocation ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

12. Considérant, d'une part, que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la région Grand Est la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;

13. Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la région Grand-Est demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1500395 du tribunal administratif de Nancy du 7 juin 2016 et l'avis du 1er décembre 2014 du conseil de discipline régional de recours qui a rejeté le recours de M. A... dirigé contre l'arrêté du 4 juin 2014 par lequel le président du conseil régional de Lorraine a infligé à l'intéressé la sanction disciplinaire de révocation sont annulés.

Article 2 : La région Grand Est versera à M. A...la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions formées par la région Grand Est sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et à la région Grand Est.

Copie sera adressée au conseil de discipline régional de recours.

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N° 16NC01756


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC01756
Date de la décision : 06/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure - Conseil de discipline.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Contrôle du juge de l'excès de pouvoir - Appréciations soumises à un contrôle normal.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : PASINA

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-03-06;16nc01756 ?
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