Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La chambre de commerce et d'industrie de région Lorraine a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la désignation par le syndicat CFE-CGC Réseaux consulaires de M. C...A..., intervenue le 30 juillet 2014.
Par un jugement n° 1401967 du 19 avril 2016, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette désignation.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 juin 2016, et un mémoire en réplique enregistré le 1er février 2018, le syndicat CFE-CGC Réseaux consulaires et M. C... A..., représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 19 avril 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la chambre de commerce et d'industrie de région Lorraine devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région Lorraine le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- il résulte des dispositions de l'article L. 2143-8 du code du travail que les contestations relatives aux conditions de désignation des délégués syndicaux relèvent de la seule compétence du juge judiciaire ;
- la demande présentée devant le tribunal administratif n'était pas recevable dès lors qu'il appartenait à la chambre de commerce et d'industrie de région Lorraine de s'opposer à la désignation du délégué syndical ;
- la désignation de M. A...n'est pas subordonnée aux critères de représentativité fixés par l'article L. 2122-1 du code du travail, mais à ceux qui sont déterminés par la décision de la commission paritaire nationale du 6 décembre 1984 ;
- cette désignation est régulière dès lors que le syndicat CFE-CGC Réseaux consulaires est représentatif au niveau national et dispose d'une section syndicale au sein de la chambre de commerce et d'industrie.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 18 juillet 2016 et le 2 février 2018, la chambre de commerce et d'industrie de région Lorraine, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du syndicat requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les requérants ne sont pas recevables à invoquer pour la première fois en appel l'irrecevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif ;
- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code du travail ;
- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;
- la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 ;
- la décision de la commission paritaire nationale du 6 décembre 1984, confirmée par une délibération de cette commission en date du 30 septembre 1998 ;
- la décision de la commission paritaire nationale du 19 décembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.
1. Considérant qu'à la suite des élections à la commission paritaire régionale de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de région Lorraine, les 19 mars et 11 avril 2013, le syndicat CFE-CGC Réseaux consulaires a informé le président de ladite chambre, par un courrier du 30 juillet 2014, de la désignation de M. C...A...en tant que délégué syndical ; que le syndicat CFE-CGC Réseaux consulaires et M. A...font appel du jugement du 19 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Nancy, saisi par la CCI, a annulé cette désignation ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'en application de l'article L. 710-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi du 23 juillet 2010, les chambres de commerce et d'industrie de région sont des établissements publics placés sous la tutelle de l'Etat et administrés par des dirigeants d'entreprise élus ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers : " La situation du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers de France est déterminée par un statut établi par des commissions paritaires nommées, pour chacune de ces institutions, par le ministre de tutelle " ; qu'aux termes du III de l'article 40 de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services : " Les agents de droit public sous statut employés par les chambres de commerce et d'industrie territoriales, à l'exception de ceux employés au sein de leurs services publics industriels et commerciaux, sont transférés à la chambre de commerce et d'industrie de région, qui en devient l'employeur, au 1er janvier 2013. Des commissions paritaires régionales auprès des chambres de commerce et d'industrie de région sont instituées dans les conditions prévues par la commission paritaire nationale, au plus tard dans un délai de six mois après le transfert des agents de droit public à la chambre de commerce et d'industrie de région au 1er janvier 2013 (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'elles instituent, en lieu et place des commissions paritaires locales, des commissions paritaires régionales pour chaque chambre de commerce et d'industrie (CCI) de région ;
3. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions de l'article 1er de la loi du 10 décembre 1952 et de l'article 10 de la loi du 23 juillet 2010 que la commission paritaire nationale a été habilitée par le législateur à adopter le statut des CCI et à prévoir les conditions dans lesquelles les commissions paritaires régionales sont instituées ; que la décision du 19 décembre 2012 de la commission paritaire nationale modifiant le statut du personnel administratif des CCI prévoit, dans son article 6.2.1, que l'ensemble des personnels des services industriels et commerciaux gérés par les CCI sont exclus du calcul des effectifs des agents électeurs et éligibles aux commissions paritaires régionales ;
4. Considérant que les délégués syndicaux au sein de la CCI de région sont désignés par les organisations syndicales qui, ainsi qu'il sera dit au point 9 ci-après, sont regardées comme représentatives au regard des résultats obtenus aux dernières élections à la commission paritaire régionale ; qu'il résulte des dispositions de l'article 6.2.1 de la décision de la commission paritaire nationale du 19 décembre 2012 que tant les agents composant le collège électoral à la commission paritaire régionale que les agents éligibles sont exclusivement des agents statutaires de droit public ; qu'eu égard à la nature administrative de la CCI de région dont les agents ont un statut de droit public, les litiges relatifs à la désignation des délégués syndicaux au sein de cet établissement relèvent de la compétence de la juridiction administrative, quand bien même l'initiative de cette désignation revient à une personne morale de droit privé dépourvue de toute mission de service public, tel un syndicat ;
5. Considérant, en second lieu, qu'en application de l'article L. 2143-8 du code du travail, qui figure au livre premier de la deuxième partie de ce code : " Les contestations relatives aux conditions de désignation des délégués syndicaux légaux ou conventionnels sont de la seule compétence du juge judiciaire (...) " ; que toutefois, l'article L. 2111-1 qui figure également au livre premier de la deuxième partie de ce code précise que " Les dispositions du présent livre sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'à leurs salariés. / Elles sont également applicables au personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé (...) " ;
6. Considérant que, ainsi qu'il a été dit au point 4 ci-dessus, les agents électeurs et éligibles à la commission paritaire régionale de la CCI de région Lorraine sont des agents statutaires de droit public ; que, par suite et en tout état de cause, les dispositions du livre premier de la deuxième partie du code du travail, dont l'article L. 2143-8 de ce code, ne trouvent pas à s'appliquer à la contestation de la désignation de M. A... comme délégué syndical ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a écarté l'exception d'incompétence opposée par le syndicat CFE-CGC et M. A...à la demande de la CCI de région Lorraine ;
Sur la recevabilité de la demande présentée en première instance :
8. Considérant que la CCI de région Lorraine ne tient d'aucune disposition, ni d'aucun principe général le pouvoir d'invalider la désignation de M. A...comme délégué syndical ; que dès lors, le syndicat CFE-CGC et M. A...ne sont pas fondés à soutenir qu'elle ne serait pas recevable à demander au juge administratif de prononcer l'annulation de cette désignation ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 712-11 du code de commerce : " I - La représentativité des organisations syndicales des établissements du réseau des chambres de commerce et d'industrie est déterminée d'après les critères de l'article L. 2121-1 du code du travail, sous réserve des dispositions du présent article relatives à la mesure de l'audience. (...) III - Sont représentatives auprès d'un établissement du réseau des chambres de commerce et d'industrie les organisations syndicales ayant recueilli le seuil d'audience prévu à l'article L. 2122-1 du code du travail, mesuré à partir des résultats obtenus aux élections à la commission paritaire de l'établissement (...) " ; que le seuil d'audience prévu à l'article L. 2122-1 du code du travail est fixé à 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections ; qu'aux termes de la décision de la commission paritaire nationale du 6 décembre 1984 : " (...) I. - Champ d'application et étendue des droits syndicaux (...) / Tout syndicat représentatif sur le plan national ou dans les chambres de commerce et d'industrie est considéré comme tel dans chaque chambre de commerce et d'industrie (...) / III. - Conditions d'exercice des droits syndicaux (...) / Chaque syndicat représentatif ayant constitué une section syndicale dans la CCI désigne, selon les effectifs de la chambre, un ou plusieurs délégués syndicaux pour le représenter auprès du président de la compagnie consulaire ou de ses représentants (...) " ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le syndicat CFE-CGC Réseaux consulaires n'a présenté aucun candidat lors des élections à la commission paritaire régionale de la CCI de région Lorraine des 19 mars et 11 avril 2013 ; qu'ainsi, l'organisation syndicale ne remplit pas, au sein de cet organisme, la condition d'audience fixée par les dispositions combinées du III de l'article L. 712-11 du code de commerce et de l'article L. 2122-1 du code du travail lui permettant d'être regardée comme une organisation syndicale représentative ; qu'à cet égard, le syndicat CFE-CGC Réseaux consulaires ne saurait se prévaloir des dispositions de la décision du 6 décembre 1984, selon lesquelles tout syndicat représentatif au niveau national est considéré comme tel dans chacune des chambres de commerce et d'industrie, qui sont contraires sur ce point aux dispositions fixées par le législateur, lesquelles subordonnent la représentativité d'une organisation syndicale auprès d'un établissement du réseau à l'audience qu'elle a obtenue aux dernières élections à la commission paritaire de cet établissement ; que, par suite, en l'absence de représentativité auprès de la CCI de région Lorraine, le syndicat CFE-CGC réseaux consulaires ne pouvait y désigner M. A...comme délégué syndical ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le syndicat CFE-CGC Réseaux consulaires et M. A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé la désignation de M. A...comme délégué syndical ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la CCI de région Lorraine, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont le syndicat CFE-CGC Réseaux consulaires et M. A...demandent le versement au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge du syndicat CFE-CGC Réseaux consulaires une somme de 1 500 euros à verser à la CCI de région Lorraine sur le fondement des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête du syndicat CFE-CGC Réseaux consulaires et de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le syndicat CFE-CGC Réseaux consulaires versera à la CCI de région Grand Est une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat CFE-CGC Réseaux consulaires, à M. C... A... et à la chambre de commerce et d'industrie de région Grand Est.
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N° 16NC01316