La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/02/2018 | FRANCE | N°17NC01012

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 22 février 2018, 17NC01012


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 24 octobre 2016 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre à titre exceptionnel au séjour en France.

Par une ordonnance n° 1606643 du 17 février 2017, la présidente de la 3e chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande comme irrecevable au motif qu'elle n'était pas dirigée contre une décision susceptible de recours, lui a retiré le bénéfice de l'aide juridictionnelle e

t l'a condamné au paiement d'une amende de 1 500 euros.

Procédure devant la cour :
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 24 octobre 2016 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre à titre exceptionnel au séjour en France.

Par une ordonnance n° 1606643 du 17 février 2017, la présidente de la 3e chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande comme irrecevable au motif qu'elle n'était pas dirigée contre une décision susceptible de recours, lui a retiré le bénéfice de l'aide juridictionnelle et l'a condamné au paiement d'une amende de 1 500 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 mai 2017, M.C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler la décision susvisée du préfet de la Moselle du 24 octobre 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision attaquée n'était pas purement confirmative de la précédente mesure d'éloignement ;

- le préfet n'a pas procédé à l'examen des circonstances particulières de l'espèce ; il a examiné sa demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article R. 5221-10 du code du travail, et non sur celui de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision du 24 octobre 2016 est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; il ne peut mener une vie familiale normale en Bosnie compte tenu des problèmes de santé pour lesquels il est suivi en France ; sa mère réside en France de manière régulière et rencontre également des problèmes de santé ; il bénéficie d'une promesse d'embauche et est bien intégré ;

Par un mémoire en défense enregistré le 27 décembre 2017, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 24 avril 2017.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Didiot.

1. Considérant que M.C..., ressortissant bosnien né en 1994, est entré en France irrégulièrement, selon ses déclarations, le 27 janvier 2015 pour solliciter l'octroi du statut de réfugié ; que sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 mai 2015, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 25 novembre 2015 ; que par arrêté du 31 août 2015, dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 février 2016, le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ; qu'en date du 3 septembre 2015, le requérant a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par arrêté du 2 août 2016, dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Strasbourg du

16 février 2017, le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ; qu'en date du 18 octobre 2016, M. C...a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette demande a été rejetée par décision du préfet de la Moselle du 24 octobre 2016 ; que le requérant relève appel de l'ordonnance du 17 février 2017 par laquelle la présidente de la 3e chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme manifestement irrecevable sa requête sollicitant l'annulation de la décision susmentionnée du 24 octobre 2016 au motif qu'elle n'était pas dirigée contre une décision susceptible de recours ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; " ; qu'aux termes de l'article

R. 421-1 du même code, dans sa version alors applicable : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée " ;

3. Considérant que si l'intéressé a fait l'objet en date du 2 août 2016 d'un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, il est constant que ces décisions faisaient suite à une demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade ; que dans sa nouvelle demande présentée le 18 octobre 2016, M. C...sollicitait cette fois son admission exceptionnelle au séjour, en se prévalant notamment d'une promesse d'embauche en qualité de préparateur de véhicules ; que dès lors, la décision attaquée du préfet de la Moselle du 24 octobre 2016 ne pouvait être regardée comme une décision purement confirmative de la mesure d'éloignement édictée le 2 août 2016 ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que le vice-président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande comme irrecevable, et, par voie de conséquence, à solliciter l'annulation du retrait du bénéfice de l'aide juridictionnelle et de l'amende pour recours abusif mise à sa charge ; que, par suite, l'ordonnance attaquée doit être annulée ; que M. C...doit également être rétabli dans ses droits au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Moselle du 24 octobre 2016 :

6. Considérant, en premier lieu qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article

L. 311-7. (...) " ;

7. Considérant qu'en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ;

8. Considérant qu'il ressort des termes de la décision attaquée que, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet a bien examiné si sa demande répondait à des considérations humanitaires ou se justifiait au regard de motifs exceptionnels, notamment au regard de la durée de sa présence sur le territoire français, de sa situation familiale, et de sa qualification professionnelle en rapport avec la promesse d'embauche présentée ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas examiné sa demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile manque en fait et doit être écarté ;

9. Considérant, en second lieu, que le séjour en France de M. C...est récent, et qu'il a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement ; que sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade a été rejetée par arrêté du 2 août 2016 dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 février 2017, et qu'il ne produit aucun élément nouveau de nature à infirmer ces décisions ; que s'il se prévaut des problèmes de santé de sa mère, résidente régulière en France, le requérant ne démontre pas que son état nécessite une assistance au quotidien et qu'il serait de surcroît seul à même de lui apporter ; que la circonstance qu'il dispose d'une capacité d'insertion professionnelle et soit bien intégré ne suffit pas à caractériser la gravité des conséquences qu'emporterait sur sa situation personnelle la décision attaquée ; qu'il s'ensuit que

M. C...n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation de la décision attaquée doivent être rejetées ; qu'il y a lieu également, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles relatives à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 1606643 du 17 février 2017 de la présidente de la 3e chambre du tribunal administratif de Strasbourg est annulée.

Article 2 : Les conclusions à fin d'annulation et d'injonction, ainsi que celles relatives au versement de frais irrépétibles présentées par M. C...en première instance et en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle et au bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Strasbourg.

2

17NC01012


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01012
Date de la décision : 22/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DHERS
Rapporteur ?: Mme Sandra DIDIOT
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : DOLLÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-02-22;17nc01012 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award