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22/02/2018 | FRANCE | N°16NC01660

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 22 février 2018, 16NC01660


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge totale des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010 ;

Par un jugement n° 1303842 du 31 mai 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 29 juillet 2016 et 2 mar

s 2017, M. et MmeB..., représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'ordonner une exper...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge totale des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010 ;

Par un jugement n° 1303842 du 31 mai 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 29 juillet 2016 et 2 mars 2017, M. et MmeB..., représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'ordonner une expertise afin de confirmer que la situation financière de la SC Jennifer ne lui permettait pas de procéder à une distribution de bénéfices ou de sommes prélevées sur les réserves et, en cas de réponse négative, d'indiquer si cette société était en mesure de rembourser la somme de 613 335 euros avec ses valeurs mobilières de placement, qui s'élevaient à 782 629 euros, compte tenu de ses créances et dettes ;

2°) d'annuler le jugement du 31 mai 2016 ;

3°) de prononcer la décharge totale des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- M. et Mme B...détenaient 100 % du capital de la société civile (SC) Jennifer ; M. B...a apporté à la SC Jennifer 175 actions qu'il détenait dans le capital de la société anonyme (SA) Etablissements Berthold Marx et Cie le 1er octobre 2002 ; le montant de cette augmentation de capital a été estimée à 1 613 504,97 euros ; en contrepartie de cet apport, il a reçu 105 838 actions de la SC Jennifer, soit une valeur nominale de 15,24 euros ; le30 juin 2010, la SC Jennifer a procédé à une réduction de son capital social, non motivée par des pertes, en diminuant la valeur nominale de chaque part sociale à 9,5 euros ; en conséquence, la somme de 613 335,87 euros a été créditée en 2010 sur le compte courant d'associé de M. B...ouvert dans les écritures de la SC Jennifer ; consécutivement à une vérification de comptabilité de la SC Jennifer, l'administration fiscale leur a adressé une proposition de rectification le 18 juillet 2012 dans laquelle elle a estimé que cette somme de 613 335,87 euros constituait un revenu distribué ; toutefois, cette somme n'était pas imposable en application du 1° de l'article 112 du code général des impôts ; en effet, à la clôture de l'exercice 2010 de la SC Jennifer, il n'existait aucune réserve et le report à nouveau était débiteur de 276 240 euros ; de ce fait, aucune distribution de bénéfices ou de sommes mises en réserve n'était possible, comme l'atteste notamment l'expert-comptable de la SC Jennifer ; le cas échéant, une expertise permettra de le confirmer ;

- accessoirement, la SC Jennifer n'était pas en mesure de rembourser la somme de 613 335,87 euros eu égard à sa capacité d'autofinancement et à ses dettes ; si cette société avait des valeurs mobilières de placement d'un total de 782 629 euros, elle avait contracté un emprunt immobilier de 500 000 euros qui était garanti par un nantissement de comptes d'instruments financiers à hauteur de 600 000 euros ; une expertise permettra également de le confirmer ;

- aucune plus-value n'était imposable sur le fondement de l'article 150-0 B du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'exonération prévue par le 1° de l'article 112 du code général des impôts n'était pas applicable ; en effet, si les 175 actions de la SA Ets Berthold Marx et Cie que M. B...a apportées à la SC Jennifer, ont été évaluées à 1 613 504,97 euros, M. B...les avait acquises pour 40 775 euros ; lorsqu'une réduction du capital social se traduit par une répartition au profit des associés, les sommes ainsi attribuées constituent des revenus distribués imposables ; en l'occurrence, la réduction de capital opérée par la SC Jennifer n'avait aucune justification économique, dès lors qu'elle n'avait pas été mise en oeuvre pour absorber des pertes ; afin de respecter le caractère temporaire de l'exonération dont M. B...a bénéficié sur le fondement de l'article 150-0 B du code général des impôts, l'opération d'échange de titres doit être considérée comme une opération intercalaire ;

- à la clôture de l'exercice 2010, les disponibilités de la SC Jennifer s'élevaient à 28 492 euros et elle détenait des valeurs mobilières de placement pour un total de

782 629 euros ; ces valeurs pouvaient être facilement cédées pour alimenter la trésorerie de la société ; M. et Mme B...n'établissent pas que l'état de la trésorerie de la SC Jennifer faisait obstacle au paiement de la somme de la somme de 613 335,87 euros ;

- à titre subsidiaire, la plus-value réalisée est imposable sur le fondement de l'article 150-0 B du code général des impôts.

Par lettre du 18 janvier 2018, la cour a, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que l'administration a, à tort, fait application du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu au 7 de l'article 158 du code général des impôts pour l'établissement des contributions sociales assises sur les revenus considérés comme distribués (cf Conseil constitutionnel 7 juillet 2017 décision n° 2017-643/650 QPC).

Par un mémoire, enregistré le 23 janvier 2018, le ministre de l'action et des comptes publics a présenté ses observations en réponse au moyen d'ordre public ;

Vu :

- les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dhers,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

1. Considérant que M. et Mme B...détiennent l'intégralité du capital social de la société civile (SC) Jennifer qui est soumise à l'impôt sur les sociétés ; que le 1er octobre 2002, M. B...a apporté à cette société 175 actions qu'il détenait dans le capital de la société anonyme (SA) Etablissements Berthold Marx et Cie ; que la plus-value réalisée lors de cet apport, estimée à 1 613 504,97 euros, a été placée sous le régime du sursis d'imposition prévu par l'article 150-0 B du code général des impôts ; qu'en contrepartie de cet apport, M. B...a reçu 105 838 actions de la SC Jennifer, soit une valeur nominale de 15,24 euros ; que l'assemblée générale mixte de la SC Jennifer a décidé, les 30 juin 2010 et 8 octobre 2010, de réduire son capital social de 1 613 504,97 euros à 1 000 169,10 euros en ramenant la valeur nominale de chaque part sociale de 15,24 euros à 9,45 euros ; que la somme de 613 335,87 euros, résultant de cette réduction de capital, a été inscrite en 2010 au crédit du le compte courant d'associé de M. B...ouvert dans les écritures de la SC Jennifer et n'a pas été imposée ; que M. et Mme B...ont fait l'objet d'un contrôle au titre des années 2009 et 2010 à l'issue duquel l'administration a notamment estimé que ce montant de 613 335,87 euros constituait un revenu distribué au cours de l'année 2010 ; que M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de des années 2009 et 2010 ; que les requérants relèvent appel du jugement du 31 mai 2016 par lequel ce tribunal a rejeté leur demande ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que le 23 janvier 2018, postérieurement à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a prononcé en faveur de M. B... le dégrèvement, en droits et pénalités des cotisations supplémentaires de contributions sociales mises à sa charge au titre des années 2009 et 2010, pour des montants respectivement de 778 euros et de 1 312 euros ; que les conclusions de la requête de M. et Mme B...tendant à la décharge de ces rappels sont dès lors devenues, dans cette mesure, sans objet ;

Sur les conclusions aux fins de décharge des impositions restant en litige :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices " ; qu'aux termes de l'article 112 du même, dans sa rédaction applicable aux rappels en litige : " Ne sont pas considérés comme revenus distribués : 1° Les répartitions présentant pour les associés ou actionnaires le caractère de remboursements d'apports ou de primes d'émission. Toutefois, une répartition n'est réputée présenter ce caractère que si tous les bénéfices et les réserves autres que la réserve légale ont été auparavant répartis. Les dispositions prévues à la deuxième phrase ne s'appliquent pas lorsque la répartition est effectuée au titre du rachat par la société émettrice de ses propres titres " ; que les dispositions précitées de l'article 112 du code général des impôts doivent être interprétées en ce sens que, lorsque le montant des bénéfices et réserves maintenus au bilan à la date d'un remboursement des apports est inférieur au montant de ceux-ci, l'exemption est acquise dans la mesure où le remboursement opèré excède le montant desdits bénéfices et réserves ;

4. Considérant que lorsque dans le cadre d'une opération de réduction du capital social, non motivée par des pertes et effectuée sans rachat préalable de ses propres titres, une société, soumise à l'impôt sur les sociétés, procède à la diminution de la valeur nominale unitaire de ces parts sociales et rembourse aux associés la perte de valeur desdites parts, l'excédent éventuel du remboursement des droits sociaux sur le prix d'acquisition de ces droits, constitue, mais dans la mesure seulement où ce prix d'acquisition est supérieur au montant de l'apport remboursable en franchise d'impôt, pour lesdits associés, sauf dans les hypothèses particulières où le législateur en aurait disposé autrement, un gain imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et en particulier de la comptabilité de la SC Jennifer que le report à nouveau présentait un solde débiteur de 276 240 euros à la date du remboursement partiel d'apport effectué au profit de M. B...; qu'il est constant qu'à cette même date, le résultat comptable ne permettait pas de combler ce déficit et que, par voie de conséquence, la SC Jennifer n'était pas financièrement en mesure de procéder à des distributions à partir des bénéfices et des réserves autres que la réserve légale ; que, par suite, eu égard au montant respectif des apports, des sommes réparties et des réserves, M. et Mme B... sont fondés à soutenir que la somme en litige de 613 335,87 euros constituait un remboursement d'apports au sens du 1° de l'article 112 du code général des impôts et qu'elle n'était dès lors pas imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en tant que revenu distribué ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts : " I. (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières, de droits sociaux (...) sont soumis à l'impôt sur le revenu (....) " ; qu'aux termes de l'article 150-0 B du même code, dans sa version applicable au présent litige : " Les dispositions de l'article 150-0 A ne sont pas applicables, au titre de l'année de l'échange des titres, aux plus-values réalisées dans le cadre d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, d'absorption d'un fonds commun de placement par une société d'investissement à capital variable, de conversion, de division, ou de regroupement, réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés. Ces dispositions s'appliquent aux opérations d'échange ou d'apport de titres mentionnées au premier alinéa réalisées en France, dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, ainsi qu'aux opérations, autres que les opérations d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés, pour lesquelles le dépositaire des titres échangés est établi en France, dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. Les échanges avec soulte demeurent soumis aux dispositions de l'article 150-0 A lorsque le montant de la soulte reçue par le contribuable excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus" ;

7. Considérant que l'administration est en droit à tout moment de la procédure contentieuse de demander, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, que soit substituée une base légale à celle qui avait été initialement invoquée, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d'imposition ; que l'administration demande à la cour une substitution de base légale ayant pour objet d'imposer la plus-value de cession réalisée par M. et Mme B...;

8. Considérant que l'administration se prévaut des dispositions de l'article 150-0 B du code général des impôts ; que, toutefois, ces dispositions ne prévoient pas que les remboursements consécutifs à une réduction du capital social par diminution de la valeur nominale des parts constitueraient un événement mettant fin au sursis d'imposition qu'elles instituent ; que l'administration n'apporte au demeurant aucune précision sur les modalités d'imposition de la plus-value en cause ; qu'il n'appartient pas au juge de l'impôt, lorsqu'il n'est pas saisi d'une demande en ce sens, de substituer d'office au fondement retenu par l'administration pour établir l'imposition contestée une autre base légale sur laquelle le maintien ou le rétablissement de celle-ci serait fondé ; que, dans ces conditions, et en tout état de cause, la demande de substitution de base légale ne peut qu'être rejetée ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif n'a pas, s'agissant des impositions restant en litige, fait droit à leur demande de décharge des rappels dus au titre de l'année 2010 ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

11. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés par M. et Mme B...et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme B...à concurrence du dégrèvement, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2009 et 2010, prononcé le 23 janvier 2018 pour des montants respectivement de 778 euros et de 1 312 euros.

Article 2 : La base d'imposition, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de la cotisation supplémentaire de contributions sociales restant en litige, auxquelles M. et Mme B...ont été assujettis au titre de l'année 2010 est réduite d'un montant de 613 335,87 euros.

Article 3 : M. et Mme B...sont déchargés, en droits, pénalités et intérêts de retard, de la différence entre les cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et celles résultant de l'application de l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 16NC01660


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC01660
Date de la décision : 22/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Stéphane DHERS
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : MINNI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-02-22;16nc01660 ?
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