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22/02/2018 | FRANCE | N°16NC00583

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 22 février 2018, 16NC00583


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...E...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des majorations correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008.

Par un jugement n° 1203926,1305678 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 avril 2016, M. et MmeE...,

représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé du tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...E...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des majorations correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008.

Par un jugement n° 1203926,1305678 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 avril 2016, M. et MmeE..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Strasbourg du 4 février 2016 en ce qu'il a rejeté la demande des intéressés tendant à la décharge de la pénalité de 40% mise à leur charge ;

2°) de prononcer la décharge de ladite majoration à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que l'administration ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de leur intention délibérée d'éluder l'impôt, laquelle doit être appréciée au regard des agissements de la société et non pas de celui de ses associés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme E...ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique enregistré le 8 février 2017, les requérants concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Didiot,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

1. Considérant que la société civile immobilière (SCI) Guérande, propriétaire d'un immeuble situé 21 B Grand-rue à Colmar, au sein du secteur sauvegardé, a sollicité la délivrance d'un permis de construire en vue de sa réhabilitation ; qu'à la suite d'un contrôle sur pièces, la SCI s'est vu notifier le 27 décembre 2010 une proposition de rectification remettant en cause la déduction au titre de l'année 2008 des dépenses de restauration de cet immeuble, effectuée en application du régime, alors en vigueur, de l'article 31 1° b ter du code général des impôts, à hauteur d'une somme de 1 077 752 euros ; que ce rehaussement a eu pour effet de réduire le déficit foncier initialement déclaré par la SCI ; qu'en application de l'article 8 du code général des impôts, l'administration a ensuite remis en cause la détermination du revenu foncier de M. et MmeE..., détenteurs de 50 % des parts de la SCI, par une proposition de rectification du 25 mars 2011, notifiée dans le cadre de la procédure contradictoire ; que les rappels d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondants ont été assortis de la majoration pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts ; que les requérants, qui ne contestent pas le bien-fondé des rehaussements opérés au titre de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales, relèvent appel du jugement du 4 février 2016 du tribunal administratif de Strasbourg en tant seulement qu'il a rejeté leur demande tendant à la décharge de la pénalité de 40% mise à leur charge ;

Sur la majoration pour manquement délibéré :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...) la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration " ;

3. Considérant que le dispositif dit " Malraux " applicable en 2008 permettait de déduire du revenu global, sans limitation du montant, les charges afférentes aux immeubles classés monuments historiques non imputables sur les revenus fonciers, à l'exclusion des intérêts d'emprunt ; que dans le cadre de la modification adoptée dans la loi de finances pour 2009, les contribuables ne pouvaient désormais plus bénéficier que d'une réduction d'impôt au taux de 30 % sur les dépenses afférentes aux demandes de permis de construire ou déclarations de travaux déposées à partir du 1er janvier 2009, et dans la limite annuelle de 100 000 euros ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des éléments produits par l'administration, que la SCI Guérande a déposé auprès de la commune de Colmar une demande de permis de construire relative à la réhabilitation totale du bâtiment existant en vue d'y créer douze logements le 29 octobre 2008 ; que l'autorité administrative en a accusé réception le 17 novembre 2008 en demandant de nombreuses pièces complémentaires à fournir dans un délai de trois mois ; que la délivrance du permis de construire sollicité a été refusée par arrêté du 12 janvier 2009, en raison notamment de la non-conformité des travaux envisagés au règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Colmar, le projet étant par ailleurs insuffisamment justifié au regard de l'importance des modifications apportées tant intérieures qu'extérieures, s'agissant d'un immeuble situé en secteur sauvegardé ; que la SCI a déposé une nouvelle demande de permis de construire le 24 juin 2009, assortie cette fois d'une note complémentaire d'architecte datée du 30 mars 2009 faisant état de travaux de recherches et de réflexion menés avec le service départemental de l'architecture et du patrimoine (SDAP) s'agissant de la conservation des charpentes anciennes du bâtiment ; que contrairement aux allégations des requérants, la SCI ne pouvait de bonne foi considérer cette seconde demande comme un recours gracieux dirigée contre le refus initial, d'autant que cette demande, si elle concernait également la création de douze logements, comportait une répartition entre 1P, 2P, 3P, 4P et 5P différente de la demande initiale ; que d'ailleurs, s'il a été accordé le 5 octobre 2009, le permis de construire a été assorti de nombreuses réserves tenant au respect des prescriptions de l'architecte des bâtiments de France ;

5. Considérant qu'il s'infère de cette chronologie que si les démarches en vue de la réhabilitation de l'immeuble avaient débuté dès avant son acquisition le 31 décembre 2015, le permis de construire initialement déposé le 29 octobre 2008 était à l'évidence prématuré et dépourvu de consistance, d'autant plus que le projet, tendant au moment de l'acquisition de l'immeuble en la création d'un hôtel, a finalement évolué vers une création de logements ; que compte tenu de l'expérience de M. E...en matière de gestion d'immeubles, directement ou par l'intermédiaire de SCI, c'est à juste titre que l'administration a considéré que l'intéressé, qui l'a d'ailleurs admis dans ses écritures, avait voulu anticiper le changement de législation en déposant de manière hâtive une demande de permis de construire en 2008 ;

6. Considérant que lors de son assemblée générale du 12 novembre 2008, la SCI Guérande a ensuite adopté le principe de la passation d'un contrat de délégation de maîtrise d'ouvrage avec la SARL Lorka, sans que M. E...puisse valablement soutenir qu'il n'aurait pas participé à cette prise de décision, en sa qualité d'associé majoritaire de la SCI ; que la SARL Lorka a par ailleurs pour seuls associés M. C...A...et son épouse, Mme D...A...néeE..., également associés de la SCI Guérande à hauteur de 25 % chacun, et respectivement beau-frère et soeur de M.E..., de sorte que la communauté d'intérêts entre ces deux sociétés est établie ; que le contrat de délégation de maîtrise d'ouvrage, portant versement de la charge litigieuse de 1 077 752 euros, a été signé le 20 décembre 2008, avant même réception d'une autorisation de construire, alors que, ainsi qu'il a été évoqué ci-dessus, l'administration avait sollicité la production de pièces complémentaires par courrier du 17 novembre 2008 et qu'aucun élément ne laissait raisonnablement présager une issue de l'instruction de la demande avant la fin de l'année 2008 ; que ladite somme correspondait par ailleurs, contrairement aux pratiques habituellement observées en matière de marchés de travaux, au versement en une fois de l'intégralité du coût supposé des travaux de réhabilitation de l'immeuble ;

7. Considérant que l'administration établit ainsi le caractère délibéré du manquement, les requérants qui, au demeurant, ont fait l'objet d'une condamnation pénale à trois mois d'emprisonnement avec sursis pour fraude fiscale à raison des mêmes faits, ne pouvant en l'espèce ignorer qu'ils ne pouvaient bénéficier du régime de déduction des revenus fonciers des dépenses engagées pour la réhabilitation d'un immeuble situé en secteur sauvegardé alors applicable en 2008 ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge de la majoration de 40% ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...E...et au ministre de l'action et des comptes publics.

4

N° 16NC00583


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00583
Date de la décision : 22/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Sandra DIDIOT
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SCP SCHNEIDER-KATZ

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-02-22;16nc00583 ?
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