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06/02/2018 | FRANCE | N°17NC02265

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 06 février 2018, 17NC02265


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2016 par lequel le préfet du Doubs a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par un jugement n° 1700425 du 23 mai 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 se

ptembre 2017, M.B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2016 par lequel le préfet du Doubs a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par un jugement n° 1700425 du 23 mai 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 septembre 2017, M.B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 23 mai 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2016 par lequel le préfet du Doubs a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 11° ou du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, durant ce délai, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) à défaut, d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, durant ce délai, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement est irrégulier car les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour :

- le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'avis du médecin de l'agence régionale de santé de Franche-Comté lui était favorable ; le traitement que nécessite son état de santé n'est pas disponible en Bosnie ;

- le préfet du Doubs devait lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ne pourra pas accéder effectivement au traitement médical que nécessite son état de santé en Bosnie ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- eu égard à son état de santé qui ne pourra être traité en Bosnie, la décision méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 9 octobre 2017, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés par M. B...n'est fondé.

Par une décision du 28 août 2017, le président de la section administrative d'appel du bureau d'aide juridictionnelle a admis M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Tréand a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date de la demande de titre de séjour de M.B..., qui est antérieure au 1er janvier 2017 (article 67 VI de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016) : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 pris pour l'application de ces dernières dispositions : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; la durée prévisible du traitement (...) " ;

2. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

3. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant que le médecin de l'agence régionale de santé de Franche-Comté a, par deux avis des 24 juin et 1er décembre 2016, estimé que l'état de santé de M.B..., de nationalité bosnienne, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant a été victime d'un accident de la circulation en novembre 2008 qui l'a plongé dans le coma pendant plus de deux mois et dont il conserve des séquelles neurologiques et neuropsychologiques ; qu'il a été transféré en France pour y être soigné en 2010 ; qu'à ce titre, M. B...a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour le 30 juillet 2012 puis d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade qui a été renouvelée à trois reprises ; que, par les certificats médicaux qu'il produit, il démontre qu'il est toujours victime de troubles cognitifs majeurs, de troubles du comportement et de troubles moteurs, notamment un tremblement très invalidant des deux membres supérieurs ; que son état de santé ne s'étant pas amélioré, il est titulaire de la carte d'invalidité, son incapacité temporaire totale étant supérieure à 80 %, et bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés ; qu'il est astreint à un suivi neurologique et psychiatrique régulier dans le service de chirurgie orthopédique et traumatologique du centre hospitalier régional et universitaire de Besançon et au centre hospitalier de Novillars ; qu'il se voit prescrire régulièrement du tropatépine, de l'almémazine, de la sertraline et du diazépam ; que pour contredire les avis précités du médecin de l'agence régionale de santé et refuser le renouvellement du titre de séjour dont M. B...bénéficiait précédemment, en qualité d'étranger malade, le préfet se prévaut de deux courriels transmis à la préfecture les 18 avril 2014 et 2 mars 2016 par le conseiller pour les questions de santé auprès du directeur général des étrangers en France qui indiquent seulement que certains médicaments, dont aucun n'est prescrit à M.B..., sont disponibles en Bosnie ; que les autres documents produits par l'intimé, pour l'essentiel en langue anglaise et non traduits, sont anciens et rédigés en termes très généraux ; qu'aucun de ces documents, dont l'ancienneté ne permet pas d'établir que l'offre de soins en Bosnie-Herzégovine aurait favorablement évolué depuis la délivrance, en 2012, d'un titre de séjour à M. B... à raison de son état de santé, n'est pas, en l'espèce, de nature à remettre en cause les avis susmentionnés, émis en 2016 par le médecin de l'agence régionale de santé quant à l'absence de disponibilité, en Bosnie-Herzégovine, d'un traitement approprié aux affections dont souffre M. B... ; que, dès lors, le requérant est fondé à soutenir que le préfet du Doubs a méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer le titre de séjour demandé ;

5. Considérant qu'il s'ensuit que M. B...est fondé à soutenir, par voie de conséquence, que les décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sont illégales ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

8. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation de la décision, le présent arrêt implique nécessairement d'enjoindre au préfet du Doubs de renouveler la carte de séjour temporaire que détenait M. B...sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, durant ce délai, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

10. Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions précitées, de mettre à la charge de l'État, une somme de 1 500 euros à verser à MeC..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1700425 du tribunal administratif de Besançon du 23 mai 2017, ensemble l'arrêté du préfet du Doubs du 27 décembre 2016, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de renouveler la carte de séjour temporaire de M.B..., sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, durant ce délai, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 3 : L'État versera à Me C...une somme de 1 500 (mille cinq-cents) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

2

N° 17NC02265


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02265
Date de la décision : 06/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : DRAVIGNY AMANDINE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-02-06;17nc02265 ?
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