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06/02/2018 | FRANCE | N°17NC01398

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 06 février 2018, 17NC01398


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme DPF Investissements a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2005 et 2006, de la cotisation supplémentaire de contribution additionnelle à cet impôt à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2005, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1201016 du 11 mars 2014, le tribunal administr

atif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 14NC00849 du 29 oc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme DPF Investissements a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2005 et 2006, de la cotisation supplémentaire de contribution additionnelle à cet impôt à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2005, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1201016 du 11 mars 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 14NC00849 du 29 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par la société DPF Investissements contre ce jugement.

Par une décision n° 395676 du 14 juin 2017, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nancy.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 mai 2014, et deux mémoires en réplique enregistrés le 13 octobre 2014 et le 4 mars 2015, la société DPF Investissements, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 11 mars 2014 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2005 et 2006, de la cotisation supplémentaire de contribution additionnelle à cet impôt à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2005, ainsi que des pénalités correspondantes.

Elle soutient que :

- elle pouvait déduire du résultat intégré du groupe dont elle est la société mère, au titre des exercices 2005 et 2006, le montant des provisions constituées à raison de la dépréciation du compte courant et des titres de participation de sa filiale, la société Champagne Prin père et fils, dès lors que, si cette société a été absorbée le 1er janvier 2004 par la société Bourg du midi, celle-ci est également membre du groupe intégré et s'est substituée à la société Champagne Prin dans l'ensemble de ses droits et obligations, notamment le droit au bénéfice du régime fiscal d'intégration permettant la neutralisation des reprises de provisions ;

- l'impossibilité de neutraliser la reprise des provisions n'est pas compensée par la prise en compte, dans le résultat d'ensemble de l'exercice de sortie, de la moins-value correspondant à la dépréciation constatée ;

- le bénéfice du régime fiscal d'intégration n'implique pas de double déduction au niveau du résultat d'ensemble du groupe ;

- l'impossibilité de neutraliser la reprise des provisions présente un caractère inéquitable ;

- le principe de neutralité fiscale résultant de la directive 94/434/CEE du 23 juillet 1990 modifiée par la directive 2005/19/CE du 17 février 2005 s'oppose, à l'occasion d'une opération de fusion-absorption concernant deux sociétés filiales du même groupe, à la perte du bénéfice de la neutralisation des reprises de provisions au niveau du résultat du groupe ;

- ce principe s'applique quand bien même l'opération de fusion-absorption concerne deux sociétés d'un même Etat membre ;

- en application de l'instruction DB 4-I-IS n° 2, la fusion constitue une opération intercalaire permettant à la société absorbante de continuer la société absorbée et, par suite, de bénéficier de la neutralisation de la reprise des provisions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2014, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 29 septembre 2017, la société DPF Investissements, représentée par MeB..., conclut, par les mêmes moyens, aux mêmes fins que dans ses écritures précédentes et demande à la cour, en outre, de mettre la somme de 8 000 euros à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 2 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 18 octobre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que la société DPF Investissements, société mère d'un groupe fiscalement intégré, a comptabilisé, au titre de l'exercice 2002, une provision pour dépréciation des titres qu'elle détenait dans sa filiale, la société Champagne Prin père et fils, et a constitué, au titre du même exercice, une provision pour dépréciation du compte courant ouvert dans ses écritures au nom de cette même filiale, dont elle a accru le montant au titre de l'exercice suivant ; que, le 1er janvier 2004, la société Bourg du Midi, membre de ce groupe, a absorbé la société Champagne Prin père et fils, dont elle a repris la dénomination ; qu'au titre des exercices 2004, 2005 et 2006, la société DPF Investissements a, d'une part, totalement ou partiellement repris dans ses écritures la provision pour dépréciation de titres ainsi que la provision pour dépréciation de compte courant et, d'autre part, neutralisé ces reprises par la déduction du montant correspondant du résultat d'ensemble du groupe ; que l'administration, constatant que les provisions correspondaient à une filiale dissoute le 1er janvier 2004 et sortie du groupe à cette même date, a estimé que la société DPF Investissements n'était pas fondée à neutraliser les reprises de ces provisions sur le fondement des dispositions des articles 223 B et 223 D du code général des impôts ; que la société DPF Investissements a contesté les rectifications résultant de la remise en cause de cette neutralisation ; que, par un jugement du 11 mars 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rectifications ; que, par un arrêt du 29 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par la société DPF Investissements contre ce jugement ; que, par une décision du 14 juin 2017, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nancy ;

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) / Les provisions qui, en tout ou en partie, (...) deviennent sans objet au cours d'un exercice ultérieur sont rapportées aux résultats dudit exercice (...) " ; qu'aux termes de l'article 223 B du même code : " Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe (...). / Il est majoré du montant des dotations complémentaires aux provisions constituées par une société après son entrée dans le groupe, à raison des créances qu'elle détient sur d'autres sociétés du groupe ou des risques qu'elle encourt du fait de telles sociétés (...). Celui-ci est également minoré du montant des provisions rapportées en application du seizième alinéa du 5° du 1 de l'article 39 qui correspondent aux dotations complémentaires non retenues en application du premier alinéa si les sociétés citées aux deux premières phrases de cet alinéa sont membres du groupe ou, s'agissant des provisions mentionnées à la première phrase, d'un même groupe créé ou élargi dans les conditions prévues aux c, d ou e du 6 de l'article 223 L au titre de l'exercice au cours duquel ces provisions sont rapportées (...) " ; qu'aux termes de l'article 223 D de ce code : " La plus-value nette ou la moins-value nette à long terme d'ensemble est déterminée par la société mère en faisant la somme algébrique des plus-values ou des moins-values nettes à long terme de chacune des sociétés du groupe, déterminées et imposables selon les modalités prévues aux articles 39 duodecies à 39 quindecies et 217 bis. / (...) Le montant des dotations complémentaires aux provisions constituées par une société après son entrée dans le groupe à raison des participations détenues dans d'autres sociétés du groupe est ajouté à la plus-value nette à long terme d'ensemble ou déduit de la moins-value nette à long terme d'ensemble. En cas de cession entre sociétés du groupe de titres éligibles au régime des plus ou moins-values à long terme, les dotations aux provisions pour dépréciation de ces titres effectuées postérieurement à la cession sont également ajoutées à la plus-value nette à long terme d'ensemble ou retranchées de la moins-value nette à long terme d'ensemble, à hauteur de l'excédent des plus-values ou profits sur les moins-values ou pertes afférent à ces mêmes titres, qui n'a pas été pris en compte, en application du premier alinéa de l'article 223 F, pour le calcul du résultat ou de la plus ou moins-value nette à long terme d'ensemble. Lorsque, en application du deuxième alinéa de l'article 223 F, la société mère comprend dans la plus ou moins-value nette à long terme d'ensemble la plus ou moins-value non prise en compte lors de sa réalisation, la fraction de la provision qui n'a pas été retenue en application de la deuxième phrase du présent alinéa, ni rapportée en application du dix-septième alinéa du 5° du 1 de l'article 39, est, selon le cas, retranchée de la plus-value nette à long terme d'ensemble ou ajoutée à la moins-value nette à long terme d'ensemble. Le montant des provisions rapportées en application de la première phrase du dix-septième alinéa du 5° du 1 de l'article 39 qui correspondent aux dotations complémentaires non retenues en application du présent alinéa est déduit de la plus-value nette à long terme d'ensemble ou ajouté à la moins-value nette à long terme d'ensemble si les sociétés citées aux deux premières phrases de cet alinéa sont membres du groupe ou, s'agissant des provisions mentionnées à la première phrase, d'un même groupe créé ou élargi dans les conditions prévues aux c, d ou e du 6 de l'article 223 L au titre de l'exercice au cours duquel les provisions sont rapportées " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées des articles 223 B et 223 D du code général des impôts que la neutralisation des reprises de provisions constituées par une société du groupe à raison des créances qu'elle détient sur une autre société du groupe ou de la dépréciation des titres de participation, soumis au régime des plus et moins-values à long terme, qu'elle détient sur cette même société est subordonnée à la condition que les deux sociétés concernées soient membres du groupe ; qu'en l'espèce, la société Champagne Prin père et fils a été absorbée par la société Bourg du Midi le 1er janvier 2004 avec pour effet, à cette même date, de faire sortir la première de ces sociétés du groupe fiscalement intégré dont la société DPF Investissements est la tête ; que, dans ces conditions, alors même que cette fusion a impliqué la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée Champagne Prin père et fils à la société absorbante Bourg du Midi, également membre du groupe, la société DPF Investissements ne pouvait pas neutraliser, au titre des exercices postérieurs à la disparition de la société Champagne Prin père et fils, la reprise des provisions constituées dans sa comptabilité avant cette même disparition ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 210 A du code général des impôts : " 1. Les plus-values nettes et les profits dégagés sur l'ensemble des éléments d'actif apportés du fait d'une fusion ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés. / Il en est de même de la plus-value éventuellement dégagée par la société absorbante lors de l'annulation des actions ou parts de son propre capital qu'elle reçoit ou qui correspondent à ses droits dans la société absorbée. L'inscription à l'actif de la société absorbante du mali technique de fusion consécutif à l'annulation des titres de la société absorbée ne peut donner lieu à aucune déduction ultérieure. / 2. L'impôt sur les sociétés n'est applicable aux provisions figurant au bilan de la société absorbée que si elles deviennent sans objet (...) " ;

5. Considérant que les dispositions précitées de l'article 210 A du code général des impôts, qui se rapportent à l'impôt sur les sociétés dû par la société absorbée et par la société absorbante au titre de l'exercice au cours duquel est réalisée une fusion entre ces deux sociétés, n'ont ni pour objet, ni pour effet de régir les conséquences pouvant résulter de cette fusion pour leur société mère ; qu'ainsi, la société DPF Investissements ne saurait utilement se prévaloir de ces dispositions, ni du principe de neutralité des opérations de fusion de sociétés qui en résulte, pour contester les cotisations supplémentaires d'imposition mises à sa charge ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de son article 1er que la directive susvisée 90/434 CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant les sociétés d'Etats membres différents ne crée d'obligations à l'égard des Etats membres qu'au regard des opérations intéressant des sociétés de deux ou de plusieurs Etats membres ; que, dès lors, la société requérante ne saurait utilement invoquer les dispositions de cette directive pour contester l'application des articles 223 B et 223 D du code général des impôts à une opération qui ne concerne que des sociétés françaises ;

7. Considérant, en dernier lieu, que la société DPF Investissements soutient que l'impossibilité de neutraliser la reprise des provisions litigieuses n'est pas compensée, dans le résultat d'ensemble de l'exercice relatif à la sortie du groupe de la société Champagne Prin père et fils, par la prise en compte de la moins-value qui résulte des dépréciations correspondant à ces provisions ; que, toutefois, si la société requérante fait état du caractère inéquitable d'une telle situation, celle-ci résulte de l'application de la loi fiscale qui fait obstacle à la neutralisation de la reprise de ces provisions dès lors que celles-ci se rapportent, à la date de leur reprise, à une société absorbée, qui doit être regardée comme ayant quitté le périmètre du groupe fiscal intégré ;

Sur l'application de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales :

8. Considérant que la société DPF Investissements ne saurait utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation référencée DB 4-I-IS n° 2 qui ne donne pas des dispositions légales citées aux points 2 et 4 une interprétation différente de celle dont le juge doit faire application ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société DPF Investissements n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société DPF Investissements est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société DPF Investissements et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 17NC01398


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01398
Date de la décision : 06/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP BOULLEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-02-06;17nc01398 ?
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