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01/02/2018 | FRANCE | N°17NC01114

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 01 février 2018, 17NC01114


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Intertransports Lux a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2004 au 30 juin 2010, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 à 2010, et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code

général des impôts.

Par un jugement n° 1402856 du 15 mars 2017, le tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Intertransports Lux a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2004 au 30 juin 2010, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 à 2010, et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1402856 du 15 mars 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, respectivement enregistrés le 15 mai 2017 et le 9 octobre 2017, la société Intertransports Lux, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 mars 2017 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2004 au 30 juin 2010, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 à 2010, et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle ne dispose pas d'établissement stable en France et que ses affaires sont gérées en totalité au Luxembourg. En outre, le montant du chiffre d'affaires reconstitué est exagéré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Intertransports Lux ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention fiscale entre la France et le Grand-duché du Luxembourg du 1er avril 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lambing,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la société Intertransports Lux.

Une note en délibérée présentée pour la société Intertransports Lux par Me B...a été enregistrée le 16 janvier 2018.

1. Considérant que la société Intertransports Lux a son siège social au Luxembourg ; que le capital de la société est détenu à 50 % par M.A..., à 25 % par son épouse et à 25 % par la société Inter Trans, de droit français, dont le gérant est M.A... ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité et d'un droit de visite réalisé dans les locaux de la société Inter Trans à Fameck, en France, l'administration fiscale a estimé que la société Intertransports Lux disposait d'un établissement stable en France, localisé au siège de la société Inter Trans ; que la société Intertransports Lux n'ayant déposé aucune déclaration fiscale à raison de l'activité de cet établissement, l'administration a, par des propositions de rectifications des 23 décembre 2010 et 19 décembre 2011, mis à sa charge, par voie de taxation d'office, d'une part, des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos de 2004 à 2010, et d'autre part des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période courant du 1er janvier 2004 au 30 juin 2010 ; qu'elle a également infligé à la société requérante la majoration de 80 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts en cas de découverte d'une activité occulte ; que la société Intertransports Lux relève appel du jugement du 15 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

2. Considérant, en premier lieu, que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) " ; qu'en vertu du 1 de l'article 4 de la convention fiscale signée le 1er avril 1958 par la France et le Luxembourg : " 1. Les revenus des entreprises (...) commerciales (...) ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable " ; qu'aux termes du paragraphe 3 de l'article 2 de la même convention : " 1. Le terme " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. Au nombre des établissements stables figurent notamment : a) Les sièges de direction (...) " ;

4. Considérant qu'alors même qu'un contribuable a régulièrement fait l'objet d'une procédure d'évaluation d'office, il appartient au juge de l'impôt de se fonder sur les résultats de l'instruction, compte tenu, le cas échéant, de l'abstention des parties à produire les éléments qu'elles sont seules en mesure d'apporter, pour estimer si l'entreprise a exercé tout ou partie de son activité par l'intermédiaire d'un établissement stable situé en France ;

5. Considérant que la société Intertransports Lux a pour activité le transport national et international de marchandises par la route ; qu'il résulte de l'instruction qu'elle a établi son siège social à Bettembourg, au Luxembourg ; que les informations recueillies par l'administration, dans le cadre de l'exercice d'un droit de visite et de saisies exercé le 2 décembre 2009 à Fameck à l'adresse de domiciliation de la société Inter Trans et de M. et MmeA..., ont révélé que la société Intertransports Lux utilisait, au cours des années des impositions en litige, les locaux de la société Inter Trans à Fameck ; que les tracteurs appartenant à la société luxembourgeoise stationnaient dans les locaux de la société Inter Trans ; que la société Intertransports Lux ne disposait au Luxembourg que d'un bureau de soixante mètres carrés ; que la gestion administrative des chauffeurs, l'organisation de l'activité de transporteur routier, les relations avec les fournisseurs et les clients, étaient effectuées au cours de la période vérifiée depuis les locaux de la société Inter Trans en France ; qu'au regard de la nature des documents vierges saisis lors des opérations de visite le 2 décembre 2009 dans les locaux de la société Inter Trans, utiles à l'activité de la société luxembourgeoise, la société requérante ne saurait justifier de leur présence sur les postes informatiques dans les locaux à Fameck par la seule nécessité d'en assurer une sauvegarde ou un archivage ; que si Mme A...travaillait pour le compte de la société Intertransports Lux, il résulte des éléments détaillés dans les propositions de rectification des 23 décembre 2010 et 19 décembre 2011 qu'elle se trouvait davantage présente dans les locaux de la société Inter Trans ; que M. A...dirigeait la société Intertransports Lux depuis Fameck, les chauffeurs prenant leur service et recevant les consignes de travail dans ces locaux et non au Luxembourg ; qu'enfin la société Intertransports Lux disposait pour son activité en France d'un compte bancaire ouvert dans un établissement se situant à proximité des locaux de la société Inter Trans ; que s'il n'est pas contesté que la société Intertransports Lux avait, au cours des années en litige, une activité au Luxembourg, comme l'ont attesté les autorités luxembourgeoises, les quelques tâches administratives qui y étaient exercées ainsi que la tenue d'élections professionnelles ne suffisent pas à remettre en cause l'existence d'un établissement stable en France ; que, par ailleurs, si la société requérante soutient que sa comptabilité est en réalité établie au Luxembourg, elle n'apporte aucun élément permettant de tenir ses allégations pour avérées ; que contrairement à ce qu'elle soutient, une partie de la comptabilité de la société Intertransports Lux était enregistrée sur le disque dur des postes informatiques de la société Inter Trans, comme cela ressort des propositions de rectification ; qu'ainsi, alors même qu'elle disposerait également d'un compte bancaire ouvert au Luxembourg, la société Intertransports Lux, dont le siège de direction au sens de l'article 2-3 précité est fixé dans les locaux de la société Inter Trans à Fameck et dont la gestion comptable était, ainsi qu'il vient d'être dit, assurée depuis l'établissement de Fameck, doit être regardée comme disposant dans cette commune, de façon permanente, d'une installation comportant le personnel et les moyens techniques nécessaires à son fonctionnement ; que l'ensemble de ces éléments font apparaître que tous les actes de gestion courante de la société Intertransports Lux sont effectués depuis le siège de la société Inter Trans, où toutes les décisions de gestion financière et commerciale sont prises ; que dès lors, la société a, en France, son siège de direction qui, ainsi qu'il résulte des stipulations précitées du paragraphe 3 de l'article 2 de la convention franco-luxembourgeoise, constitue un établissement stable ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration a pu à bon droit assujettir la société Intertransports Lux à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos sur la période de 2004 à 2010, en application des dispositions combinées du I de l'article 209 du code général des impôts et des stipulations précitées de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg ;

7. Considérant, en second lieu, que la société Intertransports Lux soutient que l'administration a inclus à tort dans le chiffre d'affaires reconstitué les recettes relatives aux prestations de transport réalisées directement par la société Inter Trans pour ses propres donneurs d'ordre avec ses tracteurs ; qu'il incombe à la société requérante d'établir le caractère exagéré de l'imposition en application de l'article L. 193 du livres des procédures fiscales ; qu'il ressort des propositions de rectification des 23 décembre 2010 et 19 décembre 2011 que le chiffre d'affaires attribué à l'établissement stable a été reconstitué à partir des documents de comptabilité de la société requérante saisis informatiquement et des éléments fournis lors du débat oral et contradictoire ; qu'en se prévalant de prestations réalisées par la société Inter Trans par ses propres moyens sans en justifier, la société requérante n'apporte pas la preuve de l'exagération des bases d'imposition reconstituées ;

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

8. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 9 de la directive susvisée 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 : " Le lieu d'une prestation de services est réputé se situer à l'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d'un tel siège ou d'un établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle " ; qu'aux termes de l'article 259 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période en litige : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle " ;

9. Considérant que, pour l'application de ces dispositions, un établissement stable est caractérisé par la disposition personnelle et permanente d'une installation comportant les moyens humains et techniques nécessaires aux prestations de services ; qu'alors même qu'un contribuable a régulièrement fait l'objet d'une procédure de taxation d'office, il appartient au juge de l'impôt de se fonder sur les résultats de l'instruction, compte tenu, le cas échéant, de l'abstention des parties à produire les éléments qu'elles sont seules en mesure d'apporter, pour estimer si des prestations de services doivent être assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, en application de l'article 259 du code général des impôts ;

10. Considérant que compte tenu de ce qui a été dit précédemment, l'activité de transport national et international de marchandises par la route est exercée par la société Intertransports Lux, de manière autonome, depuis son établissement stable situé en France à Fameck ; que, par suite, c'est à bon droit que le service a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, en application des dispositions précitées du code général des impôts, les opérations effectuées par la société requérante au titre de la période du 1er janvier 2004 au 30 juin 2010 ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Intertransports Lux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Intertransports Lux est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Intertransports Lux et au ministre de l'action et des comptes publics.

6

N° 17NC01114


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01114
Date de la décision : 01/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Personnes morales et bénéfices imposables.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Territorialité.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SOCIETE GEGOUT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-02-01;17nc01114 ?
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