La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/12/2017 | FRANCE | N°16NC01212

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 28 décembre 2017, 16NC01212


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 9 mai 2014 par laquelle la directrice de l'établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Vertus a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie.

Par un jugement n° 1401386 du 3 mai 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 ju

in 2016, l'EHPAD de Vertus, représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 9 mai 2014 par laquelle la directrice de l'établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Vertus a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie.

Par un jugement n° 1401386 du 3 mai 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juin 2016, l'EHPAD de Vertus, représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 3 mai 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

3°) de mettre à la charge de Mme A...une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- Mme A...n'a pas été exposée à des poussières d'amiante dans le cadre de son activité professionnelle ; il n'existait pas de lien direct et certain entre la maladie présentée par Mme A...et le service ;

- Mme A...a été exposée à des poussières d'amiante dans le cadre privé.

Par un mémoire, enregistré le 26 septembre 2016, Mme D...A..., représentée par la SCP Choffrut-Brener, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'EHPAD de Vertus une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par l'EHPAD n'est fondé.

Par un mémoire, enregistré le 10 novembre 2017, M. B...A...et Mme F...C..., représentés par la SCP Choffrut-Brener, déclarent reprendre l'instance engagée par Mme D...A...aujourd'hui décédée ; ils demandent à la cour de rejeter la requête présentée par l'EHPAD de Vertus et de condamner cet établissement à leur verser une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Haudier,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que MmeA..., agent d'entretien qualifié, a exercé ses fonctions à la blanchisserie de l'établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Vertus de 1994 à 2006 ; qu'elle a été placée en position de congé de longue maladie puis en congé de longue durée à compter du 22 mai 2011 ; que, par une décision du 9 mai 2014, la directrice de l'EHPAD a refusé de faire droit à sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service du mésothéliome malin du péritoine dont elle était atteinte ; que, par la présente requête, l'EHPAD relève appel du jugement du 3 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cette décision ;

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans.(...) " ;

3. Considérant qu'il incombe au fonctionnaire d'apporter la preuve de l'imputabilité de l'affection au service par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges ; que dans les cas où est en cause une affection à évolution lente et susceptible d'être liée à l'exposition de l'agent à un environnement ou à des substances toxiques, il appartient aux juges du fond de prendre en considération les éléments du dossier relatifs à l'exposition de l'agent à cet environnement ou à ces substances, eu égard notamment aux tâches ou travaux qui lui sont confiés, aux conditions dans lesquelles il a été conduit à les exercer, aux conditions et à la durée de l'exposition ainsi qu'aux pathologies que celle-ci est susceptible de provoquer ; qu'il revient ensuite aux juges du fond de déterminer si, au vu des données admises de la science, il existe une probabilité suffisante que la pathologie qui affecte le demandeur soit en rapport avec son activité professionnelle ; que, lorsque tel est le cas, la seule circonstance que la pathologie pourrait avoir été favorisée par d'autres facteurs ne suffit pas, à elle seule, à écarter la preuve de l'imputabilité, si l'administration n'est pas en mesure d'établir que ces autres facteurs ont été la cause déterminante de la pathologie ;

4. Considérant que Mme A...a présenté un mésothéliome malin du péritoine ; que l'EHPAD de Vertus ne conteste pas que la survenue de ce type de tumeur est souvent liée à une exposition à l'amiante ; qu'il soutient, en revanche, que l'intéressée n'a pas été exposée à des poussières d'amiante dans le cadre de ses fonctions à la blanchisserie de l'établissement ;

5. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des éléments émanant de la société Electrolux que, si les séchoirs utilisés à la blanchisserie de l'EHPAD lorsque Mme A...y exerçait ses fonctions sont susceptibles d'avoir contenu de l'amiante pour assurer l'isolation thermique, les isolants contenant potentiellement de l'amiante étaient systématiquement enfermés entre deux plaques de métal et n'étaient pas en contact avec les utilisateurs des séchoirs ; que Mme A...s'est prévalue de ce qu'elle a pu être en contact avec ces isolants lors du nettoyage des sèche-linges, en particulier lorsqu'elle procédait au nettoyage de l'intérieur du tambour avec un crochet et qu'elle ôtait la plaque située en façade en bas du sèche-linge pour enlever l'amas floconneux issu de l'activité de séchage du linge ; que, toutefois, une telle possibilité a été exclue par le constructeur des séchoirs qui a indiqué qu'aucune de ces activités ne pouvait mettre en contact, que ce soit de façon directe ou indirecte, l'utilisateur avec de l'isolant ; qu'en outre, s'il est constant que des ouvriers de l'EHPAD avaient pratiqué des ouvertures à l'arrière des séchoirs afin de permettre une meilleure ventilation, il ne résulte pas de l'instruction que ces percements, qui ont été dument constatés, auraient affecté le confinement de l'amiante ; qu'enfin, l'attestation d'une collègue produite par Mme A... en 2016 indiquant que les machines à laver et les sèche-linges étaient " désossés en permanence pour faciliter l'entretien ", ne permet pas de considérer que les éléments amiantés auraient été sortis de leur confinement ; qu'au surplus, cette affirmation peu étayée est contestée par l'EHPAD ;

6. Considérant, d'autre part, que, dans le cadre de l'examen de sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie, Mme A...a été examinée par deux experts ; que si le premier expert a estimé que la survenance de ce mésothéliome péritonéal était directement lié à l'activité professionnelle, il a considéré l'exposition de l'intéressée à l'amiante comme un fait établi ; que le second expert, qui exerce au sein du service de pathologie professionnelle de l'hôpital Cochin, a considéré, quant à lui, que la relation directe et certaine entre la pathologie et les conditions de travail de l'intéressée ne pouvait pas être établie et que, notamment, le délai de 17 ans entre une éventuelle exposition en 1994 et la survenue d'un mésothéliome péritonéal en 2011, rendait peu probable un tel lien ; que le médecin du travail qui a été consulté à plusieurs reprises sur le cas de Mme A...et qui a notamment effectué des recherches auprès de l'établissement hospitalier, du fabricant et de la société chargée de l'entretien des séchoirs, a considéré, ainsi que cela ressort d'un courrier du 22 février 2012, que les renseignements qu'il avait obtenus ne lui permettaient pas de reconnaître une origine professionnelle à la pathologie présentée par l'intéressée ; que, par suite et alors même que la commission de réforme s'est prononcée lors de sa séance du 13 mars 2014 en faveur de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, il n'existe pas une probabilité suffisante permettant de considérer que la pathologie qui affectait Mme A...était en rapport avec son activité professionnelle ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a considéré que la preuve de l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A... devait être regardée comme établie ;

8. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme A... devant le tribunal administratif ;

9. Considérant qu'alors même qu'elle n'explicite pas les raisons qui ont conduit la directrice de l'établissement à se conformer aux conclusions du second expert plutôt qu'à l'avis de la commission de réforme, la décision du 9 mai 2014 comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EHPAD de Vertus est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 9 mai 2014 et lui a enjoint de reconnaitre la pathologie dont souffrait Mme A...comme imputable au service ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'EHPAD, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme A...et ses ayant-droits au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en outre, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'EHPAD présentées sur ce même fondement ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 1401386 du 3 mai 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de MmeA..., M. A... et MmeC..., présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'EHPAD de Vertus, à M. B...A...et à Mme F... C....

2

N° 16NC01212


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC01212
Date de la décision : 28/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie. Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP ALEXANDRE LEVY KAHN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-12-28;16nc01212 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award