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12/12/2017 | FRANCE | N°16NC01007

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 12 décembre 2017, 16NC01007


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1402465 du 31 mars 2016, le tribunal administratif de Nancy a déchargé M. C... des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 et 2010, ainsi q

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1402465 du 31 mars 2016, le tribunal administratif de Nancy a déchargé M. C... des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 mai 2016, et un mémoire en réplique enregistré le 26 septembre 2016, M. A... C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nancy du 31 mars 2016 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 16 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les dispositions de l'article 155 A du code général des impôts sont disproportionnées, au regard de l'objectif de lutte contre l'évasion fiscale, en ce qu'elles font peser la charge de la preuve sur le contribuable et méconnaissent ainsi le principe communautaire de la liberté d'établissement ;

- les services facturés par la société luxembourgeoise ITC à la société BETIB ne correspondent pas à des prestations assurées, pour l'essentiel, par ses soins ;

- cette facturation trouve une contrepartie réelle dans une intervention propre de la société ITC, permettant de regarder les services litigieux comme ayant été rendus pour son compte ;

- les sommes facturées intègrent des charges et une marge, justifiant ainsi que les prestations ont été réalisées avec les moyens de la société ITC ;

- le montant des charges doit être retranché de celui des bénéfices non commerciaux rectifiés en application de l'article 93, 1, du code général des impôts ;

- l'application de l'article 155 A du code général des impôts conduit à une double imposition dès lors qu'il a été imposé sur les revenus versés par la société ITC ;

- l'administration n'établit pas le caractère délibéré du manquement qui lui est reproché dans ses obligations fiscales.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 juillet 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant qu'à la suite d'un examen de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2009 et 2010, M.C..., gérant majoritaire de la société française BETIB et gérant salarié de la société luxembourgeoise ITC, a fait l'objet, sur le fondement de l'article 155 A du code général des impôts, d'une rectification de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, et des contributions sociales ; que, par un jugement du 31 mars 2016, le tribunal administratif de Nancy a, à la demande de M.C..., déchargé celui-ci des contributions sociales supplémentaires auxquelles il avait été assujetti et a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu ; que le requérant fait appel de ce jugement en réitérant devant la cour sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 155 A du code général des impôts : " Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de Franceen rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : - soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; - soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; - soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie hors de Franceoù elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A " ; qu'il résulte de ces dispositions que les prestations dont la rémunération est ainsi susceptible d'être imposée entre les mains de la personne qui les a effectuées correspondent à un service rendu, pour l'essentiel, par elle et pour lequel la facturation par une personne domiciliée ou établie hors de Francene trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière, permettant de regarder ce service comme ayant été rendu pour son compte ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il appartient à l'administration fiscale d'apporter la preuve que des sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de Franceen rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières en vertu du I de l'article 155 A du code général des impôts par la production d'éléments attestant que ces personnes ont réalisé les prestations de services en cause et qu'elles contrôlent la personne qui perçoit la rémunération de ces services ; que, dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable d'apporter des éléments permettant d'établir que la facturation de ces prestations par la société établie hors de France aurait trouvé une contrepartie réelle dans une intervention qui lui aurait été propre et de regarder le service ainsi rendu comme l'ayant été pour son compte ;

4. Considérant, d'une part, que l'administration fiscale a relevé que M. C...détient 76 % du capital social de la société de droit français BETIB, assure la gérance de cette société et est également l'administrateur salarié de la société de droit luxembourgeois ITC dont le capital est détenu pour 99 % par la société BETIB ; que l'administration fiscale a également constaté que la société ITC avait facturé à la société BETIB des prestations techniques d'ingénierie réalisées par M. C... et, tenant compte en outre des frais de déplacement exposés pour la réalisation de ces prestations et également facturés à la société BETIB, a fixé le montant des prestations accomplies par le requérant à 81 339,91 euros au titre de l'année 2009 et à 38 563,80 euros au titre de l'année 2010 ; que, pour contester avoir réalisé les prestations d'ingénierie en cause, le requérant soutient qu'il intervenait pour le compte de la société ITC dans le cadre d'une " prestation complexe " incluant les travaux fournis par les deux autres salariés de la société luxembourgeoise ; que toutefois, les documents qu'il produit à l'instance, notamment les tableaux récapitulatifs retraçant le volume horaire des trois salariés de la société ITC, dont lui-même, pour certains chantiers suivis en 2009 et en 2010, ne suffisent pas à contredire les éléments sur lesquels s'est fondée l'administration qui, au vu des notes d'honoraires établies par ladite société, n'a retenu parmi les prestations facturées que celles se rapportant à l'activité d'ingénieur, à l'exclusion des prestations de calculateur, de projeteur et de dessinateur dont le requérant indique qu'elles étaient prises en charge par les deux autres salariés de la société ITC ; que, dans ces conditions, l'administration fiscale établit non seulement que M. C...contrôlait directement la société ITC, dont il était le gérant, mais également qu'il a réalisé les prestations de services litigieuses au titre desquelles il a été assujetti à des suppléments d'imposition ;

5. Considérant, d'autre part, que la circonstance que la société ITC ne présente pas de caractère fictif, comme l'a admis le vérificateur devant la commission des impôts, ne saurait faire obstacle à l'application de l'article 155 A du code général des impôts ; que M. C... ne conteste pas que la société BETIB a cessé de lui verser un salaire pour ses prestations d'ingénierie à compter du 20 août 2005, à une date coïncidant avec la création de la société ITC et le début de la facturation desdites prestations par cette nouvelle société ; qu'il résulte de l'instruction que les sociétés ITC et BETIB ont une activité similaire de bureau d'études spécialisé en ingénierie technique et que la société ITC réalise l'essentiel de son chiffre d'affaires avec la seconde société citée en participant à des chantiers situés sur le territoire français ; que, dans ces conditions, si le requérant soutient que les prestations d'ingénierie facturées par la société ITC ont été réalisées dans le cadre d'opérations auxquelles ont collaboré les deux autres salariés de cette société, avec les moyens de celle-ci, il ne justifie pas pour autant que la facturation des prestations litigieuses aurait trouvé une contrepartie réelle dans une intervention qui aurait été propre à ladite société permettant de regarder le service ainsi rendu comme l'ayant été pour son compte ;

6. Considérant qu'il suit de ce qui précède que les prestations de services facturées par la société ITC doivent être regardées comme entrant dans les prévisions de l'article 155 A du code général des impôts ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions précitées du I de l'article 155 A du code général des impôts visent uniquement l'imposition des services essentiellement rendus par une personne établie ou domiciliée ou établie hors de Franceet ne trouvant aucune contrepartie réelle dans une intervention propre d'une personne établie ou domiciliée ou établie hors de France; qu'en l'espèce, en l'absence d'une telle contrepartie permettant de regarder les services concernés comme rendus pour le compte de cette dernière personne, les dispositions de l'article 155 A du code général des impôts ne sauraient porter atteinte au principe communautaire de la liberté d'établissement ; que par ailleurs, ces dispositions, qui visent à mettre en oeuvre l'objectif constitutionnel de lutte contre l'évasion fiscale, sont fondées sur des critères objectifs et rationnels et ne sauraient conduire, dans le cas où la personne domiciliée ou établie hors de Franceau contribuable tout ou partie des sommes rémunérant les prestations réalisées par ce dernier, à ce que ce contribuable soit assujetti à une double imposition au titre d'un même impôt ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que, par ses effets, l'application des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts excéderait l'objectif de lutte contre l'évasion fiscale et contreviendrait au principe de liberté d'établissement doit être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, que si M. C...soutient que les charges doivent être déduites du montant des revenus sur la base desquels il a été imposé, il se borne à renvoyer sur ce point aux bilans de la société ITC et n'apporte aucun élément de nature à justifier des charges dont il entend obtenir la déduction ;

9. Considérant, en dernier lieu, que, contrairement à ce que soutient le requérant, la réserve d'interprétation émise par le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 2010-70 QPC du 26 novembre 2010, qui subordonne l'application de l'article 155 A à l'absence de double imposition des sommes taxées selon ces dispositions, ne peut concerner, en tout état de cause, que les impositions françaises ; que M. C...ne peut donc utilement faire valoir, pour faire échec à l'application de cet article, qu'il se serait acquitté au Luxembourg de l'impôt sur le revenu à raison des revenus versés par la société ITC ;

Sur le manquement délibéré :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; que ces dispositions ont pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives ; que pour établir ce manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt ;

11. Considérant que l'administration a notamment relevé que M.C..., en sa qualité de dirigeant des deux sociétés BETIB et ITC, ne pouvait ignorer que la seconde de ces sociétés facturait à la première des prestations de services qu'il avait réalisées lui-même, alors que l'intéressé était, jusqu'à la création de la société ITC, directement rémunéré en France par la société BETIB pour des prestations de même nature ; qu'il ne pouvait ainsi ignorer le caractère insuffisant, inexact et incomplet de ses déclarations ; qu'en prenant l'initiative de créer une société de droit luxembourgeois afin de pouvoir, par son intermédiaire, facturer à la société BETIB les prestations de services accomplies en France, M. C...a révélé son intention d'éluder l'impôt ; que par suite, l'administration doit être regardée comme établissant le manquement délibéré du requérant ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 16NC01007


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC01007
Date de la décision : 12/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-02-01-04-01 Contributions et taxes. Règles de procédure contentieuse spéciales. Questions communes. Divers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ELIDE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-12-12;16nc01007 ?
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