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12/12/2017 | FRANCE | N°16NC00681

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 12 décembre 2017, 16NC00681


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...F...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 14 novembre 2013 par laquelle le directeur délégué du centre hospitalier de Pfastatt lui a infligé la sanction disciplinaire d'abaissement d'échelon et d'enjoindre audit centre hospitalier de reconstituer sa carrière.

Par un jugement no 1400164 du 11 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 avril 2016,

MmeF..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...F...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 14 novembre 2013 par laquelle le directeur délégué du centre hospitalier de Pfastatt lui a infligé la sanction disciplinaire d'abaissement d'échelon et d'enjoindre audit centre hospitalier de reconstituer sa carrière.

Par un jugement no 1400164 du 11 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 avril 2016, MmeF..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 février 2016 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 14 novembre 2013 par laquelle le directeur délégué du centre hospitalier de Pfastatt lui a infligé la sanction disciplinaire d'abaissement d'échelon ;

3°) d'enjoindre au centre hospitalier de Pfastatt de retirer la sanction d'abaissement d'échelon qui lui a été infligée dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au centre hospitalier de Pfastatt de reconstituer sa carrière et de régulariser sa situation face aux organismes sociaux dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Pfastatt une somme de 1 500 euros au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'auteur de la sanction ne disposait pas d'une délégation de signature régulière ;

- la sanction est insuffisamment motivée ;

- la matérialité des fautes qui lui sont reprochées n'est pas établie ; elle n'a jamais refusé d'obéir à des ordres de sa supérieure hiérarchique ;

- les faits qui lui sont reprochés ne constituent pas des fautes de nature à justifier une sanction ; elle était déliée de son devoir d'obéissance, les ordres qu'elle a reçus étant manifestement illégaux et de nature à compromettre gravement un intérêt public ;

- la sanction est disproportionnée au regard de la gravité des fautes qui lui sont reprochées ;

- elle est victime d'une sanction déguisée ; elle est sanctionnée une seconde fois pour avoir demandé à être réintégrée à l'issue de son congé parental en qualité d'aide-soignante ;

- la sanction est entachée de détournement de pouvoir ; la sanction est entachée de détournement de pouvoir ; elle fait l'objet d'un harcèlement de la part de sa supérieure hiérarchique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2017, le centre hospitalier de Pfastatt, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de Mme F...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tréand,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour le centre hospitalier de Pfastatt.

1. Considérant que, par une décision du 14 novembre 2013, le directeur délégué du centre hospitalier de Pfastatt a sanctionné d'un abaissement d'échelon MmeF..., agent des services hospitaliers qualifié en fonction au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes dudit centre hospitalier ;

Sur les conclusions d'annulation de la sanction disciplinaire infligée à Mme F... :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés " ;

3. Considérant que, par ces dispositions, le législateur a entendu imposer à l'autorité qui prononce une sanction disciplinaire l'obligation de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre du fonctionnaire intéressé, de sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée, connaître les motifs de la sanction qui le frappe ; que la volonté du législateur n'est pas respectée lorsque la décision prononçant la sanction ne comporte, en elle-même, aucun motif précis ;

4. Considérant que pour motiver sa décision du 14 novembre 2013 infligeant à Mme F... un abaissement d'échelon, le directeur délégué du centre hospitalier de Pfastatt, après avoir rappelé que l'intéressée avait déjà fait l'objet d'un blâme le 25 mars 2011, se borne à indiquer que " Mme F...a désobéi à un ordre hiérarchique en refusant catégoriquement d'exécuter des tâches demandées par son supérieur hiérarchique " ; qu'il ajoute que " l'ordre donné par le supérieur hiérarchique n'est manifestement pas illégal ou de nature à compromettre gravement un intérêt public " et que " Mme F...est qualifiée pour exécuter les tâches qui lui ont été demandées par son supérieur hiérarchique " dès lors qu'elle possède les diplômes requis ; qu'il n'indique pas le contenu de l'ordre auquel Mme F...a refusé d'obéir et la nature des tâches qu'elle a refusé d'exécuter ; que si le centre hospitalier soutient que la sanction est motivée à travers ses visas qui font référence au rapport de MmeB..., cadre supérieur de santé, du 11 juillet 2013 et au procès-verbal du conseil de discipline qui s'est réuni le 16 octobre 2013, ces documents ne sont pas reproduits et, au surplus, l'autorité disciplinaire ne s'en approprie pas les motifs ; qu'enfin, il n'est pas soutenu que lesdits documents aient été joints à la sanction notifiée à MmeF... ; que, par suite, le centre hospitalier de Pfastatt ne satisfait pas à l'exigence de motivation de la sanction prescrite par les dispositions précitées de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 ; que, dès lors, ladite décision encourt l'annulation ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme F...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à ce que la cour enjoigne au centre hospitalier de Pfastatt de retirer la sanction d'abaissement d'échelon qui lui a été infligée dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 11 du code de justice administrative : " Les jugements sont exécutoires. " ; que, par le présent arrêt, la cour prononce l'annulation de la décision du 14 novembre 2013 par laquelle le directeur délégué du centre hospitalier de Pfastatt a infligé à Mme F...la sanction disciplinaire d'abaissement d'échelon, qui est censée n'avoir jamais existé ; que, par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme F...tendant à ce que la cour enjoigne au centre hospitalier de Pfastatt de retirer la sanction d'abaissement d'échelon qui lui a été infligée dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

Sur les conclusions tendant à ce que la cour enjoigne au centre hospitalier de Pfastatt de reconstituer sa carrière et de " régulariser sa situation face aux organismes sociaux " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard :

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le présent arrêt prononçant l'annulation de la sanction d'abaissement d'échelon infligée à MmeF..., implique, pour son exécution, qu'il soit enjoint au centre hospitalier de Pfastatt de procéder, de façon rétroactive, à la reconstitution de la carrière et des droits sociaux dont Mme F...aurait bénéficié si elle n'avait pas été illégalement sanctionnée, depuis la date de son abaissement d'échelon le 14 novembre 2013, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

9. Considérant qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du centre hospitalier de Pfastatt une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme F...et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeF..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont le centre hospitalier demande le versement ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg no 1400164 du 11 février 2016, ensemble la décision du 14 novembre 2013 par laquelle le directeur délégué du centre hospitalier de Pfastatt a infligé à Mme F...la sanction disciplinaire d'abaissement d'échelon, sont annulés.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme F...tendant à ce que la cour enjoigne au centre hospitalier de Pfastatt de retirer la sanction d'abaissement d'échelon qui lui a été infligée dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Article 3 : Il est enjoint au centre hospitalier de Pfastatt de procéder, de façon rétroactive, à la reconstitution de la carrière et des droits sociaux dont Mme F...aurait bénéficié si elle n'avait pas été illégalement sanctionnée, depuis la date de son abaissement d'échelon le 14 novembre 2013, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le centre hospitalier de Pfastatt versera à Mme F...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme F...est rejeté.

Article 6 : Les conclusions du centre hospitalier de Pfastatt présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...F...et au centre hospitalier de Pfastatt.

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N° 16NC00681


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00681
Date de la décision : 12/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Motivation - Motivation suffisante - Absence.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Suspension.

Procédure - Jugements - Exécution des jugements - Effets d'une annulation.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : ALEXANDRE TABAK

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-12-12;16nc00681 ?
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