Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Hôtel-Restaurant La Couronne a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont elle est redevable au titre de la période du 1er juillet 2006 au 30 juin 2009 ainsi que des pénalités dont ces droits ont été assortis.
Par un jugement n° 1203851 du 30 mars 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 31 mai et 11 juillet 2016, la SARL Hôtel-Restaurant La Couronne, représentée par la SCP d'avocats Baraduc Duhamel Rameix, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que c'est à tort que sa comptabilité a été écartée comme irrégulière et non probante ;
- les reconstitutions de chiffres d'affaires reposent sur une méthode radicalement viciée dans son principe et excessivement sommaire ;
- l'administration fiscale n'établit pas son intention d'éluder l'impôt et ne justifie pas, par suite, du bien-fondé de l'application des pénalités pour manquement délibéré ;
- c'est à tort que le service lui a infligé l'amende de 100 % prévue à l'article 1759 du code général des impôts dès lors que dans ses observations du 27 juillet 2010 elle a désigné les bénéficiaires des distributions.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par un nouveau mémoire, enregistré le 2 août 2017, Me B...A...en sa qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la SARL Hôtel-Restaurant La Couronne, représenté par la SCP d'avocats Baraduc Duhamel Rameix, conclut aux mêmes fins que la requête.
Vu
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Etienvre,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) Hôtel-Restaurant La Couronne, qui exploitait un hôtel-restaurant à Ottmarsheim (68) a fait l'objet, du 16 février au 11 mai 2010, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2006 au 30 juin 2009 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale l'a informée, par proposition de rectification du 31 mai 2010, qu'elle envisageait de procéder à des rectifications des résultats des exercices clos les 30 juin 2007, 2008 et 2009 ainsi qu'à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et a demandé à la société de désigner les bénéficiaires des distributions en résultant ; que la procédure contradictoire a été mise en oeuvre ; que la société a présenté, après avoir obtenu une prolongation du délai de trente jours, des observations le 27 juillet 2010 auxquelles le service a répondu ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis un avis favorable aux rectifications ; que la société a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont elle est redevable au titre de la période du 1er juillet 2006 au 30 juin 2009, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009 ainsi que des pénalités dont ces droits ont été assortis ; que par jugement du 30 mars 2016, le tribunal a rejeté sa demande ; que la société en relève appel ;
Sur les conclusions aux fins de décharge :
En ce qui concerne le bien-fondé de l'impôt :
S'agissant de la charge de la preuve :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) " ;
S'agissant du rejet de la comptabilité :
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société n'a présenté, au cours des opérations de contrôle, les inventaires détaillés des stocks pour aucun des trois exercices vérifiés ; qu'elle n'a également produit aucune pièce justifiant de ses recettes d'hôtellerie ; que les résultats des droits de communication exercés le 5 mars 2010 auprès de treize fournisseurs ont, par ailleurs, révélé l'absence de comptabilisation d'un grand nombre, au cours de chaque exercice, de factures d'achat ; qu'enfin, de nombreux autres achats ont été comptabilisés sans que la société produise de pièce justificative ; que ces différentes constatations ont pu permettre à l'administration fiscale de considérer la comptabilité de l'entreprise comme non probante ;
S'agissant de la reconstitution des chiffres d'affaires :
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour procéder à la reconstitution des chiffres d'affaires de la société, le vérificateur a évalué les recettes " boissons " de chaque exercice en déterminant les volumes vendus à partir d'un dépouillement des factures d'achat et en appliquant les tarifs pratiqués par la société ; qu'il a ensuite déterminé le pourcentage moyen des chiffres d'affaires " boissons et solides " à partir d'un examen des tickets dits RAZ journaliers ; qu'il a enfin tenu compte de la consommation du personnel et retenu 10 % au titre des pertes et des offerts ;
5. Considérant que la société, à qui incombe la charge de la preuve, soutient que cette méthode, dite des liquides, est radicalement viciée dans son principe et est excessivement sommaire ;
6. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que la société soutient, le vérificateur a évalué les quantités de vin rouge et de vin blanc lors des repas servis aux clients ; qu'en se bornant à soutenir que le chiffre d'affaires reconstitué est hors de proportion avec les données propres de l'entreprise, la société ne justifie pas du caractère radicalement vicié dans son principe de la méthode de reconstitution ;
7. Considérant, d'autre part, qu'en faisant valoir que le vérificateur a retenu un dosage de deux centilitres pour la crème de mûre ou de cassis utilisée pour la confection des kirs royaux sans justifier de la pertinence de ce dosage, la société ne justifie pas davantage du caractère excessivement sommaire de la méthode de reconstitution ; qu'en ce qui concerne le caractère erroné du dosage retenu pour les cafés, des tarifs et du coefficient de 4,16 de marge retenu par le vérificateur pour la détermination des prix de vente des vins, les allégations de la société ne sont aucunement étayées et ne sont pas de nature à justifier du caractère radicalement vicié dans son principe ou excessivement sommaire ou même seulement erroné de la méthode de reconstitution des chiffres d'affaires employée par le vérificateur ni, par suite, du caractère exagéré des impositions en litige ;
En ce qui concerne les pénalités :
S'agissant des pénalités pour manquement délibéré :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée (...) la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration " ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale s'est fondée, pour décider d'infliger à la société, des pénalités de 40 % pour manquement délibéré, sur le fondement du a de l'article 1729 du code général des impôts, non seulement sur l'importance des minorations de recettes révélées à l'issue de la reconstitution des chiffres d'affaires mais également sur l'existence des anomalies affectant la comptabilité de l'entreprise et, en particulier, l'absence de comptabilisation de nombreux achats ; que l'administration fiscale doit dès lors être regardée comme justifiant de l'intention de la contribuable d'éluder l'impôt ;
S'agissant de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 108 du code général des impôts : " Les dispositions des articles 109 à 117 fixent les règles suivant lesquelles sont déterminés les revenus distribués par : 1° Les personnes morales passibles de l'impôt prévu au chapitre II du présent titre (...) " ; qu'aux termes de l'article 109 de ce code : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) " ; qu'aux termes de l'article 117 de ce code : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759. " ; qu'aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées (...) " ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le service a demandé à la société, dans la proposition de rectification du 31 mai 2010, conformément aux dispositions de l'article 117 du code général des impôts, de préciser par écrit et de manière explicite dans un délai de trente jours, les noms et adresses des bénéficiaires des distributions avec indication du montant, des modalités et des dates de versement des sommes alloués à chacun d'eux en indiquant qu'en cas de refus ou de défaut de réponse ou de réponse équivalent, par son imprécision, à un défaut de réponse, elle serait passible d'une amende fiscale de 100 % calculée sur le montant des distributions en application de l'article 1759 du code général des impôts ;
12. Considérant que si la contribuable a, dans les observations qu'elle a formulées le 27 juillet 2010, contesté le rejet de sa comptabilité comme non probante ainsi que la reconstitution des chiffres d'affaires à laquelle le vérificateur a procédé, en faisant valoir notamment qu'un certain nombre de factures fournisseurs ne la concernait pas et en produisant à cet effet des attestations, elle n'a aucunement, contrairement à ce qu'elle soutient, désigné, à cette occasion, les bénéficiaires des distributions résultant de ces reconstitutions ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a fait, en l'absence d'une telle désignation, application des dispositions de l'article 1759 du code général des impôts ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MeA..., en sa qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la SARL Hôtel-Restaurant La Couronne, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de la SARL Hôtel-Restaurant La Couronne ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Me B...A...en sa qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la SARL Hôtel-Restaurant La Couronne demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Hôtel-Restaurant La Couronne est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me B...A...en sa qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la SARL Hôtel-Restaurant La Couronne et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 16NC01026