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21/11/2017 | FRANCE | N°16NC00948

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 21 novembre 2017, 16NC00948


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.B... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy, dans le dernier état de ses écritures, de condamner le centre hospitalier de Verdun à lui verser la somme de 106 600 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite de son hospitalisation au cours des mois de juillet et d'août 2011.

Mise en cause dans l'instance, la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse a demandé au tribunal administratif de Nancy, dans le dernier état de ses écritures, de condamner le centr

e hospitalier de Verdun à lui verser la somme de 167 833,42 euros en remboursem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.B... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy, dans le dernier état de ses écritures, de condamner le centre hospitalier de Verdun à lui verser la somme de 106 600 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite de son hospitalisation au cours des mois de juillet et d'août 2011.

Mise en cause dans l'instance, la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse a demandé au tribunal administratif de Nancy, dans le dernier état de ses écritures, de condamner le centre hospitalier de Verdun à lui verser la somme de 167 833,42 euros en remboursement de ses débours.

Par un jugement n° 1301265 du 31 mars 2016, le tribunal administratif de Nancy a condamné le centre hospitalier de Verdun à verser la somme de 3 240 euros à M. C...et la somme de 7 767 euros, ainsi qu'une rente annuelle de 86,23 euros, à la caisse primaire d'assurance maladie de Verdun.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 mai 2016, M.B... C..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nancy du 31 mars 2016 en ce qu'il a fixé à 5 % la part des dommages imputables au centre hospitalier de Verdun ;

2°) d'ordonner une expertise complémentaire aux fins de se prononcer sur l'ampleur de la chance perdue à raison des actes médicaux accomplis par le centre hospitalier ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Verdun à lui verser la somme provisionnelle de 3 000 euros, à valoir sur le montant de l'indemnisation de ses préjudices ;

4°) de mettre les dépens exposés en première instance à la charge du centre hospitalier de Verdun, ainsi que la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le retard fautif avec lequel le centre hospitalier de Verdun a diagnostiqué l'ischémie distale dont il souffrait, lors de sa prise en charge le 14 juillet 2011, est à l'origine de l'amputation de sa jambe droite ;

- à supposer qu'une amputation était envisageable dans les cinq à dix années suivant cette prise en charge compte tenu de l'évolution de sa pathologie, l'absence de diagnostic correct lui a fait perdre une chance très importante d'éviter cette amputation ;

- les éléments médicaux produits à l'instance, qui contredisent les conclusions de l'expert en ce qu'elles retiennent un taux de perte de chance de 5 %, et l'absence de spécialisation de cet expert en angiologie justifient une nouvelle expertise sur ce point.

Par des mémoires enregistrés le 22 septembre 2016 et le 6 octobre 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse, représentée par MeA..., demande à la cour de réformer le jugement attaqué en portant à la somme de 167 833,42 euros le montant des débours que le centre hospitalier de Verdun a été condamné à lui rembourser et à la somme de 1 055 euros le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion et de mettre à la charge de cet établissement la somme de 1 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse primaire d'assurance maladie soutient que :

- elle s'en rapporte à la sagesse de la cour en ce qui concerne la demande de nouvelle expertise ;

- elle justifie de ce que sa créance d'un montant de 167 833,42 euros est imputable à la faute de l'établissement de santé.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 novembre 2016 et un mémoire enregistré le 11 octobre 2017, le centre hospitalier de Verdun, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête.

Le centre hospitalier de Verdun fait valoir que :

- le retard fautif imputable à l'établissement de santé est à l'origine d'une perte de chance très limitée d'échapper à l'amputation compte tenu de l'état antérieur de la victime et de la nécrose distale dont il était atteint ;

- une nouvelle expertise présenterait un caractère frustratoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 26 décembre 2016 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., pour M.C..., et de MeA..., pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse.

1. Considérant que M.C..., né le 30 janvier 1937, a été pris en charge le 14 juillet 2011 par le service des urgences du centre hospitalier de Verdun alors qu'il ressentait une douleur au pied droit depuis une quinzaine de jours ; que les praticiens du centre hospitalier ayant retenu le diagnostic d'une infection, l'intéressé a été renvoyé à son domicile le jour même avec un traitement antibiotique ; que ces praticiens ont confirmé leur diagnostic le 24 juillet 2011, après que M. C... s'est de nouveau rendu au service des urgences du centre hospitalier de Verdun en raison d'une aggravation de ses souffrances ; que le requérant a été hospitalisé le 27 juillet 2011 au matin, à l'initiative de son médecin traitant, au sein du service de chirurgie orthopédique du centre hospitalier de Verdun où une artérite à l'origine de lésions distales a été diagnostiquée ; que malgré la mise en place d'un traitement adapté, M. C...a été amputé le 12 août 2011 du pied droit et le 19 août suivant de la partie inférieure de la jambe droite ; qu'estimant avoir fait l'objet d'une prise en charge défectueuse par le centre hospitalier de Verdun, le requérant a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à la condamnation de l'établissement de santé à l'indemniser de ses préjudices pour un montant total de 106 600 euros ; que mise en cause dans l'instance, la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse a demandé au tribunal administratif de condamner le centre hospitalier de Verdun à lui rembourser ses débours pour un montant de 167 833,42 euros ; que, par un jugement du 31 mars 2016 rendu au vu du rapport d'expertise diligenté par ses soins, le tribunal administratif de Nancy, après avoir relevé que le retard de diagnostic imputable au centre hospitalier avait fait perdre une chance à M. C...d'échapper à ses dommages, a fixé l'ampleur de cette perte de chance à 5 % et a condamné l'établissement de santé à verser la somme de 3 240 euros à l'intéressé et la somme de 7 767 euros, ainsi qu'une rente annuelle de 86,23 euros, à la caisse primaire d'assurance maladie ; que M. C...relève appel de ce jugement et, contestant le taux retenu par les premiers juges pour évaluer sa perte de chance, demande à la cour d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise et de lui allouer, dans cette attente, une provision d'un montant de 3 000 euros ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse demande à la cour de porter le montant mis à la charge du centre hospitalier en remboursement de ses débours à la somme de 167 833,42 euros et de fixer l'indemnité forfaitaire de gestion également à la charge de cet établissement au montant de 1 055 euros ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise déposé le 22 décembre 2015 devant les premiers juges, que l'artérite dont M. C...était atteint n'a été diagnostiquée que le 27 juillet 2011 lors de son hospitalisation au sein du service de chirurgie orthopédique du centre hospitalier de Verdun, alors que l'examen réalisé le 14 juillet précédent par l'un des praticiens du service des urgences avait mis en évidence une ischémie subaiguë du membre inférieur droit qui aurait dû conduire l'établissement de santé à poser le diagnostic de cette artérite dès cette dernière date ; que ce retard de diagnostic, correspondant à deux semaines, a fait perdre à M. C...une chance d'obtenir la guérison de la pathologie artérielle dont il souffrait lors de sa prise en charge initiale le 14 juillet 2011 ;

3. Considérant que si M. C...conteste le taux de 5 % retenu par les premiers juges pour évaluer l'ampleur de la chance perdue d'échapper à l'amputation, il résulte encore de l'instruction que l'intéressé, qui souffrait du pied droit depuis déjà quinze jours lorsqu'il s'est présenté au service des urgences du centre hospitalier, était âgé de plus de 74 ans lors de sa prise en charge et présentait une intoxication en raison d'une consommation de tabac pendant soixante ans, impliquant une étroitesse de ses artères distales ; que cet état antérieur est qualifié de considérable par l'expert désigné par le tribunal administratif, qui précise qu'une infection, telle la mycose interdigitale que le requérant présentait au niveau des orteils, se trouve souvent à l'origine d'une thrombose des vaisseaux qu'il est pratiquement impossible d'enrayer ; qu'à cet égard, si M. C...soutient qu'en raison du retard de diagnostic imputable à l'établissement de santé, sa pathologie s'est aggravée sous la forme d'une nécrose conduisant elle-même à l'amputation, il ressort au contraire de l'anamnèse effectuée par le praticien qui l'a examiné le 14 juillet 2011 qu'il présentait déjà un début de nécrose distale à l'orteil lors de sa prise en charge initiale ; que selon l'expert judiciaire, une telle nécrose s'étend en principe de façon inexorable à l'ensemble du pied et, pour les patients présentant le même état antérieur que le requérant, ne peut être enrayée que par l'amputation de la jambe ; que M. C... ne démontre pas que cet expert, spécialisé en chirurgie cardiovasculaire, n'aurait pas disposé des qualifications requises pour se prononcer sur sa situation médicale et, notamment, sur l'ampleur de la perte de chance de se soustraire à l'amputation, et que l'expert propose de fixer au taux de 5 % ; que par ailleurs, et contrairement à ce que soutient encore M.C..., les observations formulées le 28 février 2013 par l'expert de l'assureur du centre hospitalier, selon lesquelles le traitement préventif de la lésion artérielle n'aurait pas permis de modifier l'évolution de la pathologie au terme d'un délai de cinq à dix ans, ne sont pas de nature à contredire les conclusions du rapport d'expertise judiciaire déposé le 22 décembre 2015, sur lesquelles l'auteur des observations précitées n'a pas eu à se prononcer ; que dans ces conditions, alors que le requérant n'apporte aucun élément de nature à contester les conclusions du rapport d'expertise sur lequel se sont fondés les premiers juges, ceux-ci n'ont pas fait une insuffisante évaluation de l'ampleur de la chance perdue par M. C...en retenant un taux de 5 % ; qu'il s'ensuit que la nouvelle mesure d'expertise sollicitée devant la cour présenterait un caractère frustratoire ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a évalué à 5 % la perte de chance, pour l'intéressé, d'échapper au risque qui s'est réalisé et a condamné en conséquence le centre hospitalier de Verdun à lui verser une indemnisation d'un montant de 3 240 euros ; qu'il suit de ce qui précède que la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse, qui se borne à solliciter devant la cour une augmentation de la condamnation de l'établissement de santé à due proportion du taux de perte de chance susceptible d'être retenu, n'est pas fondée non plus à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fixé le montant de cette condamnation à 7 767 euros, assortie d'une rente annuelle de 86,23 euros ;

Sur les frais d'expertise exposés en première instance :

5. Considérant qu'il ressort des termes du jugement attaqué que les frais d'expertise exposés devant le tribunal administratif de Nancy pour un montant total de 3 140 euros ont été mis à la charge définitive du centre hospitalier de Verdun ; que, par suite, les conclusions présentées en appel par M. C...tendant à ce que ces frais soient mis à la charge de l'établissement de santé sont sans objet ;

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 26 décembre 2016 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale : " Les montants maximum et minimum de l'indemnité forfaitaire de gestion visés aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 1 055 € et à 105 € à compter du 1er janvier 2017 " ;

7. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse a obtenu du centre hospitalier de Verdun le remboursement de ses débours pour un montant de 7 767 euros ; qu'il s'ensuit que, par application des dispositions précitées, la caisse est fondée à demander que le montant de l'indemnité forfaitaire également mise à la charge de l'établissement de santé soit portée de la somme de 1 047 euros à celle de 1 055 euros ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Verdun, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. C...demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'établissement de santé la somme dont la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion que le centre hospitalier de Verdun a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse par le jugement du tribunal administratif de Nancy n° 1301265 du 31 mars 2016 est porté de la somme de 1 047 euros à la somme de 1 055 (mille cinquante cinq) euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M.B... C..., au centre hospitalier de Verdun et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse.

2

N° 16NC00948


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00948
Date de la décision : 21/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP WISNIEWSKI VAISSIER-CATARAME

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-11-21;16nc00948 ?
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