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24/10/2017 | FRANCE | N°16NC02314

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 24 octobre 2017, 16NC02314


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 19 mai 2016 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1600918 du 20 septembre 2016, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédu

re devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 octobre 2016, M.C..., représenté par la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 19 mai 2016 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1600918 du 20 septembre 2016, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 octobre 2016, M.C..., représenté par la SCP Bonnot Bouvier Euvrard, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 20 septembre 2016 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 19 mai 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité, par voie d'exception, en raison de l'illégalité dont le refus de séjour est lui-même entaché ;

- cette décision est entachée d'incompétence ;

- il ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'un titre de séjour doit lui être délivré de plein droit ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 février 2017, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant de la République démocratique du Congo qui déclare être né le 27 décembre 1997, est entré irrégulièrement en France le 8 septembre 2014 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié ; que la demande d'asile de M.B..., dont la tutelle a été confiée aux services de l'aide sociale à l'enfance du département du Doubs, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 avril 2015, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 11 janvier 2016 ; que l'intéressé a présenté une demande de titre de séjour en faisant état de la formation suivie pour l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle " Service restauration " ; que par un arrêté du 28 mai 2016, le préfet du Doubs a refusé de lui accorder le titre de séjour sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ; que M. B...relève appel du jugement du 20 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 mai 2016 ;

Sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a été signé par M. Jean-Philippe Setbon, secrétaire général de la préfecture du Doubs ; que, par un arrêté du 31 août 2015 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 31 août 2015, le préfet du Doubs a accordé une délégation à M. A...à " l'effet de signer tous arrêtés, décisions (...) relevant des attributions de l'Etat dans le département du Doubs et notamment les décisions suivantes : ( ...) - refus de séjour ; - obligations de quitter le territoire ; (...) - décisions portant fixation du pays de destination (...) " ; que, par suite, et contrairement à ce soutient le requérant, M. A... avait reçu délégation de signature pour signer l'arrêté contesté et le moyen tiré ce que cet arrêté serait entaché d'incompétence doit être écarté ;

Sur les autres moyens soulevés à l'encontre de la décision portant refus de séjour :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent " ; qu'aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

4. Considérant que la décision de refus de séjour contestée vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 313-15, sur le fondement duquel M. B...a présenté sa demande de titre de séjour ; qu'ainsi, cette décision est suffisamment motivée en droit ; que ladite décision, qui énonce les raisons pour lesquelles le préfet a estimé que l'acte de naissance produit par l'intéressé présentait un caractère frauduleux faisant obstacle à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15, est également suffisamment motivée en fait ; que, dès lors, le moyen tiré d'une prétendue insuffisance de motivation doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date de la décision contestée : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé " ; qu'aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ", lequel dispose que " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une ordonnance du 22 septembre 2014, le juge des tutelles du tribunal de grande instance de Montbéliard a déféré la tutelle de M. B...au département du Doubs, compétent en matière d'aide sociale à l'enfance, au vu d'un acte de naissance établi le 2 septembre 2014 par le bourgmestre de la commune de Kinshasa, mentionnant le 27 décembre 1997 comme date de naissance de l'intéressé ; que le préfet du Doubs a refusé de délivrer un titre de séjour au requérant sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que ce document présentait un caractère frauduleux et que l'intéressé ne pouvait en conséquence justifier avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans ; que si M. B...fait état du rapport établi le 16 avril 2016 par les services de la police aux frontières, selon lequel le support utilisé pour la confection de l'acte de naissance précité est authentique, il ressort du courrier du 5 avril 2016 émanant de l'ambassade de la République démocratique du Congo en France que cet acte comporte un numéro d'enregistrement se rapportant à l'année 2014 alors qu'il devrait se référer à l'année 1998 au cours de laquelle la naissance a été déclarée selon les termes dudit document, que celui-ci a été établi par les services d'état civil de la commune de Kinshasa qui n'étaient pas compétents dès lors que les parents étaient domiciliés dans la commune de N'djili et, enfin, que l'acte litigieux a été signé par une personne non habilitée ; que le jugement supplétif rendu le 15 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de Kinshasa-Gombe et la copie intégrale d'acte de naissance établie le 27 février 2017, au vu de ce jugement, par l'officier d'état civil de la commune de Gombe comportent des incohérences portant sur l'orthographe du nom du requérant et sa date de naissance et sont dépourvus de caractère probant ; qu'en outre, ce jugement supplétif a pour motif le non respect du délai d'un mois requis par l'article 98 du code de la famille congolais pour déclarer l'enfant devant l'officier d'état civil compétent, alors que l'acte de naissance précité établi le 2 septembre 2014 mentionne que la déclaration de naissance a été effectuée le 5 janvier 1998, soit dans le délai d'un mois suivant la naissance intervenue le 27 décembre 1997 ; que, dans ces conditions, le préfet du Doubs pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 313-15, ni commettre d'erreur de fait ou d'erreur manifeste d'appréciation sur ce point, estimer que les faits déclarés dans l'acte d'état civil produit par le requérant à l'appui de sa demande de titre de séjour ne permettent pas d'établir, en l'absence de certitude sur sa date de naissance véritable, que l'intéressé aurait été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) " ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...est entré sur le territoire français le 8 septembre 2014 après avoir toujours vécu dans son pays d'origine ; que l'intéressé, célibataire et sans enfant, n'établit pas ne plus avoir d'attaches dans son pays d'origine ; que, dès lors, en dépit des capacités d'insertion sociale et professionnelle dont le requérant fait état, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale et, par suite, n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes raisons, le préfet du Doubs n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de sa décision de refus de séjour sur la vie privée et familiale de l'intéressé ;

9. Considérant, en dernier lieu, que M. B...ne saurait utilement se prévaloir d'une méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision de refus de séjour, qui n'a ni pour objet ni pour effet de le renvoyer dans son pays d'origine ;

Sur les autres moyens soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour serait entachée d'illégalité ; que, par suite, le moyen invoqué à l'encontre de la mesure d'éloignement et tiré, par voie d'exception, d'une prétendue illégalité du refus de séjour ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient M.B..., le titre de séjour prévu à l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui peut être délivré par le préfet à titre exceptionnel, ne revêt pas le caractère d'un titre de séjour de plein droit ; que, dès lors et en tout état de cause, le requérant n'est pas fondé à soutenir que, devant se voir délivrer un titre de séjour de plein droit, il ne pourrait faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'au demeurant, ainsi qu'il a déjà été dit, il ne justifie pas des conditions prévues par les dispositions de l'article L. 313-15 pour l'obtention du titre qu'elles prévoient ;

12. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte encore de ce qui a été dit précédemment, notamment au point 8, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaitrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

2

N° 16NC02314


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC02314
Date de la décision : 24/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP BONNOT BOUVIER EUVRARD

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-10-24;16nc02314 ?
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