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24/10/2017 | FRANCE | N°16NC00012

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 24 octobre 2017, 16NC00012


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...F...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 29 décembre 2011 par laquelle les hôpitaux civils de Colmar l'ont rayée des cadres, ensemble la décision du 3 juillet 2014 des mêmes hôpitaux rejetant son recours gracieux et, d'autre part, d'enjoindre sous astreinte aux hôpitaux civils de Colmar de la réintégrer dans ses fonctions.

Par un jugement no 1404713 du 10 novembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.
>Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 janvier 2016, MmeF..., r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...F...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 29 décembre 2011 par laquelle les hôpitaux civils de Colmar l'ont rayée des cadres, ensemble la décision du 3 juillet 2014 des mêmes hôpitaux rejetant son recours gracieux et, d'autre part, d'enjoindre sous astreinte aux hôpitaux civils de Colmar de la réintégrer dans ses fonctions.

Par un jugement no 1404713 du 10 novembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 janvier 2016, MmeF..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 10 novembre 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 29 décembre 2011 la radiant des cadres ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 3 juillet 2014 rejetant son recours gracieux tendant au retrait de la décision du 29 décembre 2011 la radiant des cadres et refusant de la réintégrer ;

4°) d'enjoindre aux hôpitaux civils de Colmar de la réintégrer dans ses fonctions dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge des hôpitaux civils de Colmar la somme de 1 000 euros à verser à Me D...sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier ; d'une part, le tribunal a soulevé d'office que les hôpitaux civils de Colmar étaient en compétence liée et que ses moyens étaient inopérants, sans respecter la procédure prévue par l'article R. 611-7 du code de justice administrative ; d'autre part, le caractère inopérant des moyens soulevés au motif que l'administration se serait trouvée en situation de compétence liée ne se soulève pas d'office ; enfin, les premiers juges ont omis de statuer sur les moyens qu'elle avait soulevés, les considérant à tort comme inopérants ;

- la décision du 29 décembre 2011 la radiant des cadres est illégale du fait de l'illégalité de la décision du 30 novembre 2010 la plaçant en disponibilité pour convenances personnelles ; d'une part, l'appelante avait sollicité sa mise en disponibilité pour une durée de trois ans ; d'autre part, la commission administrative paritaire n'a pas été consultée comme le prévoit l'article 38 du décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 ; enfin, elle est entachée d'incompétence de son auteur qui ne possédait pas une délégation de signature régulière ;

- la décision du 29 décembre 2011 la radiant des cadres est illégale car entachée d'incompétence de son auteur qui ne possédait pas une délégation de signature régulière ; par ailleurs, elle est insuffisamment motivée en droit ; enfin, elle n'a pas été précédée d'une mise en demeure ;

- le rejet du recours gracieux daté du 3 juillet 2014 doit être annulé du fait de l'illégalité de la décision du 29 décembre 2011 la radiant des cadres ;

- en application des articles L. 911-1 et L 911-3 du code de justice administrative, elle doit être réintégrée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2016, les hôpitaux civils de Colmar concluent au rejet de la requête et à la condamnation de Mme F...à leur verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme F...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2016.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tréand,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

Une note en délibéré présentée par Mme F...a été enregistrée le 3 octobre 2017.

1. Considérant que MmeF..., infirmière titularisée le 1er août 2007, affectée aux hôpitaux civils de Colmar (HCC), a sollicité son placement en disponibilité pour convenances personnelles ; que, par une décision du 30 novembre 2010, elle a obtenu satisfaction pour une durée d'un an, sa mise en disponibilité courant du 1er décembre 2010 au 30 novembre 2011 ; que, par une décision du 29 décembre 2011, elle a été " rayée des cadres à compter du 1er décembre 2011 " au motif qu'elle n'avait sollicité ni sa réintégration, ni la prolongation de sa disponibilité en application des dispositions de l'article 37 du décret susvisé du 13 octobre 1988 qui prévoient que : " Deux mois au moins avant l'expiration de la période de disponibilité en cours, le fonctionnaire doit solliciter soit le renouvellement de sa disponibilité soit sa réintégration. Faute d'une telle demande, l'intéressé est rayé des cadres, à la date d'expiration de la période de disponibilité (...) " ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. (...) " ;

3. Considérant que pour rejeter la demande de MmeF..., le tribunal administratif de Strasbourg a jugé que les hôpitaux civils de Colmar étaient en situation de compétence liée pour prononcer sa radiation des cadres au motif qu'elle n'avait pas fait connaître ses intentions au moins deux mois avant la fin de sa disponibilité pour convenances personnelles ; qu'il en a déduit que les moyens invoqués par Mme F...contre la décision lui notifiant sa radiation des cadres étaient inopérants ; qu'il ne ressortait ni des termes de cette décision, ni d'aucune autre pièce du dossier que les hôpitaux civils de Colmar s'étaient fondés sur ce qu'ils s'estimaient en situation de compétence liée pour notifier à Mme F... sa radiation des cadres ; que, dès lors, en se fondant lui-même sur ce motif sans avoir préalablement informé les parties de son intention de le relever d'office, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler ce jugement et de statuer par la voie de l'évocation sur la demande de MmeF... ;

Sur la légalité de la décision 29 décembre 2011 portant radiation des cadres :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique : " Le directeur, président du directoire, conduit la politique générale de l'établissement. Il représente l'établissement dans tous les actes de la vie civile et agit en justice au nom de l'établissement. /. (...) / Le directeur exerce son autorité sur l'ensemble du personnel dans le respect des règles déontologiques ou professionnelles qui s'imposent aux professions de santé, des responsabilités qui sont les leurs dans l'administration des soins et de l'indépendance professionnelle du praticien dans l'exercice de son art. / (...) Il peut déléguer sa signature, dans des conditions déterminées par décret. (...) " ; qu'aux termes de l'article D. 6143-33 du même code : " Dans le cadre de ses compétences définies à l'article L. 6143-7, le directeur d'un établissement public de santé peut, sous sa responsabilité, déléguer sa signature. " ;

5. Considérant que, par décision du 6 juin 2011, publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du Haut-Rhin du même jour, le directeur des hôpitaux civils de Colmar a délégué à Mme A...E..., en cas d'absence ou d'empêchement de M. B..., sa signature notamment pour tous les actes relatifs à la gestion du " Pôle de Gestion des Relations Sociales " ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979, dans sa version alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) - infligent une sanction (...) " ;

7. Considérant que si la décision portant radiation des cadres ne vise que le décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 sans invoquer le premier alinéa de son article 37, l'appelante a été informée par l'article 3 de la décision du 30 novembre 2010 la plaçant en disponibilité pour convenances personnelles, d'une part, qu'elle devait informer son administration de ses intentions deux mois avant l'expiration de la période de disponibilité en cours et, qu'à défaut, elle encourait une radiation des cadres, et d'autre part, que l'administration n'était pas tenue de rappeler à l'agent ses obligations vis-à-vis de son employeur avant de prononcer sa radiation des cadres dès lors que les HCC l'avaient préalablement avertie expressément qu'aucune lettre de rappel ne lui serait envoyée ; que, par suite, l'arrêté, qui doit être considéré comme énonçant les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé ;

8. Considérant, en troisième lieu, et contrairement à ce que soutient MmeF..., qu'aucune disposition législative ou règlementaire ne fait obligation à l'autorité qui prononce la radiation des cadres d'un agent en raison de sa non-réintégration à l'issue d'une période de disponibilité de faire précéder sa décision d'une mise en demeure ;

9. Considérant, en dernier lieu, que l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale ; que s'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut alors être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte ;

10. Considérant que la décision querellée portant radiation des cadres n'a pas été prise pour l'application de la décision du 30 novembre 2010 plaçant Mme F...en disponibilité pour convenances personnelles, laquelle n'en constitue pas davantage la base légale ; qu'ainsi, l'exception d'illégalité de la décision du 30 novembre 2010 doit être écartée ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme F...n'est fondée à demander ni l'annulation de la décision du 29 décembre 2011 par laquelle les hôpitaux civils de Colmar, qui n'étaient pas en situation de compétence liée, l'ont rayée des cadres, ni, par voie de conséquence, de la décision du 3 juillet 2014 des mêmes hôpitaux rejetant son recours gracieux ; que ses conclusions à fins de réintégration et d'astreinte doivent également être rejetées ;

Sur les frais irrépétibles :

12. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par Mme F...et par les hôpitaux civils de Colmar sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement no 1404713 du tribunal administratif de Strasbourg du 10 novembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme F...devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : Les conclusions des hôpitaux civils de Colmar formées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...F...et aux hôpitaux civils des Colmar.

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N° 16NC00012


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00012
Date de la décision : 24/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Disponibilité - Réintégration.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Radiation des cadres.

Fonctionnaires et agents publics - Dispositions propres aux personnels hospitaliers - Personnel paramédical - Infirmiers et infirmières.

Procédure - Instruction - Caractère contradictoire de la procédure - Communication des moyens d'ordre public.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : MAAMOURI

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-10-24;16nc00012 ?
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