La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/10/2017 | FRANCE | N°16NC01190

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chbre / 4ème chbre, 19 octobre 2017, 16NC01190


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de contribution sociale généralisée (CSG) et de contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013 ainsi que des pénalités dont ces droits ont été assortis, de saisir, à titre subsidiaire, la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle et de mettre à la charge de l'État le versemen

t d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de contribution sociale généralisée (CSG) et de contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013 ainsi que des pénalités dont ces droits ont été assortis, de saisir, à titre subsidiaire, la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle et de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1501823 du 12 avril 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître en tant qu'elle tendait à la décharge de la cotisation supplémentaire de contribution sociale généralisée (CSG) à laquelle Mme C...a été assujettie au titre de l'année 2011 et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 13 juin 2016 et 30 décembre 2016, MmeC..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des droits et pénalités qu'elle a sollicitée en première instance ;

3°) de surseoir à statuer, en tant que de besoin, jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions préjudicielles suivantes, conformément à l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne :

- des prélèvements sur les revenus de remplacement, tels que la CSG et la CRDS sur les pensions de vieillesse présentent-ils un lien direct et pertinent avec certaines des branches de sécurité sociale énumérées à l'article 4 du règlement n° 1408-71 et entrent-ils dans le champ de ce règlement '

- et si la cour devait répondre par l'affirmative à cette première question, le titulaire de tels revenus peut-il se voir réclamer du fait de sa résidence sur le territoire d'un État membre des cotisations telles que la CSG et la CRDS pour la couverture de prestations prises en charge par une institution d'un autre État membre, sans que lesdites cotisations soient liées à due proportion à des prestations par ailleurs à la charge de l'institution de l'État membre de résidence de l'intéressé ou à tout le moins sans qu'il en résulte un déséquilibre significatif entre les cotisations supplémentaires versées et les prestations prises en charge par ladite institution '

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande de décharge de la cotisation supplémentaire de contribution sociale généralisée à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011 comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître compte tenu de la modification intervenue avec la loi n° 2011-1906 du 26 décembre 2011 pour le financement de la sécurité sociale pour 2012 dont l'application est immédiate ;

- les prélèvements en cause sont réclamés en méconnaissance, d'une part du principe d'unicité de législation et, d'autre part du principe selon lequel le titulaire d'une pension ou d'une rente ne peut pas se voir réclamer, du fait de sa résidence sur le territoire d'un État membre, des cotisations d'assuré obligatoire pour la couverture de prestations prises en charge par une institution d'un autre État membre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il déclare s'en remettre à la sagesse de la cour en ce qui concerne l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître de la demande de décharge de la contribution sociale généralisée réclamée à Mme C...au titre de l'année 2011 et, pour le surplus, soutient que :

- Mme C...admet que les dispositions du droit interne entraînent l'application des prélèvements sociaux sur ses revenus de source suisse ;

- le principe d'unicité de législation et le principe selon lequel le titulaire d'une pension ou d'une rente ne peut pas se voir réclamer, du fait de sa résidence sur le territoire d'un État membre, des cotisations d'assuré obligatoire pour la couverture de prestations prises en charge par une institution d'un autre État membre ne font pas obstacle à l'application de ces prélèvements sur ces revenus ;

- il n'y a pas lieu, en conséquence, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles invoquées.

Par lettre du 5 mai 2017, la cour a, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties qu'elle était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public à laquelle Mme C...a répondu le 10 mai 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté ;

- le règlement (CEE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- l'accord conclu le 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes ;

- la décision n° 1/2012 du Comité mixte du 31 mars 2012 remplaçant l'annexe II de l'accord sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 ;

- la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012 ;

- l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 10 mai 2001, Rundgren (C-389/99) ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre de Ruyter (C-623/13) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 26 septembre 2017 :

- le rapport de M. Etienvre ;

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public ;

- et les observations de Me D...représentant Mme C... et de M. A...représentant le ministre de l'action et des comptes publics.

1. Considérant qu'à l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a assujetti Mme C...au titre des pensions de source suisse qu'elle a perçues en 2011, 2012 et 2013 à la contribution sociale généralisée (CSG) et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ; que Mme C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'en prononcer la décharge ; que par jugement du 12 avril 2016, le tribunal a rejeté la demande de Mme C...comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître en tant qu'elle tend à la décharge des cotisations supplémentaires de CSG auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011 et a rejeté le surplus de la demande ; que Mme C...relève appel de ce jugement ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Considérant d'une part, qu'à la différence des litiges relatifs aux prélèvements opérés au titre de la CSG sur les revenus du patrimoine et sur les revenus de placement, qui sont régis par les articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale et qui ressortissent à la compétence de la juridiction administrative, les litiges relatifs aux prélèvements opérés au titre de la CSG sur les revenus d'activité et les revenus de remplacement relèvent, en principe, en vertu des dispositions du dernier alinéa du V de l'article L. 136-5 du code de la sécurité sociale, de la compétence de l'autorité judiciaire, sous réserve des dispositions spécifiques renvoyant aux règles du contentieux de l'impôt sur le revenu ;

3. Considérant que le 2° du I de l'article 18 de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 portant financement de la sécurité sociale pour 2012, applicable à compter du 1er janvier 2012 en vertu du IV du même article 18, a ajouté un II bis à l'article L. 136-5 du code de la sécurité sociale aux termes duquel : " La contribution due sur les revenus de source étrangère, sous réserve s'agissant des revenus d'activité qu'elle n'ait pas fait l'objet d'un précompte par l'employeur, est établie, recouvrée et contrôlée dans les conditions et selon les modalités prévues au III de l'article L. 136-6. " ; qu'aux termes du III de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale relatif à la CSG sur les revenus du patrimoine : " La contribution (...) est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l'impôt sur le revenu " ;

4. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les litiges relatifs à la CSG sur les revenus d'activité et de remplacement de source étrangère relèvent, depuis le 1er janvier 2012, de la compétence de la juridiction administrative dès lors qu'à compter de cette date cette contribution est assise, contrôlée et recouvrée par les services de l'administration fiscale comme en matière d'impôt sur le revenu ; que cette compétence doit dès lors s'entendre des litiges relatifs aux prélèvements effectués sur les revenus perçus au cours de l'année 2011 ;

5. Considérant d'autre part, qu'en vertu du dernier alinéa de l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale dans sa rédaction applicable au litige, la CRDS assise sur les revenus d'activité et de remplacement est recouvrée et contrôlée dans les conditions et sous les garanties et sanctions visées à l'article L. 136-5 du code de la sécurité sociale ; que, ainsi qu'il a été dit au point 3, l'article 18 de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 portant financement de la sécurité sociale pour 2012, applicable à compter du 1er janvier 2012 en vertu du IV du même article 18, a ajouté un II bis à l'article L. 136-5 du code de la sécurité sociale; que par l'effet de ce renvoi, la juridiction administrative est compétente, depuis le 1er janvier 2012, pour connaître des litiges afférents à des cotisations de CRDS assises sur des revenus de source étrangère tant pour les revenus du patrimoine que pour les revenus d'activité et de remplacement lesquels doivent, sur ce point, être assimilés aux revenus du patrimoine ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ensemble des litiges relatifs à des cotisations de CSG et de CRDS assises sur des revenus d'activité et de remplacement de source étrangère ressortissent depuis le 1er janvier 2012 à la compétence de la juridiction administrative ; qu'il s'ensuit que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande de décharge de la cotisation supplémentaire de CSG à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011 comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 12 avril 2016 ;

7. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Mme C...en tant qu'elle tend à la décharge de la cotisation supplémentaire de CSG à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011 et de statuer, par la voie de l'effet dévolutif, sur les autres conclusions de la requête ;

Sur le bien-fondé des impositions :

8. Considérant qu'en vertu de l'article 1600-00 C du code général des impôts, qui renvoie à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, les revenus d'activité et de remplacement de source étrangère sont assujettis à une CSG, sous réserve, s'agissant des revenus d'activité, qu'elle n'ait pas fait l'objet d'un précompte par l'employeur ; qu'aux termes de l'article L. 136-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 1er de l'ordonnance n° 2001-377 du 2 mai 2001 prise pour l'application du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté et modifiant les règles d'assujettissement des revenus d'activité et de remplacement à la contribution sociale généralisée et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale : " Il est institué une contribution sociale sur les revenus d'activité et sur les revenus de remplacement à laquelle sont assujettis : 1° Les personnes physiques qui sont à la fois considérées comme domiciliées en France pour l'établissement de l'impôt sur le revenu et à la charge, à quelque titre que ce soit, d'un régime obligatoire français d'assurance maladie (...) " ; qu'aux termes, enfin, de l'article L. 380-3-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige : " I.-Les travailleurs frontaliers résidant en France et soumis obligatoirement à la législation suisse de sécurité sociale au titre des dispositions de l'accord du 21 juin 1999 entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, mais qui, sur leur demande, sont exemptés d'affiliation obligatoire au régime suisse d'assurance maladie en application des dispositions dérogatoires de cet accord, sont affiliés obligatoirement au régime général dans les conditions fixées par l'article L. 380-1. / II.-Toutefois, les travailleurs frontaliers occupés en Suisse et exemptés d'affiliation obligatoire au régime suisse d'assurance maladie peuvent demander à ce que les dispositions du I ne leur soient pas appliquées, ainsi qu'à leurs ayants droit, jusqu'à la fin des dispositions transitoires relatives à la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'Union européenne, soit douze ans à partir de l'entrée en vigueur de l'accord du 21 juin 1999 précité, à condition d'être en mesure de produire un contrat d'assurance maladie les couvrant, ainsi que leurs ayants droit, pour l'ensemble des soins reçus sur le territoire français. Ces dispositions ne sont pas applicables aux travailleurs frontaliers, ainsi qu'à leurs ayants droit, affiliés au régime général à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007. Les travailleurs ayant formulé une telle demande peuvent ultérieurement y renoncer à tout moment, pour eux-mêmes et pour leurs ayants droit indistinctement, et sont, à partir de la date de cette renonciation, affiliés au régime général en application des dispositions du I. / III.-Les dispositions du I et du II sont également applicables aux titulaires de pensions ou de rentes suisses, ainsi qu'à leurs ayants droit, résidant en France et soumis obligatoirement à la législation suisse de sécurité sociale au titre des dispositions de l'accord du 21 juin 1999 précité, mais qui sur leur demande sont exemptés d'affiliation obligatoire au régime suisse d'assurance maladie en application des dispositions dérogatoires de cet accord. / IV.-Les travailleurs frontaliers et les titulaires de pensions et de rentes affiliés au régime général dans les conditions fixées au I ne sont pas assujettis aux contributions visées à l'article L. 136-1 et à l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale et ne sont pas redevables des cotisations visées au deuxième alinéa de l'article L. 131-9 et à l'article L. 380-2. (...) " ;

9. Considérant qu'il n'est pas contesté que les pensions de réversion perçues par Mme C...en 2011, 2012 et 2013 à raison de l'activité professionnelle exercée, de son vivant, en Suisse par son défunt mari, ont été à bon droit assujetties à la CSG et à la CRDS en application du droit interne dès lors, d'une part que MmeC..., qui était domiciliée en Francepour l'établissement de l'impôt sur le revenu au cours des années d'imposition en litige, a également perçu des pensions de retraite versées par le régime français de sécurité sociale auquel elle était par ailleurs affiliée au titre de l'assurance-maladie, et d'autre part, que la requérante n'allègue pas relever du dispositif prévu au premier alinéa du IV de l'article L. 380-3-1 du code de la sécurité sociale ; que, pour demander la décharge de ces cotisations, Mme C... soutient que ces impositions contreviennent au principe d'unicité de législation posé à l'article 13 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté et à l'article 11 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ainsi qu'au principe d'interdiction de double cotisation qui en découle ; qu'elle soutient également que ces impositions méconnaissent le principe consacré par la Cour de justice des Communautés européennes, devenue la Cour de justice de l'Union européenne, selon lequel le titulaire d'une pension ou d'une rente ne peut pas se voir réclamer, du fait de sa résidence sur le territoire d'un État membre, des cotisations d'assuré obligatoire pour la couverture de prestations prises en charge par une institution d'un autre État membre (CJCE 10 mai 2001, Rundgren, aff. C-389/99) ;

10. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 13 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) no 1606/98 du Conseil du 29 juin 1998 et dont les dispositions sont reprises à l'article 11 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, lequel s'applique aux relations entre la Confédération suisse et les Etats membres de l'Union européenne depuis le 1er avril 2012, les personnes auxquelles le règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre ;

11. Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre Gérard de Ruyter (C-623/13), d'une part, que " la circonstance qu'un prélèvement soit qualifié d'impôt par une législation nationale n'exclut pas que, au regard du règlement n° 1408/71, ce même prélèvement puisse être regardé comme relevant du champ d'application de ce règlement ", y compris lorsque ce prélèvement est " assis sur les revenus du patrimoine des personnes assujetties, indépendamment de l'exercice par ces dernières de toute activité professionnelle " et, d'autre part, que " l'élément déterminant aux fins de l'application du règlement n° 1408/71 réside dans le lien, direct, et suffisamment pertinent, que doit présenter la disposition en cause avec les lois qui régissent les branches de sécurité sociale énumérées à l'article 4 du règlement n° 1408/71 ", " le critère déterminant étant celui de l'affectation spécifique d'une contribution au financement d'un régime de sécurité sociale " ; que les dispositions de ce règlement ont été reprises dans le règlement CE n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ; qu'il résulte de l'interprétation donnée par la Cour de justice de l'Union européenne que les cotisations supplémentaires de CSG et de CRDS, assises sur des revenus de remplacement et notifiées à Mme C...entrent dans le champ du règlement du Conseil du 29 avril 2004 dès lors qu'elles participent au financement de régimes obligatoires français de sécurité sociale ; qu'il suit de là qu'elles sont soumises au principe d'unicité de législation et au principe d'interdiction de double cotisation invoqués ;

12. Considérant cependant que Mme C...n'établit ni qu'elle était affiliée au régime de sécurité sociale suisse durant les années 2011, 2012 et 2013, ni que les rentes vieillesse qu'elle a perçues au cours de ces années en sa qualité de conjoint survivant ont fait l'objet, en Suisse, d'un prélèvement social ; que la requérante ne peut, au surplus, utilement se prévaloir de la circonstance que son défunt mari aurait cotisé au régime de sécurité sociale suisse dès lors que les revenus d'activité sur lesquels auraient été assises les cotisations versées par lui pour la constitution de son droit à pension ne sont pas de même nature que les pensions sur lesquelles sont assises les cotisations litigieuses ; que Mme C... n'est, par suite, pas fondée à soutenir que les cotisations de CSG et de CRDS dues au titre des années 2011, 2012 et 2013 ont été recouvrées en méconnaissance du principe d'unicité de législation et du principe prohibant les doubles cotisations ;

13. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du 2 de l'article 33 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 dans sa rédaction issue du règlement (CEE) n° 2332/89 du Conseil, du 18 juillet 1989 : " Lorsque, dans les cas visés à l'article 28 bis, le titulaire d'une pension ou d'une rente est soumis, du fait de sa résidence, à cotisations ou retenues équivalentes pour la couverture des prestations de maladie et de maternité en vertu de la législation de l'État membre sur le territoire duquel il réside, ces cotisations ne sont pas exigibles " ; qu'aux termes du 2 de l'article 30 du règlement (CEE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 : " Lorsque, dans les cas visés à l'article 25, le titulaire de pension doit verser des cotisations, ou lorsque le montant correspondant doit être retenu, pour la couverture des prestations de maladie, de maternité et de paternité assimilées, selon la législation de l'État membre dans lequel il réside, ces cotisations ne peuvent pas être recouvrées du fait de son lieu de résidence " ;

14. Considérant que les règles susénoncées constituent l'application d'un principe plus général selon lequel le titulaire d'une pension ou d'une rente ne peut pas se voir réclamer, du fait de sa résidence sur le territoire d'un État membre, des cotisations d'assuré obligatoire pour la couverture de prestations prises en charge par une institution d'un autre État membre (CJCE 10 mai 2001, Rundgren, aff. C-389/99) ;

15. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les pensions en litige perçues par Mme C...correspondent au versement de la rente vieillesse prévue par l'article 18 de la loi n° 831-10 de l'Assemblée fédérale de la Confédération suisse sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 en sa qualité de conjoint survivant ; que, comme il a été dit précédemment, Mme C...n'établit ni qu'elle était affiliée en 2011, 2012 et 2013 au régime de sécurité sociale suisse ni que les rentes vieillesse qu'elle a perçues au cours de ces années en sa qualité de conjoint survivant ont fait l'objet, en Suisse, d'un prélèvement social ; qu'elle ne peut, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12, utilement se prévaloir du paiement, par son défunt mari de cotisations à la branche vieillesse du régime de sécurité sociale suisse ; que, dans ces conditions, Mme C...n'est pas fondée à soutenir qu'elle a bénéficié durant ces années d'une couverture par le régime de sécurité sociale suisse de prestations pour lesquelles l'État français ne pourrait pas lui réclamer, du fait de sa résidence en France, des cotisations d'assuré obligatoire ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le principe énoncé au point 14 ferait obstacle à la soumission des pensions en cause à la CSG et à la CRDS ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et, sans qu'il soit besoin de poser à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle, que Mme C...n'est fondée, ni à demander la décharge de la cotisation supplémentaire de CSG à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus de sa demande ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Mme C...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 12 avril 2016 est annulé en tant qu'il a rejeté comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître la demande de Mme C...de décharge de la cotisation de contribution sociale généralisée à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011.

Article 2 : La demande de Mme C...en tant qu'elle tend à la décharge de la cotisation de contribution sociale généralisée à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011 et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 16NC01190


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award