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04/07/2017 | FRANCE | N°16NC00989

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2017, 16NC00989


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Brieulles-sur-Meuse a refusé de procéder à la régularisation d'une emprise irrégulière sur un terrain lui appartenant et de condamner la commune à lui verser la somme de 2 340 euros en réparation des conséquences de cette emprise irrégulière.

Par un jugement n° 1501077 du 29 mars 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Brieulles-sur-Meuse a refusé de procéder à la régularisation d'une emprise irrégulière sur un terrain lui appartenant et de condamner la commune à lui verser la somme de 2 340 euros en réparation des conséquences de cette emprise irrégulière.

Par un jugement n° 1501077 du 29 mars 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 mai 2016, M. C... B..., représenté par la SELAS Devarenne Associés Grand Est, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 29 mars 2016 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Brieulles-sur-Meuse a refusé de procéder à la régularisation d'une emprise irrégulière sur un terrain lui appartenant ;

3°) d'ordonner la démolition de l'ouvrage et la remise en état des parcelles, ou, à titre subsidiaire, d'ordonner à la commune de régulariser soit l'acquisition de la parcelle litigieuse soit l'établissement d'une servitude sur cette parcelle ;

4°) de condamner la commune de Brieulles-sur-Meuse à lui verser une somme globale de 8 653,60 euros, ainsi que les sommes de 500 euros et de 300 euros par mois depuis juillet 2013, assorties des intérêts à compter du 4 juillet 2013 et de la capitalisation des intérêts, au titre du préjudice de jouissance et des pertes d'exploitation causés par l'emprise irrégulière dont il a été victime ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Brieulles-sur-Meuse le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est justifié de l'emprise irrégulière alléguée ;

- les travaux en litige n'ont pas permis de mettre fin aux désordres tenant à l'écoulement des eaux pluviales sur la route départementale 123 ;

- il est fondé à demander l'indemnisation intégrale de ses préjudices.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2016, la commune de Brieulles-sur-Meuse conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la demande de première instance était irrecevable et que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- et les observations de Me A...représentant M. B....

1. Considérant que la commune de Brieulles-sur-Meuse a entrepris, pendant l'été 2013, des travaux destinés à permettre l'évacuation des eaux pluviales qui provoquaient des inondations sur la route départementale 123 ; que les travaux ont consisté en la remise en état d'un fossé situé le long de cette route, avec installation de buses destinées à conduire les eaux pluviales dans la vallée, à 15 mètres du fleuve Meuse ; que M.B..., estimant que ces travaux avaient empiété sur son terrain a demandé au maire de procéder à la régularisation de la situation ; que le maire ayant implicitement rejeté cette demande, M. B...a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet, à la condamnation de la commune à l'indemniser des conséquences de l'emprise irrégulière et à ce qu'il soit enjoint à la commune, à titre principal de procéder à la démolition de l'ouvrage ou, à titre subsidiaire, à la régularisation de la situation ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction en vigueur à la date d'enregistrement de la demande de première instance : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée " ;

3. Considérant qu'en vertu de ces dispositions, M. B...pouvait saisir le tribunal d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commune de Brieulles-sur-Meuse a refusé de régulariser l'emprise irrégulière résultant de la réalisation de travaux publics, sans condition de délai ;

4. Considérant qu'en vertu de ces mêmes dispositions, les conclusions de M. B...tendant à ce que la commune de Brieulles-sur-Meuse soit condamnée à l'indemniser des préjudices résultant pour lui des travaux publics destinés à permettre l'évacuation des eaux pluviales le long de la route départementale 123, étaient recevables même en l'absence de demande préalable d'indemnité adressée à la commune ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les parents de M. B...ont acquis auprès de la SNCF la parcelle cadastrée ZO n°144, devenue parcelle ZO n°168 et 170 par acte de vente du 21 février 1992 ; que M. B...indique, sans être utilement contredit avoir hérité cette parcelle de ses parents ; qu'il justifie ainsi d'un intérêt à agir dans la présente instance ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Brieulles-sur-Meuse n'est pas fondée à soutenir que la demande de M. B...n'était pas recevable ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime : " Il est institué au profit des collectivités publiques, des établissements publics ou des concessionnaires de services publics qui entreprennent des travaux d'établissement de canalisations d'eau potable ou d'évacuation d'eaux usées ou pluviales une servitude leur conférant le droit d'établir à demeure des canalisations souterraines dans les terrains privés non bâtis, excepté les cours et jardins attenant aux habitations. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 152-1 du même code : " Les personnes publiques définies au premier alinéa de l'article L. 152-1 et leurs concessionnaires, à qui les propriétaires intéressés n'ont pas donné les facilités nécessaires à l'établissement, au fonctionnement ou à l'entretien des canalisations souterraines d'eau potable ou d'évacuation d'eaux usées ou pluviales, peuvent obtenir l'établissement de la servitude prévue audit article, dans les conditions déterminées aux articles R. 152-2 à R. 152-15 "

8. Considérant que M. B...indique dans ses écritures que l'ouvrage public constitué du fossé et des buses est partiellement installé sur les parcelles cadastrées ZO 168 et 170 qu'il a héritées de ses parents ; qu'il produit en appel un constat d'huissier accompagné de photographies selon lequel " effectivement (...) le fossé d'évacuation des eaux pluviales et la buse empiètent sur les parcelles cadastrées section ZO n° 168 et n°170 " ; que si un second constat produit en appel par la commune et réalisé par un autre huissier à partir des poteaux et fils déjà existants, permet d'établir qu'en réalité, l'exutoire de la buse n'est pas situé sur cette parcelle, ce même constat relève que le fossé traverse néanmoins la parcelle n°168, ce que la commune reconnaît également dans ces écritures ; que l'installation des buses dans ce fossé doit ainsi être regardée comme empiétant nécessairement sur la propriété de M.B... ;

9. Considérant que, contrairement à ce que soutient la commune, il ne résulte pas de l'instruction que M. B...aurait donné son accord pour la réalisation de ces travaux ; que si la commune soutient également qu'elle bénéficierait d'une servitude par l'effet de la prescription acquisitive, la seule circonstance que le fossé existait avant les travaux réalisés en 2013 ne saurait suffire à établir, en l'absence d'autre élément, qu'une servitude avait été instituée à son bénéfice lors de la cession du domaine public ferroviaire, intervenue d'ailleurs moins de trente ans avant les travaux litigieux ; que ni l'acte de vente du 21 février 1992 de la parcelle appartenant aujourd'hui à M. B... ni aucun autre élément du dossier ne permettent d'établir l'existence d'une servitude liée à l'existence de ce fossé ; que M. B...est, dès lors, fondé à soutenir que les travaux destinés à l'évacuation des eaux pluviales réalisés par la commune de Brieulles-sur-Meuse ont été irrégulièrement exécutés sur son terrain et qu'ils sont à l'origine d'une emprise irrégulière ;

10. Considérant que, lorsqu'un ouvrage public a été irrégulièrement implanté, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande en ce sens, d'examiner si une régularisation appropriée est possible et dans l'affirmative, de procéder à une telle régularisation, soit en procédant à l'acquisition de la parcelle litigieuse, soit, en ce qui concerne, comme en l'espèce, les canalisations d'eaux pluviales, à l'institution de la servitude mentionnée à l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la régularisation de la situation, par une mesure appropriée était impossible ; que, dans ces conditions, la commune de Brieulles-sur-Meuse ne pouvait légalement rejeter la demande de régularisation présentée par M. B... ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commune de Brieulles-sur-Meuse a rejeté sa demande de régularisation de l'emprise irrégulièrement constituée sur son terrain ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'eu égard au motif retenu au point 10 ci-dessus, l'annulation de la décision implicite rejetant la demande de régularisation présentée par M.B..., n'implique pas la démolition de l'ouvrage mais seulement que la commune de Brieulles-sur-Meuse prenne les mesures de nature à régulariser l'emprise irrégulière sur le terrain appartenant à M.B..., que ce soit par l'acquisition de la parcelle ou par l'établissement de la servitude prévue à l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime ; qu'il y a lieu de lui enjoindre de procéder à cette régularisation dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions indemnitaires :

13. Considérant que M. B...demande le remboursement des frais de courriers divers à hauteur de 2 193,60 euros ainsi que des frais d'huissier pour un montant de 620 euros ; qu'il ne justifie pas avoir exposé de tels frais ;

14. Considérant que M. B...demande également à être indemnisé du préjudice de jouissance, du préjudice moral et des pertes d'exploitations qu'il subirait du fait de l'emprise irrégulière ; qu'il ne produit aucun élément de nature à établir la réalité de ces préjudices alors d'ailleurs qu'il résulte de l'instruction que les travaux litigieux n'empiètent que très légèrement sur la bordure de sa parcelle ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Brieulles-sur-Meuse demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune le versement à M. B...d'une somme de 2 040 euros, incluant les frais de géomètre pour un montant de 540 euros, sur le fondement des mêmes dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : La décision implicite du maire de Brieulles-sur-Meuse rejetant la demande de régularisation présentée par M. B...est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la commune de Brieulles-sur-Meuse de procéder, dans les conditions énoncées au point 12 du présent arrêt, à la régularisation de l'emprise irrégulière sur le terrain de M. B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 29 mars 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune de Brieulles-sur-Meuse versera à M. B... une somme de 2 040 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et à la commune de Brieulles-sur-Meuse.

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N° 16NC00989


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00989
Date de la décision : 04/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-04-04-01 Droits civils et individuels. Droit de propriété. Actes des autorités administratives concernant les biens privés. Voie de fait et emprise irrégulière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: Mme Julie KOHLER
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : SELAS CABINET DEVARENNE ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-07-04;16nc00989 ?
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