Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...E...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C.
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Charente-Maritime et la CPAM de la Haute-Marne, venant aux droits de la CPAM des Ardennes, ont également demandé au tribunal de mettre à la charge de l'ONIAM et, subsidiairement, de l'Etablissement français du sang le remboursement des débours exposés.
Par un jugement n° 1000027 du 15 décembre 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a mis à la charge de l'ONIAM une somme de 63 900 euros à verser à Mme E....
Il a également mis à la charge de l'ONIAM une somme de 24 274,06 euros à verser à la CPAM de Charente-Maritime, ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de 1 037 euros, et une somme de 143 235,05 euros à verser à la CPAM de la Haute-Marne, venant aux droits de la CPAM des Ardennes, ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de 1 037 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 février 2016, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me B... et MeF..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 15 décembre 2015 en tant qu'il l'a condamné à verser à la CPAM de Charente-Maritime et à la CPAM de la Haute-Marne, venant aux droits de la CPAM des Ardennes, les sommes correspondant aux débours exposés par ces caisses ;
2°) de rejeter les demandes présentées par la CPAM de Charente-Maritime et la CPAM de la Haute-Marne, venant aux droits de la CPAM des Ardennes, devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de la CPAM de Charente-Maritime et de la CPAM de la Haute-Marne, venant aux droits de la CPAM des Ardennes, une somme de 1 200 euros chacune, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'office soutient que :
- à défaut d'identification du centre de transfusion sanguine de provenance des produits, il ne dispose pas d'action en garantie contre l'assureur d'un centre de transfusion sanguine ou de l'Etablissement français du sang ; par conséquent, aucune action subrogatoire des tiers payeurs à son encontre n'est possible ;
- à titre subsidiaire, le lien de causalité entre les pensions d'invalidité perçues par Mme E... et sa contamination par le virus de l'hépatite C n'est pas établi.
Par un mémoire, enregistré le 18 mars 2016, l'Etablissement français du sang, représenté par MeD..., demande sa mise hors de cause.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2016, la CPAM de la Haute-Marne, venant aux droits de la CPAM des Ardennes, représentée par la SCP Delgenes, Vaucois, Justine, Delgenes, conclut au rejet de la requête, au motif qu'aucun des moyens invoqués par l'ONIAM n'est fondé, et à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2016, la CPAM de Charente-Maritime, représentée par MeA..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la condamnation de l'ONIAM, et subsidiairement de l'Etablissement français du sang, à lui verser une somme de 29 843,28 euros en remboursement de ses débours, ainsi que 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
3°) à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La CPAM de Charente-Maritime soutient que :
- l'ONIAM n'établit pas qu'il n'est pas en mesure d'exercer une action subrogatoire contre les assureurs des centres de transfusion sanguine de Nantes et de La Rochelle ;
- une somme de 29 843,28 euros doit lui être versée au titre des débours qu'elle a exposés.
Par un mémoire enregistré le 28 avril 2017, l'ONIAM demande à la cour de surseoir à statuer dans l'attente d'une réponse à un courrier adressé à la SMACL le 14 mars 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, en particulier son article 67, tel que modifié par l'article 72 de la loi n°2012-1404 du 17 décembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fuchs,
- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
1. Considérant qu'une sérologie réalisée en juin 1997 a révélé la contamination de Mme E...par le virus de l'hépatite C, à l'origine d'une cirrhose ; que par un arrêt n° 1201990 du 5 décembre 2013, la présente cour a confirmé que les conséquences dommageables de cette contamination par le virus de l'hépatite C devaient être mises à la charge de l'ONIAM et a rejeté la demande tendant à l'annulation du jugement en tant que les premiers juges avaient ordonné une expertise médicale complémentaire afin de déterminer les préjudices de la victime ; qu'après la remise du rapport d'expertise le 18 novembre 2013 et du rapport de l'expert-comptable le 26 janvier 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, par le jugement attaqué du 15 décembre 2015, statué sur le montant des préjudices mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ; que l'office relève appel de ce jugement en tant que, en ses articles 2 et 3, il le condamne à verser, d'une part, à la caisse primaire d'assurance maladie de Charente-Maritime une somme de 24 274,06 euros au titre des débours et de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne, venant aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, une somme de 143 235,05 euros au titre des débours et de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ; que, par la voie de l'appel incident, la caisse primaire d'assurance maladie de Charente-Maritime demande que soit actualisé le montant des débours versés à Mme E... ;
Sur les conclusions d'appel principal de l'ONIAM :
En ce qui concerne l'action subrogatoire des tiers payeurs :
2. Considérant, en premier lieu, que le I de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 a introduit, dans le code de la santé publique, un article L. 1221-14 qui confie à l'ONIAM l'indemnisation, au titre de la solidarité nationale, des victimes de préjudices résultant d'une contamination par le VHC causée par une transfusion de produits sanguins ou par une injection de médicaments dérivés du sang ; que le I de l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 a complété cet article par une disposition prévoyant que l'office et les tiers payeurs peuvent, après avoir indemnisé la victime, exercer une action subrogatoire contre l'Etablissement français du sang (EFS) venu aux droits et obligations des établissements de transfusion sanguine à la condition que l'établissement de transfusion sanguine ait été assuré et que sa couverture d'assurance ne soit pas épuisée ou venue à expiration ; que l'ensemble de ces dispositions est entré en vigueur le 1er juin 2010 ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que le IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 prévoit que l'ONIAM est substitué à l'EFS dans les contentieux en cours à la date d'entrée en vigueur de cette loi, portant sur les préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique et n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ; que le II de l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012 a inséré à la suite de ces dispositions un dernier alinéa aux termes duquel : " Les tiers payeurs ne peuvent exercer d'action subrogatoire contre l'office si l'établissement de transfusion sanguine n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou encore dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré " ; que l'ensemble de ces dispositions est applicable aux actions juridictionnelles en cours à la date du 1er juin 2010 ;
4. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions rappelées aux points 2 et 3 que, s'agissant des litiges en cours au 1er juin 2010, l'ONIAM est substitué en toute hypothèse à l'EFS à l'égard tant des victimes que des tiers payeurs, ces derniers ne pouvant toutefois engager une action subrogatoire à l'égard de l'office que si l'établissement de transfusion sanguine à l'origine du dommage était assuré et que sa couverture d'assurance n'est pas épuisée ou venue à expiration ;
5. Considérant, par ailleurs, qu'il résulte des travaux parlementaires de la loi du 17 décembre 2012 que, lorsque le législateur a subordonné les recours subrogatoires des " tiers payeurs " dirigés contre l'EFS, en application de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, ou contre l'ONIAM, en application du IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, à la condition que la couverture d'assurance d'un établissement de transfusion sanguine puisse être mise en jeu, il n'a entendu viser que les seuls " tiers payeurs " débiteurs des prestations énumérées à l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 visée ci-dessus ;
6. Considérant que, dans le cas visé aux points 4 et 5, l'ONIAM, qui a indemnisé la victime, ne peut être condamné à rembourser les débours exposés par la caisse primaire d'assurance maladie au profit de son assuré social victime d'une contamination transfusionnelle par le VHC que lorsque cet office peut lui-même bénéficier d'une garantie par les assureurs des structures reprises par l'Etablissement français du sang et par les assureurs de l'établissement lui-même ; qu'une telle garantie n'est possible qu'à la condition, d'une part, que le ou les centres de transfusions sanguines fournisseurs du ou des produits effectivement administrés à la victime soient identifiés et, d'autre part, qu'ils soient assurés, que leur couverture d'assurance ne soit pas épuisée ou encore que le délai de validité de cette couverture ne soit pas expiré ;
7. Considérant que la présente cour, dans l'arrêt précité du 5 décembre 2013, a mis à la charge de l'ONIAM l'indemnisation des préjudices résultant de la contamination de Mme E... par le virus de l'hépatite C au bénéfice de la présomption instituée par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, la cour soulignant que s'il est établi que Mme E... a été l'objet de transfusions au cours du mois de mai 1983 au centre hospitalier de Nantes, aucun élément n'a permis d'identifier précisément ces transfusions ou leur origine ; qu'en revanche, il résulte de l'enquête transfusionnelle réalisée par l'EFS dans le cadre de la procédure amiable d'indemnisation que les produits sanguins litigieux ont tous été préparés par le centre de transfusion sanguine de Nantes ; que l'ONIAM, qui ne conteste pas venir aux droits de ce centre de transfusion, n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'origine de ces produits sanguins ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, notamment du courrier adressé le 28 janvier 2014 par l'EFS à son assureur, et il n'est pas sérieusement soutenu par l'office requérant, que la couverture d'assurance du centre de transfusion serait insuffisante ou que la date de validité de celle-ci serait expirée ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, que l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que les tiers payeurs ne peuvent pas exercer l'action subrogatoire prévue par l'article 67 précité de la loi du 17 décembre 2008 ;
En ce qui concerne l'imputabilité au dommage des débours exposés au titre de l'invalidité par la CPAM des Ardennes :
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme E...a bénéficié d'une pension d'invalidité de catégorie 1 entre 1985 et mars 2001 ; qu'elle a, par la suite, bénéficié d'une pension d'invalidité de catégorie 2 ; que l'ONIAM conteste l'imputabilité de ces débours à la contamination par le virus de l'hépatite C ; qu'il résulte de l'instruction que la victime a été atteinte, en 1982, par la maladie de Hodgkin et a subi à cette occasion un traitement très lourd ; que l'hépatite dont souffre l'intéressée n'a été diagnostiquée qu'en 1997 ; que par l'attestation d'imputabilité qu'elle produit, qui se borne à indiquer que " l'invalidité est imputable à la pathologie " sans plus de précision, et en dépit d'une mesure d'instruction en ce sens, la CPAM de la Haute-Marne, venant aux droits de la CPAM des Ardennes, n'apporte aucun élément de nature à établir que la rente d'invalidité d'un montant de 97 122,12 euros dont elle demande le remboursement serait exclusivement ou partiellement en lien avec la contamination de Mme E... par le virus de l'hépatite C ;
10. Considérant qu'il en résulte de ce qui précède que le montant que l'ONIAM a été condamné à verser à la CPAM de la Haute-Marne, venant aux droits de la CPAM des Ardennes, par les premiers juges doit être limité à une somme de 46 112,93 euros ;
Sur les conclusions d'appel incident de la CPAM de Charente-Maritime :
11. Considérant, en premier lieu, que la CPAM de Charente-Maritime se borne à reprendre en appel sa demande tendant au remboursement, pour une somme totale de 5 569,22 euros, de frais de pharmacie, de consultations pour prescrire les actes de biologie et d'infirmière pour prélèvements de biologie ; qu'elle n'apporte aucun élément nouveau, alors même que les premiers juges n'ont pas fait droit à cette demande au motif de l'absence de tout détail de ces frais en dépit de l'expertise comptable diligentée ; qu'il y a lieu de rejeter cette demande par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
12. Considérant, en second lieu, que la CPAM de Charente-Maritime demande que soit revalorisée la somme que l'ONIAM a été condamnée à lui verser au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ; qu'il y a lieu de porter cette somme de 1 037 euros à 1 055 euros, conformément aux dispositions de l'arrêté du 6 décembre 2016 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
Sur les conclusions de l'Etablissement français du sang tendant à sa mise hors de cause :
13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 5 que l'ONIAM s'est substitué à l'EFS dans le cadre de la présente procédure ; que, dès lors, les conclusions de l'Etablissement français du sang tendant à être mis hors de cause dans la présente instance doivent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'ONIAM la somme demandée par les caisses primaires d'assurance maladie de Charente-Maritime et de la Haute-Marne au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre conjointement à la charge des caisses primaires d'assurance maladie de Charente-Maritime et de la Haute-Marne une somme totale de 1 500 euros, à verser à l'ONIAM, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : L'Etablissement français du sang est mis hors de cause.
Article 2 : La somme que l'ONIAM est condamné à verser à la CPAM de la Haute-Marne, venant aux droits de la CPAM des Ardennes, est limitée à 46 112,93 euros.
Article 3 : La somme que l'ONIAM est condamné à verser à la CPAM de Charente-Maritime sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale est portée à 1 055 euros.
Article 4 : Le jugement est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Les caisses primaires d'assurance maladie de Charente-Maritime et de la Haute-Marne verseront à l'ONIAM une somme totale de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne venant aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, à la caisse primaire d'assurance maladie de Charente-Maritime et à l'Etablissement français du sang.
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N° 16NC00320