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04/07/2017 | FRANCE | N°16NC00283

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2017, 16NC00283


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées (SAS) Conflans Distribution (Conf-Dist) a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 6 décembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision de l'inspectrice du travail du 28 mai 2013 refusant d'autoriser le licenciement pour faute de Mme C....

Par un jugement n° 1400296 du 8 décembre 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées (SAS) Conflans Distribution (Conf-Dist) a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 6 décembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision de l'inspectrice du travail du 28 mai 2013 refusant d'autoriser le licenciement pour faute de Mme C....

Par un jugement n° 1400296 du 8 décembre 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 février 2016 et 29 mars 2016, la société Conf-Dist, représentée par la SCP Piwnica et Molinié, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 8 décembre 2015 ;

2°) d'annuler la décision de l'inspectrice du travail du 28 mai 2013 et la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 6 décembre 2013 ;

3°) d'enjoindre au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social de réexaminer sa demande d'autorisation de licenciement de Mme C...dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- les faits commis par Mme C...rendent impossible son maintien dans l'entreprise du fait de la gravité de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise ;

- les faits de violence commis par Mme C...sont établis ;

- l'agression commise par Mme C...le 5 mars 2013, qui constitue une atteinte à la sécurité et à la santé d'une autre salariée, traduit une méconnaissance par l'intéressée des obligations découlant de son contrat de travail ; ces faits sont de nature à justifier un licenciement pour faute ;

- les nouveaux faits d'agression commis par Mme C...le 17 avril 2013 sont de nature à démontrer le comportement violent dont l'intéressée est capable de faire preuve.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2016, Mme B...C..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Conf-Dist au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Conf-Dist ne sont pas fondés.

La ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social n'a pas produit de défense en dépit d'une mise en demeure adressée le 24 mai 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dhiver,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Croizier, avocat de la société Conf-Dist.

1. Considérant que la société Conflans Distribution (Conf-Dist), qui exploite un hypermarché sous l'enseigne E. Leclerc à Conflans-en-Jarnisy (Meurthe-et-Moselle), emploie Mme C... en qualité de comptable ; que cette dernière exerce par ailleurs les mandats représentatifs de déléguée unique du personnel, de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et de conseiller prud'homal ; que, par un courrier du 19 avril 2013, la société Conf-Dist a sollicité l'autorisation de licencier Mme C...pour faute grave ; que, par une décision du 28 mai 2013, l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser ce licenciement ; que, saisi par la société Conf-Dist d'un recours hiérarchique, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision de l'inspectrice du travail par une décision du 6 décembre 2013 ; que la société Conf-Dist relève appel du jugement du 8 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 28 mai 2013 et 6 décembre 2013 ;

2. Considérant que la société Conf-Dist a sollicité l'autorisation de procéder au licenciement disciplinaire de Mme C...au motif qu'elle avait, lors de la réunion du CHSCT du 5 mars 2013, agressé verbalement et physiquement la directrice des ressources humaines de l'entreprise qui présidait le comité ; que la société requérante fait également état, dans sa demande du 19 avril 2013, de ce que Mme C...s'en était pris physiquement un membre du comité d'entreprise lors de la réunion extraordinaire de ce comité du 17 avril 2013 ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont établis et s'ils sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'un agissement du salarié intervenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la réunion du CHSCT du 5 mars 2013 s'est tenue dans un contexte d'extrême tension lié aux conditions de mise en fonctionnement des caméras de vidéosurveillance dans l'entreprise ; que, lors de cette réunion, à laquelle assistaient l'inspectrice du travail et un représentant de la CARSAT, la présidente du CHSCT a fait part du refus réitéré du PDG de la société de permettre l'accès du comité au local PC sécurité où se situe le système de protection de l'entreprise ; que Mme C...a produit en première instance le compte rendu de la réunion du 5 mars 2013 dont la société Conf-Dist ne remet pas en cause l'exactitude des éléments qu'il contient ; qu'il ressort de ce compte rendu, qui a été établi à partir de l'enregistrement au magnétophone de la réunion, que, après que la présidente du CHSCT a opposé un nouveau refus catégorique d'organiser une visite du PC sécurité, Mme C...s'est verbalement emportée puis s'est effondrée psychologiquement et a brutalement quitté la réunion ; que ce compte rendu ne fait état d'aucune menace verbale ou physique dont Mme C...aurait fait preuve envers la présidente du CHSCT ; que si la société Conf-Dist fait valoir qu'elle n'a pas eu accès à l'enregistrement de la réunion, il ressort des pièces du dossier qu'une retranscription de cet enregistrement a été remise à la directrice régionale adjointe du travail, chargée d'une enquête dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique qui, dans sa note de synthèse du 27 septembre 2013, confirme l'exactitude du déroulé de la réunion tel qu'il est décrit dans le compte rendu du 5 mars 2013 ; qu'en outre, l'inspectrice du travail, qui assistait à la réunion du CHSCT, a indiqué, aussi bien dans son rapport du 20 août 2013 à la directrice régionale adjointe du travail que lors de son audition par les services de police le 23 septembre 2013, que Mme C... n'avait pas agressé verbalement ou physiquement la présidente du CHSCT lors de la réunion du 5 mars 2013 et, contrairement à ce que prétend la société Conf-Dist, qu'elle n'avait ni proféré d'insultes à l'égard de la présidente du CHSCT ni tenté de lancer une table dans sa direction ; que l'absence de toute parole ou tout geste de cette nature est aussi confirmée par le représentant de la CARSAT, également présent à la réunion ; que le témoignage de la présidente du CHSCT, dont la société Conf-Dist se prévaut, ne suffit pas à lui-seul à remettre en cause l'exactitude des événements tels qu'ils sont retranscrits dans le compte rendu du CHSCT et décrits par l'inspectrice du travail et le représentant de la CARSAT ; qu'ainsi, la société requérante n'établit pas la réalité des faits de violence du 5 mars 2013 sur lesquels elle a entendu se fonder pour demander l'autorisation de licencier MmeC... ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. / La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. / L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation " ; qu'aux termes de l'article L. 1232-3 du même code : " Au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié. " ; que s'il résulte de ces dispositions que l'employeur est tenu, lors de l'entretien préalable, d'indiquer au salarié les motifs du licenciement envisagé contre lui, et que, dès lors, l'inspecteur du travail ne peut retenir des griefs qui n'ont pas été indiqués au salarié, l'inspecteur du travail peut toutefois légalement accorder l'autorisation de licenciement demandée lorsqu'une partie seulement des griefs reprochés à l'intéressé a été évoquée au cours de l'entretien préalable, à la condition que les griefs évoqués présentent, à eux seuls, une gravité suffisante pour justifier une telle décision ;

6. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que l'attitude de Mme C... lors de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 17 avril 2013 n'a pas été évoquée lors de l'entretien préalable qui a eu lieu le 18 mars 2013 ; que, dans ces conditions, ce grief ne pouvait pas à lui seul justifier le licenciement de l'intéressée ;

7. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus, qu'à défaut d'en démontrer la matérialité, les faits du 5 mars 2013 ne pouvaient être retenus pour autoriser le licenciement pour faute de MmeC... ; que, pour le même motif, la société Conf-Dist ne peut en tout état de cause pas soutenir que ces faits seraient de nature à rendre impossible le maintien de Mme C...dans l'entreprise ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Conf-Dist n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Conf-Dist demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante une somme de 1 500 euros à verser à Mme C...sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Conf-Dist est rejetée.

Article 2 : La société Conf-Dist versera à Mme C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Conflans Distribution, à Mme B...C...et à la ministre du travail.

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N° 16NC00283


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00283
Date de la décision : 04/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP PIWNICA MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-07-04;16nc00283 ?
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