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22/06/2017 | FRANCE | N°16NC01719

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 22 juin 2017, 16NC01719


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

La société anonyme (SA) Escal a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006, 2007 et 2008 ainsi que des pénalités correspondantes.

La société anonyme (SA) Escal a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a été ass

ujettie au titre de l'année 2009 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

La société anonyme (SA) Escal a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006, 2007 et 2008 ainsi que des pénalités correspondantes.

La société anonyme (SA) Escal a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1501934,1501935 du 23 juin 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales mises à la charge de la SA Escal au titre de l'année 2009 ainsi que la décharge des majorations correspondantes et a rejeté sa demande de décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006, 2007 et 2008 ainsi que des pénalités dont ces droits ont été assortis.

La SA Escal a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des retenues à la source opérées sur des sommes qu'elle a versées à la société suisse Sovex Trade et Finance au titre des années 2006, 2007 et 2008.

Par un jugement n° 1501482 du 23 juin 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des retenues à la source opérées sur des sommes que la SA Escal a versées à la société suisse Sovex Trade et Finance au titre des années 2006, 2007 et 2008.

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés sous le n° 16NC01717, les 3 août 2016 et 16 mai 2017, la SA Escal, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 1501934,1501935 du 23 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande de décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006, 2007 et 2008 ainsi que des pénalités dont ces droits ont été assortis ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a porté atteinte au principe du contradictoire et aux exigences de loyauté en ignorant volontairement la pertinence de ses observations ;

- elle a commis un abus de droit rampant en regardant la société Sovex comme fictive ;

- c'est à tort que le service a refusé d'admettre en déduction les dépenses de travaux effectuées sur la toiture de l'immeuble dès lors qu'il s'est agi de simples travaux d'entretien ;

- c'est à tort que le service a remis en cause les provisions pour dépréciation de matières premières et de produits finis dès lors qu'elle justifie du risque de non commercialisation et de péremption et du calcul des provisions avec une approximation suffisante ;

- c'est à tort que le service a considéré que les sommes payées à la société Sovex pour l'achat de matières premières et la réalisation d'un travail à façon sur les escargots étaient anormalement élevées et étaient par suite constitutives d'un acte anormal de gestion et d'un transfert indirect de bénéfices.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut et au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

II.) Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés sous le n° 16NC01719, le 3 août 2016 et 16 mai 2017, la SA Escal, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501482 du tribunal administratif de Strasbourg du 23 juin 2016 ;

2°) de prononcer la décharge des retenues à la source opérées sur des sommes qu'elle a versées à la société suisse Sovex Trade et Finance au titre des années 2006, 2007 et 2008 ainsi que des pénalités dont ces droits ont été assortis ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a porté atteinte au principe du contradictoire et aux exigences de loyauté en ignorant volontairement la pertinence de ses observations ;

- c'est à tort que le service a considéré que les sommes payées à la société Sovex pour l'achat de matières premières et la réalisation d'un travail à façon sur les escargots étaient anormalement élevées et étaient par suite constitutives d'un acte anormal de gestion et d'un transfert indirect de bénéfices ; ces sommes ne pouvaient pas en conséquence être regardées comme des revenus distribués devant donner lieu à l'application d'une retenue à la source.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que l'argumentation présentée par la société requérante n'est pas fondée.

Vu :

- les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Etienvre,

- et les conclusions de Mme Peton-Philippot, rapporteur public.

1. Considérant que la société anonyme (SA) Escal, qui exerce une activité de préparation culinaire d'escargots, de divers produits de la mer et de spécialités alimentaires, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale l'a informée qu'elle envisageait de procéder notamment à la rectification des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2006, 2007, 2008 et 2009 ainsi qu'à des retenues à la source au titre des années 2006, 2007 et 2008 ; que, par jugement n° 1501934,1501935 du 23 juin 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles la SA Escal a été assujettie au titre de l'année 2009, prononcé la décharge des majorations correspondantes, mis à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté la demande de décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles la SA Escal a été assujettie au titre des années 2006, 2007 et 2008 ainsi que des pénalités dont ces droits ont été assortis ; que, par requête, enregistrée sous le n° 16NC01717, la SA Escal relève appel de ce jugement en tant qu'il porte rejet du surplus de sa demande ; que, par jugement n° 1501482 du même jour, le tribunal a rejeté la demande de la SA Escal tendant à la décharge des retenues à la source opérées sur des sommes qu'elle a versées à la société suisse Sovex Trade et Finance au titre des années 2006, 2007 et 2008 ainsi que des pénalités dont ces droits ont été assortis ; que, par requête, enregistrée sous le n° 16NC01719, la SA Escal relève appel de ce second jugement ;

2. Considérant que les requêtes, enregistrées sous les n°s 16NC01717 et 16NC01719, sont présentées par la même société et tendent à juger des mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur les conclusions aux fins de décharge :

En ce qui concerne la déductibilité des dépenses de travaux réalisées sur la toiture d'un bâtiment :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apports et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances de tiers, les amortissements et les provisions justifiés " ; qu'aux termes de l'article 39 dudit code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant... notamment : 1° les frais généraux de toute nature (...) 2° les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation (...) " ;

4. Considérant que, pour l'application de ces dispositions, seuls peuvent être compris dans les frais généraux et constituer des charges d'un exercice déterminé les travaux de réparation et d'entretien qui concourent à maintenir en état d'usage ou de fonctionnement les différents éléments de l'actif immobilisé de l'entreprise ; qu'en revanche, ne peuvent être déduites du bénéfice imputable et peuvent seulement donner lieu à amortissement les dépenses qui entraînent normalement une augmentation de la valeur pour laquelle un élément immobilisé figure au bilan de l'entreprise ou qui ont pour effet de prolonger de manière notable la durée probable d'utilisation d'un élément de cette nature ; qu'il appartient au juge de l'impôt d'apprécier concrètement, eu égard à la nature et au contenu exact des travaux en cause, les effets des dépenses litigieuses sur la valeur des éléments de l'actif immobilisé de la société ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a refusé d'admettre comme charges déductibles des résultats des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 les dépenses engagées pour effectuer des travaux d'étanchéité de la couverture en fibrociment d'un bâtiment dont la société requérante est propriétaire et inscrit à son actif immobilisé pour respectivement 155 765 euros, 91 918 euros et 30 633 euros aux motifs que ces travaux ont consisté en l'entrée d'un nouvel élément dans l'actif immobilisé et ont augmenté la valeur de cet élément figurant au bilan de l'entreprise ;

6. Considérant que la société requérante soutient que ces travaux constituent des dépenses déductibles dès lors qu'il s'est agi de simples travaux d'entretien ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction et, en particulier des clichés photographiques versés au dossier, que l'installation sur la couverture existante d'une mousse pour aplanir celle-ci afin de permettre la pose d'une mince couche de goudron ne revêt pas le caractère de simples travaux d'entretien mais de travaux qui ont eu pour effet de prolonger de manière notable la durée d'utilisation de la toiture de l'immeuble ; que la société requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que c'est à tort que le service a refusé d'admettre la déduction des dépenses litigieuses ;

En ce qui concerne les provisions pour dépréciation du stock :

8. Considérant que la SA Escal a constitué le 31 décembre 2008 trois provisions en vue de la dépréciation de matières premières (2 350 886 euros), de produits finis (264 153 euros) et d'emballages (97 640 euros) soit une somme totale de 2 712 679 euros ; que le service a remis en cause les provisions de 2 350 886 euros et 264 153 euros au motif que le principe et le montant de ces dépréciations n'étaient pas justifiés ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables (...) " ; qu'aux termes de l'article 38 du même code : " (...) les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient (...) " ;

10. Considérant que, lorsqu'une entreprise constate que l'ensemble des matières ou produits qu'elle possède en stock ou une catégorie déterminée d'entre eux a, à la date de clôture de l'exercice, une valeur probable de réalisation inférieure au prix de revient, elle peut, à concurrence de l'écart constaté, soit opérer une décote, soit constituer une provision pour dépréciation ; qu'une telle provision ne peut cependant être admise que si l'entreprise est en mesure de justifier de la réalité de cet écart et d'en déterminer le montant avec une approximation suffisante ;

S'agissant de la provision pour dépréciation de matières premières :

11. Considérant que la société requérante soutient que c'est à tort que le service a remis en cause cette provision dès lors qu'elle justifie, d'une part, du risque de péremption de ses matières premières et, d'autre part, qu'elle a déterminé le montant de cette provision avec une approximation suffisante ;

12. Considérant que la SA Escal ne justifie pas qu'une partie des matières premières qu'elle détenait en stock ne pouvait pas être employée en raison de sa péremption ; que le document de synthèse remis au cours du contrôle, à supposer qu'il ait été effectivement établi à la clôture de l'exercice 2008, ne permet pas, notamment, d'établir que 17,35 % du stock de matières premières risquait à la date de clôture de l'exercice 2008 d'être périmé ; que le fait que son stock soit supérieur à la consommation annuelle théorique ne suffit pas davantage à justifier, de manière suffisamment précise, ce risque et, par suite, la probabilité de la perte alléguée ; que la SA Escal n'est, en conséquence, pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause la déduction de cette provision ;

S'agissant de la provision pour dépréciation du stock de produits finis :

13. Considérant que la société requérante soutient que c'est à tort que le service a remis en cause cette provision dès lors qu'elle justifie, d'une part, du risque de non commercialisation d'une partie de ces produits et, d'autre part, qu'elle a déterminé le montant de ladite provision avec une approximation suffisante ;

14. Considérant que la SA Escal ne justifie aucunement, en particulier, par la production du document de synthèse susmentionné, du risque qu'elle allègue de non commercialisation, en raison d'une péremption des produits ou de l'état du marché, de la valeur du stock qu'elle a provisionné ; que la SA Escal n'est, en conséquence, pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause la déduction de cette provision ;

En ce qui concerne les prix facturés par la société Sovex Trade et Finance :

15. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a procédé à la réintégration, dans les résultats imposables des exercices clos en 2006, 2007 et 2008, des sommes de 434 085 euros, 615 999 euros et 32 238 euros payées à la société de droit suisse Sovex Trade et Finance pour l'achat d'escargots et la réalisation de prestations à façon sur ces escargots au motif que le prix payé, anormalement élevé, était constitutif, d'une part, d'un acte anormal de gestion et, d'autre part, d'un transfert indirect de bénéfices au sens de l'article 57 du code général des impôts ;

16. Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale ; que le fait, pour une entreprise, d'acquérir des biens à un prix notablement supérieur à leur valeur réelle ne relève pas, en règle générale, d'une gestion normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage, l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que l'avantage consenti sans contrepartie à l'occasion de cette acquisition constitue un acte anormal de gestion, à concurrence de l'écart de prix stipulé, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;

17. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 57 du code général des impôts, rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés sur le fondement des dispositions du I de l'article 209 du même code : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières,, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France (...) " ;

18. Considérant que l'article 57 du code général des impôts n'institue de présomption de l'existence d'un transfert indirect de bénéfices par une société assujettie à l'impôt sur les sociétés en France vers l'étranger que lorsque l'administration fiscale a établi, d'une part, l'existence de liens de contrôle ou de dépendance entre cette société et des entreprises situées hors de France, sauf dans l'hypothèse, pour laquelle cette condition n'est pas exigée, où ces dernières sont établies dans un Etat étranger ou dans un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens du deuxième alinéa de l'article 238 A du code général des impôts, et, d'autre part, l'octroi d'avantages consentis par cette société à ces entreprises ; qu'il s'agit d'une présomption simple, que la société contribuable peut combattre en apportant la preuve que ces avantages ont été justifiés par l'obtention de contreparties aux moins équivalentes favorables à sa propre exploitation et ne constituent pas un transfert indirect de bénéfices ;

19. Considérant, en premier lieu, que, pour établir le caractère anormalement élevé du prix payé par la SA Escal à la société Sovex Trade et Finance au cours des exercices clos en 2006 et en 2007 et durant le mois de janvier 2008, pour l'acquisition d'escargots et la réalisation du travail à façon y afférente, l'administration fiscale se prévaut du niveau des prix, moins élevés, facturés à la SA Escal par une autre société fournisseur de produits culinaires à base d'escargots, la société Bioprod ;

20. Considérant que l'administration fiscale ne conteste pas que les prestations effectuées par la société Bioprod entre le mois de septembre 2008 et le mois de décembre 2008 étaient d'une nature différente de celles réalisées par la société Sovex ; qu'en particulier, elle ne conteste pas que la société Bioprod n'avait, contrairement à Sovex, ni à confectionner une farce assaisonnée au beurre et aux fines herbes ni à finir le produit avec un beurrage manuel ; que cet élément de comparaison ne peut, en conséquence, être retenu par l'administration fiscale pour justifier du caractère anormalement élevé des prix payés par la SA Escal ;

21. Considérant, en deuxième lieu, que si le ministre se prévaut également des prix facturés par la société de droit roumain Rolux à la société Sovex, la SA Escal soutient, sans être contredite, que ces prix ne correspondent pas à ceux du marché mais à des ventes à prix coûtant et qu'elle même ne pouvait pas directement se fournir auprès de la société Sovex;

22. Considérant, en troisième et dernier lieu, que l'administration fiscale fait valoir que les marges réalisées par la société Sovex ne sont pas justifiées économiquement dès lors que cette société, dont les moyens d'exploitation en Suisse étaient limités, n'effectue aucune prestation supplémentaire dans la confection des produits qui lui ont été livrés par la société de droit roumain Rolux et n'intervient finalement que pour émettre des factures ;

23. Considérant que l'intervention, dans un circuit de distribution, d'un intermédiaire ne suffit pas, par elle-même, à établir le caractère anormalement élevé des prix payés par la SA Escal par rapport au prix du marché ; qu'à cet égard, il résulte de l'instruction que la SA Escal a souhaité en 1999 développer une filière d'approvisionnement compétitive en Roumanie ; qu'il est constant que la société de droit suisse Sovex a acquis, dans ce cadre, une unité de production exploitée par la société de droit roumain Rolux dont elle détenait, depuis 2009, 100 % du capital ; qu'il résulte également de l'instruction que la société Sovex a consenti à la société roumaine d'importantes avances en 2006, 2007 et 2008 pour procéder à la modernisation de cette unité de production ; qu'en contrepartie du financement par la société Sovex de cette unité de production, la SA Escal s'est engagée à acheter la production de la société Rolux en consentant à celle-ci des avances sur l'achat des marchandises ; qu'à compter du mois de février 2008, la société Sovex s'est désengagée au profit de la filiale allemande de la SA Escal, la société Nutrana, laquelle a facturé à la SA Escal, avec des marges quasiment identiques, les produits acquis auprès de la société Rolux ; que dans le courant de l'année 2009, la société Sovex a cédé les parts qu'elle détenait dans le capital de la société Rolux aux actionnaires de la SA Escal ; que la mise en place de ce circuit d'approvisionnement a ainsi permis à la SA Escal de s'approvisionner, au cours de la période d'imposition en litige, en matières premières et en produits finis à des prix compétitifs ;

24. Considérant que, dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que l'administration fiscale n'apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, du caractère anormalement élevé des prix payés par la SA Escal à la société Sovex et, par suite, que c'est à tort que le service a procédé à la réintégration dans ses résultats imposables des sommes de 434 085 euros, 615 999 euros et 32 238 euros ;

En ce qui concerne les retenues à la source :

25. Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes " ; qu'aux termes du 2 de l'article 119 bis du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article 239 bis B, les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France " ;

26. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a estimé que les sommes de 434 085 euros, 615 999 euros et 32 238 euros constituaient des revenus distribués à la société Sovex Trade et Finance sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts ; que ces sommes ont, dès lors, donné lieu à l'application de la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts ;

27. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit au point 24, la SA Escal est fondée à soutenir que c'est à tort que les sommes de 434 085 euros, 615 999 euros et 32 238 euros ont été réintégrées dans ses résultats et ont été par suite regardées comme des revenus distribués donnant lieu à l'application de la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts ; que la SA Escal est fondée à demander la décharge des suppléments d'impôt correspondants ainsi que des pénalités dont ces droits ont été assortis ;

28. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA Escal est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits et pénalités auxquels elle a été assujettie au titre des années 2006, 2007 et 2008 consécutivement à la réintégration dans ses résultats des sommes de 434 085 euros, 615 999 euros et 32 238 euros ainsi que sa demande de décharge des retenues à la source mises à sa charge au titre des années 2006, 2007 et 2008 et des pénalités dont elles ont été assorties ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

29. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SA Escal et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Les résultats des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 sont réduits des sommes respectives de 434 085 euros, 615 999 euros et 32 238 euros.

Article 2 : Il est accordé à la société SA Escal la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales correspondant aux réductions en base prononcées à l'article ci-dessus ainsi que des pénalités dont ces droits ont été assortis.

Article 3 : Il est accordé à la société SA Escal la décharge des retenues à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006, 2007 et 2008 ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties.

Article 4 : Le jugement n° 1501482 du tribunal administratif de Strasbourg du 23 juin 2016 est annulé.

Article 5 : Le jugement n° 1501934,1501935 du 23 juin 2016 du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : L'État versera à la société SA Escal une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de la société SA Escal n° 16NC01717 est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la société SA Escal et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 16NC01717,16NC01719


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