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30/05/2017 | FRANCE | N°16NC00288

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 30 mai 2017, 16NC00288


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeD... I..., M. C...I..., M. E...I...et M. H...I..., ainsi que MM.A..., J...et B...G...et L...G..., ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à les indemniser des préjudices résultant de l'assassinat de Mme K...G...épouse I...et de la tentative d'assassinat dont M. H...I...a été victime.

Par un jugement nos 1305796, 1305797, 1305798, 1305799, 1305800, 1305801, 1305802, 1305803 du 16 décembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a joint et rejeté leurs demande

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Procédure devant la cour :

I - Par une requête et un mémoire enregistrés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeD... I..., M. C...I..., M. E...I...et M. H...I..., ainsi que MM.A..., J...et B...G...et L...G..., ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à les indemniser des préjudices résultant de l'assassinat de Mme K...G...épouse I...et de la tentative d'assassinat dont M. H...I...a été victime.

Par un jugement nos 1305796, 1305797, 1305798, 1305799, 1305800, 1305801, 1305802, 1305803 du 16 décembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a joint et rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 février 2016 et le 3 mars 2017, sous le n°16NC00286, Mme D...I..., représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 décembre 2015 ;

2°) avant dire droit, d'enjoindre au préfet de produire tous les documents échangés avec le Gouvernement et avec la direction départementale de la sécurité publique, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) et le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Strasbourg ainsi que l'acte de saisine de la DDASS ;

3°) de prescrire une expertise destinée à établir si la dangerosité de M. C. pouvait être prévue ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 45 000 euros au titre de son préjudice personnel consécutif au décès de sa mère et à la tentative d'assassinat dont son père a été victime, la somme de 3 333,33 euros au titre du préjudice successoral relatif au pretium doloris et au préjudice d'angoisse de sa mère et la somme de 8 000 euros au titre du préjudice successoral relatif à la perte de chance de vie de sa mère, dont il faudra déduire la somme de 37 000 euros allouée par la commission d'indemnisation des victimes d'infraction ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement des sommes de 5 000 euros au titre de la procédure de première instance et de 5 000 euros au titre de la procédure d'appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que de la somme de 35 euros en remboursement de la contribution à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique ;

- l'expert désigné par le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de l'état de M. C. et a rendu un diagnostic erroné ;

- le préfet aurait dû prononcer l'hospitalisation d'office de M. C.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 septembre 2016 et le 17 janvier 2017, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés le 8 et le 31 mars 2017, le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions indique se réserver le droit d'exercer un recours subrogatoire dans l'hypothèse de l'annulation du jugement.

II - Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 février 2016 et le 3 mars 2017, sous le n°16NC00287, M. C...I..., représenté par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 décembre 2015 ;

2°) avant dire droit, d'enjoindre au préfet de produire tous les documents échangés avec le Gouvernement et avec la direction départementale de la sécurité publique, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) et le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Strasbourg ainsi que l'acte de saisine de la DDASS ;

3°) de prescrire une expertise destinée à établir si la dangerosité de M. C. pouvait être prévue ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 31 450 euros au titre de son préjudice personnel consécutif au décès de sa mère et à la tentative d'assassinat dont son père a été victime, la somme de 3 333,33 euros au titre du préjudice successoral relatif au pretium doloris et au préjudice d'angoisse de sa mère et la somme de 8 000 euros au titre du préjudice successoral relatif à la perte de chance de vie de sa mère, dont il faudra déduire la somme de 50 550 euros allouée par la commission d'indemnisation des victimes d'infraction ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement des sommes de 5 000 euros au titre de la procédure de première instance et de 5 000 euros au titre de la procédure d'appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que de la somme de 35 euros en remboursement de la contribution à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique ;

- l'expert désigné par le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de l'état de M. C. et a rendu un diagnostic erroné ;

- le préfet aurait dû prononcer l'hospitalisation d'office de M. C.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 septembre 2016 et le 17 janvier 2017, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés le 8 et le 31 mars 2017, le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions indique se réserver le droit d'exercer un recours subrogatoire dans l'hypothèse de l'annulation du jugement.

III - Par une requête enregistrée le 13 février 2016, sous le n°16NC00288, M. E...I..., représenté par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 décembre 2015 ;

2°) avant dire droit, d'enjoindre au préfet de produire tous les documents échangés avec le Gouvernement et avec la direction départementale de la sécurité publique, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) et le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Strasbourg ainsi que l'acte de saisine de la DDASS ;

3°) de prescrire une expertise destinée à établir si la dangerosité de M. C. pouvait être prévue ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice personnel consécutif au décès de sa mère et à la tentative d'assassinat dont son père a été victime, en lui réservant le droit de chiffrer ses demandes et la somme de 20 000 euros au titre du préjudice successoral relatif au pretium doloris, au préjudice d'angoisse et à la perte de chance de vie de sa mère ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement des sommes de 5 000 euros au titre de la procédure de première instance et de 5 000 euros au titre de la procédure d'appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que de la somme de 35 euros en remboursement de la contribution à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique ;

- l'expert désigné par le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de l'état de M. C. et a rendu un diagnostic erroné ;

- le préfet aurait dû prononcer l'hospitalisation d'office de M. C.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 septembre 2016 et le 17 janvier 2017, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés le 8 et le 31 mars 2017, le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions indique se réserver le droit d'exercer un recours subrogatoire dans l'hypothèse de l'annulation du jugement.

IV - Par une requête enregistrée le 13 février 2016, sous le n°16NC00289, M. H...I..., représenté par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 décembre 2015 ;

2°) avant dire droit, d'enjoindre au préfet de produire tous les documents échangés avec le Gouvernement et avec la direction départementale de la sécurité publique, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) et le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Strasbourg ainsi que l'acte de saisine de la DDASS ;

3°) de prescrire une expertise destinée à établir si la dangerosité de M. C. pouvait être prévue ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice personnel consécutif au décès de son épouse, la somme de 200 000 euros au titre du préjudice personnel consécutif à la tentative d'assassinat dont il a été victime et la somme de 20 000 euros au titre du préjudice successoral relatif au pretium doloris, au préjudice d'angoisse et à la perte de chance de vie de son épouse, en réservant ses droits à chiffrer ses préjudices après expertise ainsi que la somme de 3 125,04 euros au titre des frais d'obsèques de son épouse ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement des sommes de 5 000 euros au titre de la procédure de première instance et de 5 000 euros au titre de la procédure d'appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que de la somme de 35 euros en remboursement de la contribution à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique ;

- l'expert désigné par le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de l'état de M. C. et a rendu un diagnostic erroné ;

- le préfet aurait dû prononcer l'hospitalisation d'office de M. C.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 septembre 2016 et le 17 janvier 2017, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés le 8 et le 31 mars 2017, le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions indique se réserver le droit d'exercer un recours subrogatoire dans l'hypothèse de l'annulation du jugement.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt de la Cour est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, faute pour le tribunal administratif d'avoir appelé dans l'instance le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- et les observations de Me F...représentant les consortsI....

1. Considérant que, le 15 novembre 2005, M. C. s'est rendu au cabinet du docteur I..., psychiatre qui l'avait suivi pendant plusieurs années, où il a blessé ce dernier et assassiné son épouse ; que M. H...I...et ses trois enfants majeurs, Sarah, David et Joseph relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes indemnitaires dirigées contre l'Etat ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que l'article 706-3 du code de procédure pénale définit les conditions dans lesquelles toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne ; qu'aux termes de l'article 706-4 du même code : " L'indemnité est allouée par une commission instituée dans le ressort de chaque tribunal de grande instance (...) " ; qu'en vertu de l'article 706-11 du même code, le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, chargé aux termes de l'article 706-9 du même code du versement des sommes allouées, " est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge desdites personnes. / Le fonds peut exercer ses droits par toutes voies utiles, y compris par voie de constitution de partie civile devant la juridiction répressive et ce, même pour la première fois, en cause d'appel " ; qu'il résulte de ces dispositions que le fonds de garantie, lorsqu'il a indemnisé un dommage causé par une infraction, est subrogé dans les droits de la victime à l'encontre non seulement de l'auteur de l'infraction mais également de toute personne tenue de réparer le dommage, notamment parce qu'elle y a concouru dans des conditions de nature à engager sa responsabilité ; qu'en outre, en application des principes qui gouvernent la procédure devant le juge administratif, ce dernier, informé de ce que la personne victime d'une infraction au sens des dispositions précitées du code de procédure pénale a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infraction pénale ou obtenu une indemnité versée par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions doit, à peine d'irrégularité de son jugement, mettre en cause le fonds dans l'instance dont il est saisi afin, d'une part, de permettre à celui-ci d'exercer son droit de subrogation et, d'autre part, de s'assurer qu'il ne procédera pas, s'il donne suite à la demande de condamnation, à une double indemnisation des mêmes préjudices ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les requérants ont saisi la commission d'indemnisation des victimes d'infraction près le tribunal de grande instance de Strasbourg qui, par des décisions des 5 septembre 2011, 10 juin 2013 et 10 février 2014, leur a accordé des indemnités en réparation des préjudices résultant de l'assassinat de Mme G...-I... et de la tentative d'assassinat dont M. H...I...a été victime ; que, dans ces conditions, en s'abstenant de mettre en cause le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions dans l'instance, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ; que, par suite, ce jugement doit être annulé en tant qu'il statue sur les demandes de MmeD... I..., de M. C...I..., de M. E...I...et de M. H... I...;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par MmeD... I..., M. C...I..., M. E...I...et M. H...I...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

5. Considérant que M. C. a, en mai 2005, adressé au Président de la République, au ministre de l'intérieur, au ministre de la santé ainsi qu'au procureur de la République des courriers dans lesquels il indiquait être victime d'empoisonnement et de privation de soins et rechercher la protection de l'Etat ; qu'à la suite de ces courriers, le préfet du Bas-Rhin a, par l'intermédiaire du médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, chargé le docteur B., médecin-chef du secteur de psychiatrie de l'établissement public de santé Alsace Nord, d'une demande d'examen de M. C., en vue " d'établir si [il] représente un danger pour [lui] et pour son entourage ", en indiquant que " [le courrier adressé au président de la République] laisse à penser qu'il traverse actuellement une crise qui l'amène à proférer des accusations sans fondement contre différents médecins " ; que, dans un avis du 21 juillet 2005, le docteur B. a conclu à " l'absence d'éléments de dangerosité psychiatriques décelables dans les conditions de l'examen " ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors en vigueur : " A Paris, le préfet de police et, dans les départements, les représentants de l'Etat prononcent par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'hospitalisation d'office dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Le certificat médical circonstancié ne peut émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement accueillant le malade. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'hospitalisation nécessaire. (...) " ;

7. Considérant qu'il appartient aux autorités chargées de la police des malades mentaux de recueillir toutes les informations utiles sur les personnes dont l'état mental risque de menacer l'ordre public et de tirer toutes les conséquences utiles, pour la protection de la population, des informations ainsi recueillies ;

8. Considérant que les requérants soutiennent que le préfet du Bas-Rhin ne pouvait, en application des dispositions précitées, désigner le docteur B. comme expert chargé de rendre un avis sur l'état de santé de M. C., au motif que ce médecin exerçait dans l'établissement dans lequel l'intéressé aurait été accueilli le cas échéant ; que si ces dispositions interdisaient effectivement au préfet de se fonder sur le certificat établi par ce praticien pour ordonner l'hospitalisation d'office de M. C. dans l'établissement où exerçait ce praticien, elles ne faisaient pas obstacle à ce que ce médecin soit consulté sur l'état de santé de l'intéressé ; que, dès lors, la désignation du docteur B., ne saurait être regardée comme une méconnaissance fautive des dispositions de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

9. Considérant que les requérants soutiennent que le docteur B. n'a pas procédé à un examen sérieux de M. C. et a en conséquence commis une erreur de diagnostic empêchant l'hospitalisation d'office de l'intéressé ; qu'ils se fondent pour étayer leurs allégations sur des analyses psychiatriques établies après les faits et notamment deux rapports rédigés en septembre 2015 par les docteurs P. et R. ; que ces rapports, s'ils analysent les pièces en possession du docteur B. en juillet 2005, ont été établis alors que M. C. était déjà passé à l'acte et ne sauraient suffire à remettre en cause l'analyse réalisée près de quatre mois avant les faits ; qu'il résulte de l'instruction que la névrose phobique invalidante dont souffrait M. C. avait déjà été diagnostiquée en janvier 2005, sans qu'eût été identifiée une dangerosité particulière ; que le rapport établi en janvier 2005 par le docteur S. à la demande du juge d'application des peines du tribunal de grande instance de Strasbourg, indiquait certes en conclusion qu'en l'absence de soins psychiatriques, l'état de santé mentale de M. C. " peut favoriser des passages à l'acte violents " mais précisait qu'il existait " des éléments permettant d'envisager la non récidive, même si un pronostic formel ne peut être établi " ; que dès lors, compte tenu de la mission qui lui avait été confiée et eu égard à la teneur des courriers écrits en mai par M. C., il n'est pas établi qu'en concluant à l'absence de dangerosité de l'intéressé sans rechercher d'autres éléments d'information relatifs à ses antécédents, le docteur B. aurait commis une erreur de diagnostic ; qu'une telle erreur n'aurait été, en tout état de cause, imputable au préfet que si celui-ci, avait été en possession d'éléments de nature à rendre nécessaire un second avis ;

10. Considérant d'une part, que, lorsqu'il a saisi le docteur B. d'une demande d'avis, le préfet du Bas-Rhin, bien qu'il fût informé que M. C. avait été incarcéré jusqu'en mai 2005, n'avait en sa possession que les courriers que l'intéressé avait adressés au Président de la République, au ministre de l'intérieur et au procureur de la République ; que ces courriers, très confus, même s'ils laissaient planer un doute sur la santé mentale de M. C., ne contenaient aucune menace ou aucun signe de dangerosité particulière précisément dirigés contre le docteur I...; que si le conseiller d'insertion et de probation chargé de suivre M. C. à sa sortie de prison avait indiqué, lors de l'enquête pénale, avoir constaté dès le premier rendez-vous, en juillet 2005, que l'état de santé de M. C. requérait des soins et qu'il s'était aggravé entre le mois de juillet et le 14 novembre 2005, veille des faits, il ne résulte de l'instruction ni que cet état de santé était, avant le mois de novembre 2005, de nature à rendre M. C. dangereux, ni que le préfet avait été averti de la dégradation de l'état de santé de l'intéressé ; qu'ainsi, aucun des éléments à la disposition du préfet en juillet 2005 n'était de nature à établir que les troubles mentaux dont était atteint M. C. étaient susceptibles de compromettre la sûreté des personnes ou de porter atteinte, de façon grave, à l'ordre public ;

11. Considérant, d'autre part, que les requérants soutiennent que si la direction départementale de la sécurité publique avait réalisé une enquête, le préfet aurait pu être informé de ce que le nom de ses victimes était inscrit dans plusieurs documents trouvés au domicile de M. C. à la suite de son interpellation postérieure à son passage à l'acte ; que ces affirmations ne sont que des conjectures et n'établissent pas qu'une perquisition au domicile de l'intéressé dès le mois de juillet 2005 aurait permis d'établir le degré de dangerosité de M. C. ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en s'abstenant d'ordonner l'hospitalisation d'office de l'intéressé, le préfet du Bas-Rhin n'a pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner la production des échanges entre le préfet du Bas-Rhin et les membres du gouvernement, ni d'ordonner une nouvelle expertise, les conclusions indemnitaires des consorts I...doivent être rejetées ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement nos 1305796, 1305797, 1305798, 1305799, 1305800, 1305801, 1305802, 1305803 est annulé en tant qu'il rejette les demandes de MmeD... I..., de M. C... I..., de M. E...I...et de M. H... I....

Article 2 : Les demandes présentées par MmeD... I..., M. C...I..., M. E... I... et M. H... I...devant le tribunal administratif de Strasbourg ainsi que leurs conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à MmeD... I..., à M. C...I..., à M. E... I..., à M. H... I..., au fond de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

Nos 16NC00286,16NC00287,16NC00288,16NC00289


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00288
Date de la décision : 30/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Police - Polices spéciales - Police des aliénés (voir aussi : Santé publique).

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Julie KOHLER
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : MENGUS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-05-30;16nc00288 ?
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