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30/05/2017 | FRANCE | N°16NC00253

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 30 mai 2017, 16NC00253


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Germain-le-Châtelet a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner solidairement l'EURL d'architecture Ingrid Genillon, la SARL Blondeau Ingénierie, la SA Beyler et la SARL Fröling à lui verser la somme de 34 551 euros en réparation de son préjudice consécutif aux désordres affectant le système de chauffage de la salle communale.

Par jugement n° 1400767 du 10 décembre 2015, le tribunal administratif de Besançon a condamné, in solidum, la SARL Blondeau Ingéni

erie, la SA Beyler et MeC..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de l'Eurl Ingr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Germain-le-Châtelet a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner solidairement l'EURL d'architecture Ingrid Genillon, la SARL Blondeau Ingénierie, la SA Beyler et la SARL Fröling à lui verser la somme de 34 551 euros en réparation de son préjudice consécutif aux désordres affectant le système de chauffage de la salle communale.

Par jugement n° 1400767 du 10 décembre 2015, le tribunal administratif de Besançon a condamné, in solidum, la SARL Blondeau Ingénierie, la SA Beyler et MeC..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de l'Eurl Ingrid Genillon, à verser à la commune de Saint-Germain-le-Châtelet la somme de 34 551 euros en réparation des préjudices subis.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 février 2016, la société Beyler, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 10 décembre 2015 ;

2°) de rejeter les demandes présentées devant le tribunal administratif par la commune de Saint-Germain-le-Châtelet, d'une part, et par la société Fröling, d'autre part ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la société Fröling à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de la société Fröling le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ne pouvaient considérer que les désordres entraient dans le champ de la garantie décennale dès lors que l'expert a indiqué qu'ils n'étaient pas de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ;

- les désordres sont liés à une mauvaise manipulation du silo par les agents de la commune ;

- le mauvais positionnement de la trappe du silo était apparent et n'a fait l'objet d'aucune réserve au moment de la réception alors que ce positionnement a été en débat pendant les travaux ;

- aucun manquement à son obligation de conseil ne saurait lui être reproché dès lors qu'elle ne disposait d'aucune information qui lui aurait permis d'émettre des réserves quant aux dimensions et au positionnement de la trappe d'alimentation du silo ;

- la société Fröling, fabricant du matériel n'a transmis aucune information relative aux contraintes techniques de ce matériel et est ainsi responsable des dommages.

Par un mémoire, enregistré le 15 mars 2015, la SARL Blondeau Ingénierie, représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 décembre 2015 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) de rejeter la demande présentée par la commune de Saint-Germain-le-Châtelet devant le tribunal administratif en tant qu'elle est dirigée contre elle.

Elle soutient que :

- les désordres ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination ;

- ils ne lui sont pas imputables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2016, la SARL Fröling, représentée par le cabinet Epp et Kühl, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Beyler sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'est intervenue qu'en tant que fabricant et n'est pas responsable des désordres ;

- les désordres trouvent leur origine dans une mauvaise manipulation de l'installation lors du remplissage du silo ;

- elle n'est pas intervenue dans le positionnement de la trappe et, en tant que simple fabricant, n'est jamais intervenue dans la conception de l'ouvrage.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2016, la commune de Saint-Germain-le-Châtelet, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et des conclusions d'appel incident de la société Blondeau Ingénierie et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge solidaire de la société Beyler et de la société Blondeau Ingénierie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante et par la société Blondeau Ingénierie ne sont pas fondés.

La requête a été transmise à MeC..., liquidateur judiciaire de l'EURL Ingrid Genillon qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Beyler.

1. Considérant que la commune de Saint-Germain-le-Châtelet (Territoire de Belfort) a décidé en 2007 de faire construire une salle multi-activités comprenant un centre de loisirs sans hébergement et une salle communale ; que la maîtrise d'oeuvre de l'opération a été confiée à un groupement conjoint composé de l'EURL Ingrid Genillon, également chargée d'une mission d'ordonnancement, pilotage et coordination (OPC), et de la SARL Blondeau Ingénierie ; que le lot n°14 " chauffage - ventilation " a été attribué à la société Beyler par un acte d'engagement du 22 septembre 2008 ; que des désordres étant apparus dans le système d'alimentation du silo de stockage des combustibles de la chaudière, la commune a demandé la condamnation des constructeurs et du fabricant à réparer, sur le fondement de la garantie décennale, les conséquences de ces désordres ; que la société Beyler relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Besançon l'a condamnée, solidairement avec les sociétés Ingrid Genillon et Blondeau Ingénierie, à réparer les conséquences de ces désordres ; que, par la voie de l'appel provoqué, la société Blondeau Ingénierie relève appel du même jugement ;

Sur l'appel principal de la société Beyler :

2. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ; que la responsabilité décennale peut également être recherchée pour des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination ;

3. Considérant que l'opération de travaux avait pour objet la construction d'une salle multi-activités comprenant un centre de loisirs sans hébergement et une salle communale ; qu'il était prévu que le chauffage de cette salle serait assuré par un système, composé d'une chaudière à bois alimentée en permanence grâce à un silo enterré avec transfert des copeaux entre le silo et la chaudière par une vis sans fin régulée par un automate ; que les désordres constatés dans le fonctionnement de l'alimentation automatique de la chaudière consistent en une impossibilité de répartir les copeaux de bois correctement dans le silo et une usure prématurée du système de répartition et d'extraction des combustibles ; qu'il résulte de l'instruction que ces désordres, qui restreignent la capacité de stockage du silo, rendent nécessaire une augmentation de la fréquence des livraisons de combustibles ainsi qu'une intervention humaine systématique pour le remplissage du silo ; que ces désordres n'affectent toutefois pas le fonctionnement de la chaudière et le chauffage de la nouvelle salle communale ; que, dans ces conditions, les dysfonctionnements affectant l'approvisionnement du silo ne peuvent être regardés comme rendant l'ouvrage impropre à sa destination ; que ces désordres ne sont ainsi pas de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 1792-2 du code civil : " La présomption de responsabilité établie par l'article 1792 s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert. / Un élément d'équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l'un des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage " ;

5. Considérant que, bien que la chaudière soit reliée au silo par un tuyau destiné à acheminer les combustibles, son démontage ou son remplacement peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière à l'ouvrage constitué de la salle municipale ; que, dans ces conditions, l'ensemble constitué de la chaudière et du silo d'alimentation ne peut être regardé comme un élément d'équipement indissociable de l'ouvrage susceptible d'engager la responsabilité décennale des constructeurs ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Beyler est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon l'a condamnée, sur le fondement de la garantie décennale, à indemniser la commune de Saint-Germain-le-Châtelet ;

Sur les conclusions d'appel provoqué de la société Blondeau Ingénierie :

7. Considérant que l'annulation de la condamnation prononcée à l'encontre de la société Beyler a pour effet d'aggraver la situation de la société Blondeau Ingénierie ; que les conclusions de cette dernière tendant à l'annulation de la condamnation prononcée à son encontre sont, par suite, recevables ;

8. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit aux points 3 et 5, les désordres ne sont pas de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs ; que, dans ces conditions, la société Blondeau Ingénierie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon l'a condamnée, sur ce fondement, à indemniser la commune de Saint-Germain-le Châtelet ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La société Beyler et la société Blondeau Ingénierie sont déchargées de la condamnation prononcée à leur encontre par le jugement du 10 décembre 2015 du tribunal administratif de Besançon.

Article 2 : Le jugement du 10 décembre 2015 du tribunal administratif de Besançon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Beyler, à la commune de Saint-Germain-le Châtelet, à la société Fröling, à la société Blondeau Ingénierie et à MeC..., liquidateur judiciaire de l'EURL Ingrid Genillon.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Marino, président de chambre,

- Mme Kohler, premier conseiller,

- M. Michel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 mai 2017.

Le rapporteur,

Signé : J. KOHLER Le président,

Signé : Y. MARINO

La greffière,

Signé : S. ROBINET

La République mande et ordonne au préfet du Territoire de Belfort en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. DUPUY

2

N° 16NC00253


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00253
Date de la décision : 30/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04-03 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale. Désordres de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Julie KOHLER
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : BERGELIN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-05-30;16nc00253 ?
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