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09/05/2017 | FRANCE | N°16NC00496

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 09 mai 2017, 16NC00496


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté urbaine de Strasbourg devenue Eurométropole de Strasbourg a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la société Soderef à lui verser une somme de 19 093,85 euros en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de l'erreur affectant les plans d'exécution des travaux de pose d'un réseau de distribution d'électricité, rue Loucheur, à Strasbourg.

Par un jugement n° 1301272 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa deman

de.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté urbaine de Strasbourg devenue Eurométropole de Strasbourg a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la société Soderef à lui verser une somme de 19 093,85 euros en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de l'erreur affectant les plans d'exécution des travaux de pose d'un réseau de distribution d'électricité, rue Loucheur, à Strasbourg.

Par un jugement n° 1301272 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 mars 2016 et 30 janvier 2017, l'Eurométropole de Strasbourg, représentée par Me A...de la SCP A...-Dörr, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 février 2016 ;

2°) de condamner la société Soderef à lui verser une somme de 19 093,85 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'erreurs affectant les plans d'exécution des travaux de pose d'un réseau de distribution d'électricité, rue Loucheur, à Strasbourg, assortie des intérêts au taux légal majoré à compter du 28 janvier 2013 ;

3°) de mettre à la charge de la société Soderef une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le plan de synthèse des réseaux établi le 20 octobre 2010 par la société Soderef, maître d'oeuvre, à partir des bases de données qui lui ont été communiquées par le maître d'ouvrage, a fait apparaître l'existence de deux limites différentes, correspondant à la mauvaise superposition par la maîtrise d'oeuvre des emprises publiques avec les limites de parcelles ; ce décalage a été conservé par la société Soderef jusqu'à l'établissement du plan d'exécution, support des implantations, et sur lequel figurait exclusivement l'emprise de la voie projetée, sans les limites de construction ; le maître de l'ouvrage n'a ainsi pas pu identifier le moindre décalage ;

- le plan remis par la société Soderef concernant l'implantation du réseau électrique était erroné et le décalage de 50 centimètres entre les limites du domaine privé et du domaine public a affecté l'implantation du câble de distribution électrique ; le maître de l'ouvrage, qui avait pour seule mission de procéder à une simple matérialisation sur le terrain des limites de voies projetées telles que définies par le plan d'exécution fourni par la maîtrise d'oeuvre, ne pouvait identifier l'erreur ;

- cette erreur aurait pu être évitée si la société Soderef avait correctement exécuté sa mission d'ordonnancement, de coordination et de pilotage du chantier en comparant ses plans avec ceux prévus pour les constructions en se rapprochant de l'office public de l'habitat de la communauté urbaine de Strasbourg et ainsi constater les incohérences d'implantation ; le contrôle interne au sein de la société a été défaillant.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 janvier 2017 et le 13 février 2017, la société Soderef, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de cette dernière sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par l'Eurométropole de Strasbourg ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel, premier conseiller,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour l'Eurométropole de Strasbourg.

1. Considérant que par un acte d'engagement du 20 mai 2010, la communauté urbaine de Strasbourg, devenue Eurométropole de Strasbourg, a confié à un groupement composé de la société Soderef, mandataire, et de la société Tekton architecture, la mission de maîtrise d'oeuvre des travaux de réaménagement des rues Loucheur, Hoepffner, Schulmeister, de Normandie et de Picardie situées à Strasbourg ; que la société Sogeca a été mandatée par Electricité de Strasbourg pour la réalisation des travaux de renouvellement du réseau entre les postes électriques existants, rue Loucheur et rue de Picardie ; que les travaux de pose des gaines du réseau électrique ont commencé le 26 juillet 2011 ; que les câbles ont été tirés le 18 août 2011 et mis en tension le 12 septembre 2011 ; que le 10 octobre 2011, il est apparu que l'emprise des travaux rue Loucheur excédait les parcelles d'assiette, empiétant ainsi sur une largeur d'environ 50 centimètres sur une propriété appartenant à l'office public de l'habitat de la communauté urbaine de Strasbourg ; que les travaux de réseaux souterrains de la rue Loucheur ont ainsi été en partie réalisés sur la propriété de cette dernière ; que l'office public de l'habitat de la communauté urbaine de Strasbourg qui menait une opération de réhabilitation des bâtiments n° 2 à 12 de la rue Loucheur n'a pu procéder à la clôture des immeubles nouvellement construits du fait de la présence, en limite de sa propriété, d'un tronçon du réseau public de distribution d'électricité basse tension qu'il risquait d'endommager en réalisant les travaux ; que la communauté urbaine de Strasbourg a pris en charge le coût des travaux de déplacement de l'ouvrage de distribution d'électricité et les a confiés à Electricité de Strasbourg Réseau, gestionnaire du réseau de distribution d'électricité, pour un montant de 19 093,85 euros toutes taxes comprises ; que la communauté urbaine de Strasbourg, devenue Eurométropole de Strasbourg, a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation de la société Soderef à lui verser cette somme en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de l'erreur affectant les plans d'exécution des travaux de pose du réseau de distribution d'électricité, rue Loucheur, à Strasbourg ; que par un jugement du 4 février 2016, dont l'Eurométropole de Strasbourg relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des stipulations de l'article du 1er cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché concernant la phase " études ", que " les gestionnaires de réseaux externes à la CUS (Gaz, Electricité,...) réalisent leurs propres études (A.V.P ; PRO, A.C.T) " et que les coordonnées en x/y correspondant à l'emprise de la voie en largeur et en longueur sont fournies au titulaire du marché de maîtrise d'oeuvre alors que les coordonnées en z, correspondant à la profondeur altimétrique de la voie, sont relevées par le maître d'oeuvre et transmises au maître de l'ouvrage ; que le même article du CCTP stipule s'agissant des implantations en phase " travaux " que : " - Les implantations, sur le terrain, des points polygonaux seront réalisés par les services du Maître d'ouvrage. / - Toutes les autres implantations, y compris celles nécessaires aux gestionnaires de réseaux, sont à la charge des entreprises. / Le Maître d'oeuvre contrôle ces autres implantations et rend compte au Maître B... sur leurs conformités par rapport aux plans validés (...) " ; que l'annexe 4 du CCTP du marché relative à l'implantation stipule, s'agissant de la planimétrie des aménagements urbains, que : " Les points principaux de l'ouvrage devront être implantés à partir des points polygonaux, fournis par le Maître B... soit par intersection, soit par rayonnement (...) " ; que selon l'annexe 1 du CCTP, " le service de l'information géographique de la CUS mettra à disposition du maître d'oeuvre les données géographiques de base (...) issues du système d'information géographique (SIG) de la CUS. Elles forment un plan continu et comprennent : - le parcellaire, le bâti (...), la voirie (...), les affleurements de réseaux (...). / Ces données de base sont définies uniquement en planimétrie (X,Y) sans les altitudes (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les plans établis par la société Soderef au titre de sa mission d'études d'exécution ne correspondaient pas aux limites réelles du terrain concerné, rue Loucheur, un empiètement de 52 centimètres de la voie ayant été constaté sur la propriété de l'office public de l'habitat de la communauté urbaine de Strasbourg ;

4. Considérant que l'Eurométropole de Strasbourg soutient que les travaux de câblage électrique souterrains, rue Loucheur, ont été effectués sur la propriété de l'office public de l'habitat de la communauté urbaine de Strasbourg (CUS Habitat) en raison des plans erronés de la société Soderef ; qu'il résulte de l'instruction que la société Tekton architecture, au stade de l'avant projet, a établi aux mois de juillet et d'août 2010 deux variantes d'aménagement de la rue Loucheur, en raison de l'absence de fichier géomètre de référence déterminant l'implantation exacte des limites de propriété des différents aménageurs intervenant dans cette zone ; que la société Soderef a établi ses plans sur la base de la variante 1 qui mentionnait les profondeurs altimétriques à respecter par l'entreprise titulaire des travaux (coordonnées en z) mais ne comportait pas les données relatives à l'emprise de la voie en largeur et en longueur (coordonnées en x/y) ; qu'il résulte des stipulations précitées de l'article 1er du CCTP que la communauté urbaine de Strasbourg devait, en phase " études ", fournir les coordonnées en x/y à la maîtrise d'oeuvre et, en phase " travaux ", implanter sur le terrain les points polygonaux en se fondant sur ses propres plans sans que le maître d'oeuvre ait à assurer le contrôle de ces implantations ; qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que la communauté urbaine de Strasbourg s'est fondée sur les plans de la société Soderef pour procéder à l'implantation des points polygonaux sans avoir préalablement fourni au maître d'oeuvre les coordonnées en x/y et qu'il n'appartenait pas à la société Soderef de contrôler cette implantation réalisée sous la seule responsabilité du maître de l'ouvrage ; qu'à cet égard, si l'Eurométropole de Strasbourg soutient qu'il résulte des stipulations susmentionnées de l'article 1er du CCTP que l'implantation des câblages électriques devait être contrôlée par la société Soderef en sa qualité de maître d'oeuvre, le préjudice invoqué par l'Eurométropole de Strasbourg résultant de l'empiètement sur la propriété de la CUS Habitat a pour cause déterminante l'erreur d'implantation des points polygonaux que la société Soderef, ainsi qu'il vient d'être dit, n'était pas tenue de contrôler ; que, par suite, aucune erreur de conception à l'origine du préjudice invoqué par le maître de l'ouvrage ne saurait être retenue à l'encontre de la société Soderef ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si la communauté urbaine de Strasbourg soutient que la société Soderef a manqué à ses obligations de contrôle interne et de coordination dès lors qu'elle n'a pas procédé à la comparaison de ses plans avec ceux des autres aménageurs et notamment ceux de l'office public de l'habitat de la communauté urbaine de Strasbourg, il résulte des stipulations précitées de l'article 1er du CCTP qu'il appartenait au seul maître de l'ouvrage de procéder à l'implantation des points polygonaux et d'en assurer le contrôle ;

5. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les travaux de pose des gaines du réseau électrique ont commencé le 26 juillet 2011 et que les câbles ont été tirés le 18 août 2011 ; que les travaux de voirie ont débuté le 5 septembre 2011 et que les câbles électriques ont été mis en tension le 12 septembre 2011 ; que la réalisation des travaux de voirie qui ont révélé l'erreur d'implantation, cause du préjudice invoqué par le maître de l'ouvrage, ont été suspendus seulement un mois après leur début à la suite de la découverte de cette erreur ; qu'il suit de là qu'aucune méconnaissance de l'obligation de suivi des travaux ne saurait être retenue à l'encontre de la société Soderef ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Eurométropole de Strasbourg n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Soderef, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'Eurométropole de Strasbourg demande sur le fondement de ces dispositions ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Eurométropole de Strasbourg une somme de 1 500 euros à verser à la société Soderef sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'Eurométropole de Strasbourg est rejetée.

Article 2 : L'Eurométropole de Strasbourg versera à la société Soderef une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Eurométropole de Strasbourg et à la société Soderef.

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N° 16NC00496


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00496
Date de la décision : 09/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : SCP BOURGUN DÖRR

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-05-09;16nc00496 ?
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