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27/04/2017 | FRANCE | N°16NC00426

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 27 avril 2017, 16NC00426


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...C..., Mme D...C..., Mme E...G...et la Sarl d'experts forestiers Arnaud Michaut ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2014 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a, d'une part, déclaré d'utilité publique les travaux de dérivation des eaux des sources " Basse du Toc " et " Pré des Graines " situées sur le territoire de la commune de Bionville et l'instauration de périmètres de protection de ces points d'eau, d'autre part, autorisé le prélèvement de

l'eau de ces sources pour l'alimentation humaine et, enfin, déclaré cessibles...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...C..., Mme D...C..., Mme E...G...et la Sarl d'experts forestiers Arnaud Michaut ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2014 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a, d'une part, déclaré d'utilité publique les travaux de dérivation des eaux des sources " Basse du Toc " et " Pré des Graines " situées sur le territoire de la commune de Bionville et l'instauration de périmètres de protection de ces points d'eau, d'autre part, autorisé le prélèvement de l'eau de ces sources pour l'alimentation humaine et, enfin, déclaré cessibles les parcelles nécessaires à la constitution du périmètre de protection immédiate de ces sources.

Par un jugement n° 1500226 du 31 décembre 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de M. C...et autres.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 mars 2016, M. F...C..., Mme D...C..., Mme E...G...et la Sarl d'experts forestiers Arnaud Michaut, représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500226 du 31 décembre 2015 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2014 du préfet de Meurthe-et-Moselle ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bionville une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C...et autres soutiennent que :

- l'enquête publique s'est déroulée de manière irrégulière dès lors que l'étude des incidences sur la ressource en eau et le milieu aquatique est insuffisante, la desserte actuelle ayant été réalisée au moyen de 400 mètres de canalisations très anciennes dont la réfection n'a pas été étudiée en termes d'incidence sur l'environnement, le maire n'ayant pas été sollicité pour donner son avis ;

- le projet est dépourvu d'utilité publique ;

- l'arrêté est entaché de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 août 2016, le ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C...et autres ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Richard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour M. C...et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 13 novembre 2014, le préfet de Meurthe-et-Moselle a, d'une part, déclaré d'utilité publique, au profit de la commune de Bionville, les travaux de dérivation des eaux des trois sources " Basse du Toc " et de la source " Pré des Graines ", à titre de régularisation, ainsi que l'instauration des périmètres de protection de ces points d'eau alimentant cette commune et, d'autre part, autorisé l'utilisation de l'eau de ces sources pour l'alimentation en eau potable de la commune de Bionville et, enfin, déclaré cessibles les parcelles nécessaires à la constitution du périmètre de protection immédiate. M. C...et autres relèvent appel du jugement du 31 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2014.

Sur la légalité de l'arrêté du 13 novembre 2014 portant déclaration d'utilité publique :

2. En premier lieu, M. C...et autres, qui concentrent leur critique sur le captage et le périmètre de protection de la source du " Pré des Graines ", soutiennent que le dossier d'enquête publique était insuffisant compte tenu de l'absence de toute analyse de l'impact des travaux de remise en état de la canalisation de desserte de la source sur le milieu naturel et la ressource en eau.

3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux pris à l'issue de l'enquête publique, qui s'est déroulée entre le 25 mars et le 10 avril 2014, porte sur la déclaration d'utilité publique des ouvrages de captage et de dérivation des eaux fonctionnant pour les trois sources " Basse du Toc " et la source " Pré des Graines " sur le territoire de la commune de Bionville, dans le cadre d'une régularisation de la situation préexistante.

4. En outre, il ressort des pièces du dossier que cette enquête publique a été réalisée sur le fondement d'un dossier d'enquête publique comportant une étude d'incidence environnementale réalisée en février 2009 par un bureau d'étude hydrogéologique spécialisé, conformément aux dispositions de l'article 29 du décret du 29 mars 1993 relatif aux procédures d'autorisation et de déclaration prévues par l'article 10 de la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau. M. C...et autres, qui ne se prévalent d'aucun texte particulier et se bornent à indiquer que des travaux de remise en état devront être rapidement envisagés pour les canalisations actuelles, ce qui devait apparaitre dans le dossier d'enquête publique, ne produisent aucun élément probant et ne donnent aucun exemple précis de nature à établir que des enjeux environnementaux n'auraient pas été suffisamment pris en compte dans le cadre de l'enquête publique, l'étude d'incidence concluant clairement à l'absence " d'incidence défavorable sur le milieu naturel environnant dans sa configuration actuelle ".

5. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'insuffisance de l'enquête publique est de nature à entacher la procédure d'une irrégularité ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, les requérants, s'ils se prévalent du fait que le maire n'aurait pas donné son avis préalablement à l'arrêté litigieux, n'assortissent pas leur moyen de précisions de nature à permettre d'en apprécier le bien fondé, à supposer même qu'ils aient entendu l'invoquer.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable : " En vue d'assurer la protection de la qualité des eaux, l'acte portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines mentionné à l'article L. 215-13 du code de l'environnement détermine autour du point de prélèvement un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété, un périmètre de protection rapprochée à l'intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d'installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux et, le cas échéant, un périmètre de protection éloignée à l'intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols et dépôts ci-dessus mentionnés(...) ".

8. Il appartient au juge administratif, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les autres inconvénients que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

9. Il ressort des pièces du dossier que dans le cadre de la régularisation des ouvrages préexistants relatifs aux sources de la Basse du Toc et du Pré des Graines, le projet contesté vise à assurer l'alimentation en eau potable de plusieurs hameaux de la commune de Bionville ainsi que la protection de la qualité des eaux captées et doit ainsi être regardé comme répondant à une finalité d'intérêt général.

10. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de l'" étude du contexte hydrogéologique du secteur du hameau du Pré des Graines " produite par les requérants en appel, que la commune soit en mesure de réaliser cette opération prévoyant la desserte en eau potable par la commune dans des conditions équivalentes, notamment dans le cadre du captage d'autres sources situées sur des terrains détenus par la commune en pleine propriété, sans recourir à l'expropriation. La circonstance que ce captage a été utilisé pendant de nombreuses années par la commune de Bionville en vertu d'une convention conclue avec l'indivisionC..., n'est pas de nature à priver d'utilité le projet, ainsi que l'a relevé le tribunal, dès lors qu'en vertu des dispositions de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique, la mise en place d'un périmètre de protection et l'acquisition en pleine propriété du périmètre de protection immédiate s'imposent légalement à la collectivité territoriale.

11. M. C...et autres soutiennent que la réalisation de l'opération litigieuse entraînera, outre de nombreux déboisements, notamment en vue d'accéder à la parcelle de 200 m², la mise en place de clôtures et de fondations qui porteront atteinte à l'environnement compte tenu de la configuration des lieux ainsi que de la nécessité d'utiliser des engins de chantier et de remplacer les anciennes conduites dont la longueur est de près de 200 mètres.

12. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment de l'avis de l'hydrogéologue agréé et de l'étude d'incidence ainsi que des termes mêmes de l'arrêté du 13 novembre 2014, que les quatre sources visées permettent d'assurer l'alimentation en eau potable des hameaux situés à proximité, que la mise en place des périmètres autour des points de prélèvement doit faciliter leur protection, que le périmètre de protection immédiate porte sur une surface limitée à 200 m2 et que la clôture de ce périmètre sera réalisée sans atteinte significative au milieu environnant, l'abattage d'arbres devant être réduit au strict nécessaire. Dans ces conditions et alors qu'il s'agit de régulariser la situation d'ouvrages d'ores et déjà réalisés ne nécessitant que des travaux complémentaires minimes, les inconvénients du projet, notamment en ce qui concerne les atteintes à la propriété privée et à l'environnement, n'apparaissent pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'il présente et qui a justifié l'avis favorable du commissaire enquêteur.

13. Dans ces conditions, M. C...et autres ne sont pas fondés à soutenir que l'opération visée par l'arrêté du 13 novembre 2014 est dépourvue d'utilité publique.

14. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle ait pris l'arrêté litigieux dans un but autre que celui de régulariser la situation des captages existants au regard des dispositions du code de la santé publique et du code de l'environnement applicables. M. C...et autres ne justifient d'ailleurs pas que la commune n'aurait sollicité la déclaration d'utilité publique de l'opération litigieuse que pour préserver les intérêts d'un " membre de l'équipe municipale " dont la source aurait pu être utilisée à la place de la source du Pré des Graines en vue d'assurer l'alimentation en eau des habitants de la commune ou même à seule fin de faire cesser les difficultés d'accès aux parcelles concernées par les agents communaux. Le moyen tiré du détournement de pouvoir ne peut donc qu'être écarté.

15. En conclusion de tout ce qui précède, M. C...et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2014.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bionville, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante et qui n'était en tout état de cause pas partie à la présente instance, la somme que M. C...et autres demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...et autres est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...C..., à Mme D...C..., à Mme E...G..., à la Sarl d'experts forestiers Arnaud Michaut et au ministre des affaires sociales et de la santé.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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N° 16NC00426


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00426
Date de la décision : 27/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Eaux - Ouvrages - Entretien des ouvrages.

Expropriation pour cause d'utilité publique - Règles générales de la procédure normale.

Expropriation pour cause d'utilité publique - Règles de procédure contentieuse spéciales - Pouvoirs du juge - Étendue du contrôle du juge.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Michel RICHARD
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : LAGRANGE PHILIPPOT CLEMENT ZILLIG VAUTRIN SCP

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-04-27;16nc00426 ?
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