Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...Goeury a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 9 mars 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité territoriale de Meurthe-et-Moselle a autorisé la société LDM Equipement à la licencier pour motif économique.
Par un jugement n° 1501213 du 1er mars 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 avril 2016, Mme C... Goeury, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 1er mars 2016 ;
2°) d'annuler la décision de l'inspectrice du travail de l'unité territoriale de Meurthe-et-Moselle du 9 mars 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- la décision contestée est insuffisamment motivée, en particulier en ce qui concerne le motif économique ; cette motivation insuffisante révèle que l'inspectrice du travail n'a pas exercé le contrôle approfondi qui lui incombe ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dans la mesure où la compétitivité de l'employeur n'était pas réellement menacée ; la cause économique du licenciement n'est donc pas établie ;
- l'inspectrice du travail a commis une erreur d'appréciation en estimant que son licenciement était sans lien avec son mandat syndical ; son employeur a manipulé artificiellement les critères de la catégorie professionnelle concernée tandis qu'une application loyale de ces critères aurait dû conduire à ce qu'elle conserve son emploi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 août 2016, la société LDM Equipement, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête, au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à sa charge de la requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fuchs,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour la société LDM Equipement.
1. Considérant que Mme Goeury, qui était employée en qualité de secrétaire commerciale au sein de la société LDM Equipement depuis le 7 février 2008, exerçait également les fonctions de représentante d'une section syndicale au sein de cette entreprise ; que la société LDM Equipement, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de vestiaires, cabines et casiers, a sollicité, par un courrier en date du 13 janvier 2015, l'autorisation de licencier la requérante pour motif économique ; que, par la décision contestée du 9 mars 2015, l'inspectrice du travail de l'unité territoriale de Meurthe-et-Moselle a autorisé ce licenciement ; que Mme Goeury relève appel du jugement du 1er mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Nancy a expressément répondu aux moyens contenus dans le mémoire produit par Mme Goeury ; qu'en particulier, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre aux moyens tirés du défaut de motivation de la décision contestée, de l'erreur d'appréciation sur la réalité du motif économique et du lien avec le mandat du salarié ; qu'en outre, contrairement à ce que soutient la requérante, le tribunal administratif ne s'est pas contenté de renvoyer aux pièces du dossier pour écarter les moyens soulevés devant lui mais a indiqué avec précision les motifs sur lesquels il fondait sa décision ; que, par suite, Mme Goeury n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité ;
Sur la légalité de la décision autorisant le licenciement :
3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des représentants de section syndicale, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article R. 2421-5 du code du travail que la décision par laquelle l'inspecteur du travail autorise le licenciement d'un représentant d'une section syndicale doit être motivée ; que la décision contestée vise les dispositions du code du travail applicables et fait état de la demande d'autorisation de licenciement, ainsi que de l'entretien préalable et de l'enquête contradictoire qui ont été menés ; que contrairement à ce que soutient la requérante, l'inspectrice du travail ne s'est pas bornée à rappeler le motif de la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société LDM Equipement, mais a indiqué les faits qu'elle retenait pour justifier de l'existence d'un motif économique permettant ce licenciement, en particulier les difficultés de trésorerie rencontrées par l'entreprise, la stagnation de son chiffre d'affaires et un excèdent brut d'exploitation déficitaire ; que la décision contestée mentionne enfin le respect par l'entreprise de son obligation de reclassement et l'absence de lien entre la demande de licenciement économique et le mandat syndical exercé par l'intéressée ; qu'ainsi, la décision contestée, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence de contrôle approfondi par l'inspectrice du travail de la réalité du motif économique invoqué doit également être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques " ; que, lorsque l'employeur sollicite une autorisation de licenciement pour motif économique fondée sur la suppression de l'emploi du salarié, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette suppression était justifiée par un motif économique ; que si la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise peut constituer un tel motif, c'est à la condition que soit établie une menace pour la compétitivité de l'entreprise, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier des bilans comptables produits par la société LDM Equipement, que celle-ci a connu une dégradation continue de sa rentabilité, caractérisée notamment par une baisse tendancielle de son résultat d'exploitation entre 2010 et 2013, et un excèdent brut d'exploitation fortement déficitaire après huit mois d'exercice au cours de l'année 2014 ; que la société, dont les résultats ont connu une dégradation du fait de la crise économique en dépit d'une première réorganisation de son atelier de production au cours de l'année 2011, a également été confrontée au dépôt de bilan de l'un de ses sous-traitants en 2012 et à un incendie ayant affecté son outil de production au mois d'avril 2013 ; que, face à ces difficultés et en vue d'améliorer sa compétitivité, la société a décidé d'automatiser son outil de production et de moderniser son activité commerciale, notamment en utilisant un logiciel réduisant substantiellement les tâches confiées aux personnels commerciaux du fait de la possibilité d'établir des devis en ligne et de la modification de la procédure interne de chiffrage des devis ; que ces mutations, qui ont entraîné la suppression de trois emplois dans le secteur commercial et d'un emploi d'agent de méthodes, visaient à remédier à une dégradation continue de la situation économique de l'entreprise afin d'assurer sa pérennité pour les années à venir ; que, dans ces conditions, la suppression du poste de Mme Goeury, secrétaire commerciale, était justifiée par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; que l'inspectrice du travail n'a pas commis d'erreur d'appréciation en accordant l'autorisation de licenciement sollicitée pour ce motif ;
7. Considérant, en dernier lieu, que la requérante soutient qu'elle a été licenciée alors qu'une autre salariée exerçant les mêmes fonctions qu'elle mais bénéficiant d'une ancienneté moindre dans l'entreprise n'aurait pas perdu son emploi ; que ces éléments révéleraient que son licenciement est en lien avec le mandat syndical qu'elle détient et qu'il serait discriminatoire ;
8. Mais considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'autre salariée qui avait également été recrutée par la société en qualité de secrétaire commerciale a changé de fonctions, par avenant à son contrat signé le 24 août 2014, pour occuper un emploi de " Gestionnaire administratif, sous-traitance et appels d'offre " qui correspondait mieux à ses compétences ; que cette seule circonstance, en l'absence de tout autre élément au soutien des allégations de la requérante, ne permet pas d'établir que le licenciement de cette dernière serait en lien avec le mandat syndical qu'elle détient et serait constitutif d'une discrimination à son égard ; que ce moyen doit donc être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Goeury n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société LDM Equipement, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, la somme demandée par Mme Goeury au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la requérante la somme demandée par la société LDM Equipement au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par Mme Goeury est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société LDM Equipement tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...Goeury, à la société LDM Equipement et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
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N° 16NC00761