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06/04/2017 | FRANCE | N°16NC00107

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 06 avril 2017, 16NC00107


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Taracell France a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 3 août 2012 par laquelle le ministre de l'emploi, du travail, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision du 31 janvier 2012 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité territoriale du Haut-Rhin a refusé de lui accorder l'autorisation de licencier M. A...D....

Par un jugement n° 1204577 du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa de

mande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Taracell France a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 3 août 2012 par laquelle le ministre de l'emploi, du travail, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision du 31 janvier 2012 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité territoriale du Haut-Rhin a refusé de lui accorder l'autorisation de licencier M. A...D....

Par un jugement n° 1204577 du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2016, la société Taracell France, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 novembre 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 3 août 2012 par laquelle le ministre de l'emploi, du travail, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision du 31 janvier 2012 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité territoriale du Haut-Rhin a refusé de lui accorder l'autorisation de licencier M. A...D... ;

3°) de mettre à la charge de M. A...D...une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :

- il est établi que M. D...est bien l'auteur du courriel injurieux envoyé à la gérante de la société ;

- les propos tenus dans ce courriel, qui ne peuvent être rattachés à l'exercice normal du mandat syndical de M.D..., constituent une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; ils se sont produits deux jours après que l'intéressé a déjà eu une attitude irrévérencieuse à l'égard de son employeur ;

- c'est à tort que l'inspecteur du travail a fait référence aux relations tendues entre M. D... et la société depuis que celui-ci est titulaire d'un mandat syndical.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2016, M. A...D..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête présentée par la société Taracell au motif qu'aucun des moyens soulevés par la société requérante n'est fondé et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à sa charge sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fuchs,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que, par un courrier du 12 janvier 2012, la société Taracell, qui est spécialisée dans la production de pièces moulées techniques et d'emballages en mousse, a sollicité l'autorisation de licencier M. D..., " chef d'équipe, régleur, monteur, moules ", employé depuis le 2 juillet 2004 et par ailleurs titulaire de mandats de délégué syndical et de délégué du personnel ; que l'inspecteur du travail a refusé d'accorder cette autorisation par une décision du 31 janvier 2012 ; que, saisi sur recours hiérarchique de la société, le ministre chargé du travail a, par une décision implicite puis par une décision explicite du 3 août 2012, confirmé la décision de l'inspecteur du travail ; que la société Taracell relève appel du jugement du 26 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 31 janvier 2012 ainsi que de celle du ministre chargé du travail du 3 août 2012 ;

Sur la légalité des décisions contestées :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en revanche, un agissement du salarié intervenu en-dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la gérante de la société Taracell, qui a informé le 21 décembre 2011 les délégués du personnel de la nécessité de décaler de deux heures une réunion prévue le lendemain, a reçu en retour, le 22 décembre 2011, un courriel insultant émanant de l'adresse fonctionnelle de ces délégués ; que la société Taracell soutient que M. D...est l'auteur de ce courriel ; qu'elle soutient également que ce salarié aurait eu, le 20 décembre 2011, un comportement irrévérencieux à l'égard de la gérante de la société ; qu'elle a sollicité de l'inspecteur du travail, puis du ministre dans le cadre d'un recours hiérarchique, l'autorisation de licencier M. D...en raison de ces fautes ;

4. Considérant, en premier lieu, que, pour démontrer que M. D...est l'auteur de ce courriel, la société requérante produit un document établi le 24 février 2012 par la société Free, sur réquisition du substitut du procureur de la République de Mulhouse, dont il ressort que l'adresse IP fixe utilisée est celle d'un compte client appartenant à l'intéressé et établi à l'adresse de son domicile ; que M.D..., qui conteste être l'auteur de ce courriel, soutient qu'il remorquait un véhicule à l'heure d'envoi du mail ; qu'il se borne toutefois à produire l'attestation d'un client de son auto-entreprise de carrosserie au soutien de ses allégations, sans avancer aucune explication crédible permettant de supposer qu'un autre salarié de la société ou une tierce personne aurait, à son insu, envoyé ledit courriel depuis son domicile ; que, par suite, les faits reprochés au salarié doivent être regardés comme matériellement établis ;

5. Considérant que si les faits en litige se sont produits dans le cadre de l'exercice d'un mandat syndical et en dehors des heures de travail, ceux-ci doivent néanmoins être regardés comme une méconnaissance par M. D...de son obligation, découlant de son contrat de travail, d'agir avec loyauté vis-à-vis de son employeur ; que si le courriel en litige, qui comporte des qualificatifs particulièrement désobligeants à l'encontre de la gérante de la société Taracell, constitue une faute, celle-ci, compte tenu en particulier de son caractère isolé, de l'ancienneté dans l'entreprise de M. D... et des tensions entre les organisations syndicales et la direction qui, contrairement à ce que soutient l'entreprise, sont attestées, n'est toutefois pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier d'une attestation établie par une cadre de la société, que M. D...aurait répondu, le 20 décembre 2011, à la gérante en employant le tutoiement ; qu'une telle attitude discourtoise, à la supposer même établie et quelles que soient les sanctions disciplinaires dont le salarié aurait déjà fait l'objet dans le passé, dont, au demeurant, la société Taracell n'établit pas l'existence, ne constitue pas une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de l'intéressé ; que la décision contestée n'est donc pas entachée d'erreur d'appréciation ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Taracell, par les moyens qu'elle invoque, n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la M.D..., qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, la somme demandée par la société Taracell au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société Taracell une somme de 1 500 euros, à verser à M.D..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par la société Taracell est rejetée.

Article 2 : La société Taracell versera à M. D...une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., à la société Taracell et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

2

N° 16NC00107


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00107
Date de la décision : 06/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : Mme DHIVER
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP SCHWOB ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-04-06;16nc00107 ?
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