Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 29 janvier 2015 par laquelle le service des impôts des particuliers de Mulhouse-Plaine a refusé de lui délivrer un avis d'imposition ou de non-imposition au titre de l'année 2013.
Par une ordonnance n° 1501643 du 22 mai 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête comme étant manifestement irrecevable.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2015, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 22 mai 2015 de la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler la décision du 29 janvier 2015 prise à son encontre par le service des impôts des particuliers de Mulhouse-Plaine ;
3°) d'enjoindre au ministère des finances et des comptes publics d'instruire à nouveau sa déclaration de revenus pour l'année 2013 ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à verser à l'appelant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les frais et dépens des procédures de première instance et d'appel.
Il soutient que :
- la décision contestée est entachée d'incompétence ;
- la décision contestée est entachée d'erreur d'appréciation car il n'a pas été tenu compte de la situation personnelle du demandeur et de son épouse, qui doivent être considérés comme résidents fiscaux français et comme n'ayant pas de foyer fiscal turc ; la convention fiscale franco-turque n'a pas lieu d'être appliquée à la situation du requérant, qui a un domicile fiscal français au sens de l'article 4B du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la compétence de l'auteur de la décision est établie ;
- la décision contestée ne fait pas grief au requérant et ne peut donc faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir ;
- l'administration n'est tenue par aucun texte règlementaire ou législatif de délivrer un avis de non-imposition, qui ne saurait ainsi être légalement exigé par le requérant.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- l'ordonnance et la décision attaquées.
Vu :
- la convention fiscale franco-turque du 18 février 1987 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martinez,
- et les conclusions de Mme Peton-Philippot, rapporteur public.
1. Considérant que M. et MmeA..., ressortissants de nationalité turque vivant en France, ont le 9 mai 2014 déposé une déclaration de revenus au titre de l'impôt sur le revenu pour l'année 2013 auprès du service des impôts des particuliers de Mulhouse-Plaine ; que par un courrier du 29 janvier 2015, le contrôleur des finances publiques dudit service a informé les intéressés que l'administration refusait de saisir la déclaration susmentionnée et de leur délivrer un avis d'imposition ou de non-imposition au titre de l'année 2013, au motif qu'ils " ne pouvaient être considérés comme résidents français au sens fiscal " et " n'étaient tenus à aucune obligation fiscale sur le territoire national conformément à l'article 4-2 a de la convention fiscale franco-turque du 18 février 1987 " ; que M.A... relève appel de l'ordonnance du 22 mai 2015 par laquelle la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet acte ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens " ;
3. Considérant que par l'ordonnance attaquée, prise sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme manifestement irrecevable la requête présentée par M. A...à l'encontre de la décision attaquée, en relevant qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'impose à l'administration de délivrer un avis ou une attestation de non-imposition à une personne qui en fait la demande et que dès lors les moyens dont se prévaut le requérant tirés de ce qu'il aurait le centre de ses intérêts familiaux et patrimoniaux en France et qu'il aurait toujours déclaré ses revenus en France devaient être écartés comme inopérants ;
4. Considérant, toutefois, que M. A...n'a fait l'objet d'aucune imposition au titre de l'impôt sur le revenu pour l'année 2013 et ne saurait par suite engager une action devant le juge de l'impôt dans le cadre de la procédure prévue par l'article L. 199 du livre des procédures fiscales ; que sa demande présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg s'analyse comme un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision, contenue dans le courrier susmentionné du 29 janvier 2015, laquelle, en l'absence d'imposition effective du contribuable, est nécessairement détachable de la procédure fiscale et par suite du contentieux fiscal ; que compte tenu notamment des mentions non indicatives que comportent un avis d'imposition ou de non imposition et de l'incidence qu'elles ont en pratique pour l'octroi des prestations accordés par les organismes sociaux, le refus opposé par l'administration de traiter la déclaration déposée par l'intéressé et de lui délivrer en conséquence l'avis correspondant, est susceptible d'avoir des effets sur la situation personnelle de ce dernier ; que dès lors, quand bien même le requérant ne se prévaut pas d'un texte d'où il résulterait l'obligation pour l'administration fiscale de délivrer ledit document, la décision de refus ainsi opposée doit, néanmoins être regardée comme une décision lui faisant grief ; qu'enfin, la circonstance que les moyens soulevés par M. A...pour contester la légalité de cette décision, seraient, selon l'ordonnance, inopérants est sans influence sur la recevabilité de la demande ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce qu'a jugé l'ordonnance attaquée, MA..., qui justifie par ailleurs d'un intérêt à agir suffisamment direct et certain, était recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre cette décision ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir qu'est entachée d'irrégularité l'ordonnance du 22 mai 2015 de la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg qui a rejeté comme manifestement irrecevable sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 janvier 2015 susmentionnée ; que par suite cette ordonnance doit être annulée ;
6. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
7. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 A du CGI : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française " ; qu'aux termes de l'article 4 B du code général des impôts : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques " ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, titulaire d'une carte de résident, a résidé en France chez son fils pour une période de plus de sept mois au cours de l'année 2013, année d'imposition litigieuse au titre de laquelle le requérant et son épouse ont déposé une déclaration de revenus ; qu'il fait valoir, sans être contredit, qu'il vit de manière habituelle en France depuis 1980 ; qu'il ressort des termes même de la décision contestée que l'administration fiscale reconnaît que M.A..., qui vit avec son épouse, a en France un foyer permanent d'habitation ; que les revenus du foyer sont pour l'essentiel constitués de ressources de source française dès lors qu'ils se composent d'allocations versées au requérant par Pôle Emploi et de pensions de retraites, payées par des organismes sociaux français au profit de son épouse ; que le compte bancaire sur lequel ces ressources sont versées est détenu par l'intéressé auprès d'une agence de la société Banque Populaire sise à Mulhouse ; qu'ainsi, le requérant doit être regardé comme ayant son lieu de séjour principal en France, de même que le centre de ses intérêts économiques ; que dès lors, en vertu de l'un ou l'autre de ces critères, M. et Mme A...doivent être considérés comme ayant leur domicile fiscal en France au sens des dispositions précitées de l'article 4 B du code général des impôts, sous réserve des stipulations contraires de la convention fiscale franco-turque du 18 février 1987 ;
9. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 4 de la convention fiscale franco-turque du 18 février 1987 : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression "résident d'un État contractant" désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet État, est assujettie à l'impôt dans cet État, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction officiel, du lieu de direction des affaires ou de tout autre critère de nature analogue. 2. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux États contractants, sa situation est réglée de la manière suivante :a) Cette personne est considérée comme un résident de l'État où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent ; si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux États, elle est considérée comme un résident de l'État avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ; b) Si l'État où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des États, elle est considérée comme un résident de l'État contractant où elle séjourne de façon habituelle ; c) Si cette personne séjourne de façon habituelle dans les deux États ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme un résident de l'État dont elle possède la nationalité ; d) Si cette personne possède la nationalité des deux États ou si elle ne possède la nationalité d'aucun d'eux, les autorités compétentes des États contractants tranchent la question d'un commun accord " ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que pour prendre la décision attaquée, l'administration s'est fondée sur la circonstance que le requérant ainsi que son épouse, ayant séjourné plus de quatre mois consécutifs en Turquie au cours de l'année 2013, y possédaient également un domicile et a dès lors fait application du a) de l'article 4.2 de la convention fiscale franco-turque du 18 février 1987 ; que toutefois, à supposer même, comme le prétend l'administration qui présente le requérant comme un résident de la Turquie, que M. A... puisse être regardé comme ayant également un foyer d'habitation permanent dans cet État au sens des stipulations précitées de la convention fiscale bilatérale susmentionnée, c'est à dire comme y disposant d'une habitation d'une manière durable, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé déclare chaque année ses revenus auprès de l'administration fiscale française ; que ses six enfants sont installés en France ; qu'il a séjourné en France pendant environ huit mois au cours de l'année d'imposition litigieuse et y a effectué, des dépenses d'ordre personnel d'une fréquence et importance significatives ; qu'il est affilié à la sécurité sociale française ; et qu'enfin ses ressources sont essentiellement, ainsi qu'il a été dit au point 9, de source française et versées sur un compte bancaire français ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments de fait que le requérant doit être considéré, en l'espèce, comme ayant en France le centre des ses intérêts vitaux au sens de la convention précitée et doit par suite être considéré comme résident français par application de cette convention ;
11. Considérant que, dès lors, les stipulations de la convention fiscale franco-turque du 18 février 1987 ne sauraient faire obstacle à l'application des dispositions combinées des articles 4 A et B du code général des impôts ; que, par suite, c'est par une inexacte application des dispositions précitées du code général des impôts et des stipulations précitées de la convention fiscale franco-turque que le service a refusé de traiter la déclaration de revenus déposée par M. et Mme A...et refusé de leur délivrer un avis d'imposition ou de non-imposition correspondant à leur situation en matière d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013 ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à demander l'annulation de la décision du 29 janvier 2015 du service des impôts des particuliers de Mulhouse-Plaine ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique qu'il soit enjoint au service des impôts des particuliers de Mulhouse-Plaine de procéder à la saisie de la déclaration 2042 déposée au titre de l'année 2013 par M. et Mme A...ainsi qu'à la délivrance de l'avis d'imposition ou de non-imposition correspondant à leur situation fiscale dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, s'agissant tant des frais exposés devant le tribunal administratif que devant la cour, de mettre à la charge de l'État, partie perdante dans cette affaire, le versement à M. A... d'une somme globale de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du 22 mai 2015 de la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg et la décision du 29 janvier 2015 du service des impôts des particuliers de Mulhouse-Plaine sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au service des impôts des particuliers de Mulhouse-Plaine de procéder à la saisie de la déclaration n° 2042 déposée au titre de l'année 2013 par M. et Mme C... A...ainsi qu'à la délivrance de l'avis correspondant à leur situation fiscale.
Article 3 : L'État versera à M. C...A...la somme de 1 500 euros (mille cinq cents) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'économie et des finances.
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N° 15NC01682