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16/03/2017 | FRANCE | N°15NC02462

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 16 mars 2017, 15NC02462


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ediprint a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2003 à 2009, de contribution exceptionnelle à cet impôt au titre des exercices 2003 à 2005, des rappels de taxe d'apprentissage, contribution au développement de l'apprentissage et participation des employeurs à la formation professionnelle continue au titre des années 2003 à 2009, des rappels de taxe sur la valeur

ajoutée au titre de la période allant du 1er janvier 2003 au 28 février 2011 a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ediprint a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2003 à 2009, de contribution exceptionnelle à cet impôt au titre des exercices 2003 à 2005, des rappels de taxe d'apprentissage, contribution au développement de l'apprentissage et participation des employeurs à la formation professionnelle continue au titre des années 2003 à 2009, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er janvier 2003 au 28 février 2011 ainsi que des pénalités afférentes.

Par un jugement n° 1303129 du 8 octobre 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 14 décembre 2015, le 19 septembre 2016 et le 10 février 2017, la société Ediprint, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 8 octobre 2015 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités auxquelles elle a été assujettie ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'exerçait pas d'activité occulte ; le droit de reprise de l'administration ne pouvait donc pas s'exercer jusqu'à la fin de la sixième année au titre de laquelle l'imposition est due comme le prévoient les articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales ;

- la pénalité de 80 % pour activité occulte prévue par l'article 1728 du code général des impôts ne pouvait pas lui être infligée ;

- l'administration ne démontre pas qu'elle dispose d'un établissement stable en France ;

- le chiffre d'affaires réalisé avec des clients établis hors de France ne peut être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- alors qu'elle a son siège social au Luxembourg et à supposer qu'elle dispose d'un établissement stable en France, l'administration ne démontre pas que l'intégralité de ses bénéfices doit être rattachée à cet établissement en France ; le chiffre d'affaires réalisé avec des clients hors de France ne peut pas être inclus dans les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 5 avril et le 31 octobre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements accordés en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient qu'à l'exception du moyen relatif à la taxe sur la valeur ajoutée appliquée au chiffre d'affaires réalisé avec des clients établis hors de France, aucun des moyens soulevés par la société requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fuchs,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., substituant MeC..., pour la société Ediprint.

1. Considérant que sur requête des services fiscaux sollicitant la mise en oeuvre du droit de visite et de saisie, prévu à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, à l'encontre de la société de droit luxembourgeois Ediprint, qui a pour activité le commerce d'articles d'imprimerie et d'édition et l'exploitation d'une agence d'affaires, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Nancy a, par ordonnances en date des 22 et 23 mars 2011, autorisé les agents de l'administration des impôts à procéder aux visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve d'agissements présumés frauduleux au domicile de M. et MmeB..., respectivement représentants légaux des sociétés Edimag et Ediprint, à Bayonville-sur-Mad (Meurthe-et-Moselle) ; que ces opérations se sont déroulées le 23 mars 2011 ; que le service a estimé, au vu des éléments recueillis, que l'activité de la société Ediprint était effectivement exercée en France par Mme B...depuis son domicile personnel ; qu'il a alors adressé, le 19 avril 2011, à cette dernière, en sa qualité de représentant légal de la société, un avis de vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2009, ce contrôle étant étendu au 28 février 2011 en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à l'issue de ce contrôle, au cours duquel l'administration a procédé à une évaluation d'office des bases d'imposition, des rectifications en matière d'impôt sur les sociétés, de taxe d'apprentissage, de contribution au développement de l'apprentissage et de taxe à la formation professionnelle continue au titre des années 2003 à 2009, ainsi que de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er janvier 2003 au 28 février 2011 ont été notifiées à la société Ediprint ; que la requérante relève appel du jugement du 8 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions contestées ainsi que des pénalités afférentes ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, postérieurement à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé, par une décision du 7 novembre 2016, le dégrèvement à concurrence de 13 656 euros en droits et 14 207 euros en pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2003 au 28 février 2011 ; que, dès lors, les conclusions de la requête de la société Ediprint sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur le bien-fondé des impositions contestées :

En ce qui concerne l'existence d'un établissement stable en France :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société de droit luxembourgeois Ediprint a été créée le 25 juillet 2002 par M. et MmeB..., lesquels détiennent la totalité des parts ; que Mme B...est la gérante de la société Ediprint, qui a pour objet social le commerce d'articles d'imprimerie, l'exploitation d'une agence d'affaires et est, notamment, l'imprimeur de la revue " Véranda magazine ", éditée par la société Edimag dont M. B...est le gérant ; que les recherches menées par la direction nationale des enquêtes fiscales ont révélé que la société Ediprint possède une boîte postale à Marly (Moselle) sur le même contrat que la société Edimag ; que les courriers envoyés par la société Ediprint mentionnent une ligne téléphonique ouverte au nom de la société Edimag et répertoriée à l'adresse du 36 rue de Biard à Bayonville-sur-Mad qui correspond à l'adresse personnelle de MmeB..., représentante légale de la société ; que les bilans fiscaux adressés par les autorités luxembourgeoises font apparaître que la société Ediprint a pour principal client la société Edimag ; que la gestion commerciale avec les fournisseurs de la société Ediprint est assurée depuis l'adresse personnelle de sa gérante où sont adressées les livraisons ; que le bilan fiscal de l'exercice clos en 2008 et 2009, déposé auprès des autorités fiscales luxembourgeoises et communiqué par elles, mentionne, à l'actif, des immobilisations corporelles pour des montants de 3 798,86 euros pour les installations générales et agencements et 50 321,26 euros pour le mobilier et matériel de bureau et informatique alors même que la société n'a été titulaire au Luxembourg que d'un contrat de location d'un bureau meublé pour la période 2006-2010 ; que les livraisons effectuées par les sous-traitants d'Ediprint sont réalisées en France ; que la société est titulaire de plusieurs comptes auprès d'établissements bancaires français ; qu'il ressort enfin des factures émises par la société Lorraine repro au nom de la société Ediprint que toutes ses interventions, notamment l'entretien de photocopieurs, ont eu lieu chez Mme B...à Bayonville-sur-Mad ;

4. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des éléments décrits ci-dessus que la société Ediprint dispose d'un établissement stable en France, au domicile de sa gérante, à partir duquel elle a exercé toute son activité ;

En ce qui concerne l'exercice du droit de reprise spécial en cas d'exercice d'une activité occulte :

5. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 169, L. 174 et L. 176 du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction alors applicable, que, en ce qui concerne les impositions en cause, le droit de reprise de l'administration s'exerce, par exception, jusqu'à la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due lorsque le contribuable exerce une activité occulte ; que ces articles énoncent que " L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite " ;

6. Considérant que la société Ediprint n'a pas déposé les déclarations qu'elle était tenue de souscrire et n'a pas fait connaître son activité auprès d'un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce ; que la société Ediprint soutient toutefois qu'elle a déclaré son activité au Luxembourg et y a souscrit ses déclarations fiscales ; que si la convention fiscale conclue entre la France et le Luxembourg contient, à son article 22, une clause d'échange d'informations entre les deux Etats, la possibilité d'échange ouverte par cet article était, avant sa modification introduite par l'avenant du 3 juin 2009 entré en vigueur le 29 octobre 2010, restreinte ; que, dans ces conditions, eu égard aux modalités d'échange d'informations entre les autorités françaises et luxembourgeoises applicables jusqu'en 2010 et alors même que la société requérante fait valoir que le taux d'imposition des bénéfices au Luxembourg ne serait pas inférieur à celui appliqué en France, l'administration a pu, à bon droit, considérer, pour les années pour lesquelles elle a fait usage du délai spécial de reprise, que cette société exerçait une activité occulte ;

En ce qui concerne les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ; que la société Ediprint, qui était en situation de taxation d'office, supporte la charge de la preuve en application de ces dispositions ;

8. Considérant qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) " ;

9. Considérant qu'en l'absence de toute comptabilité présentée lors du contrôle, l'administration fiscale a évalué d'office le chiffre d'affaires taxable de la société Ediprint à partir des encaissements bancaires ; qu'elle a ensuite appliqué un coefficient de charges de 94 %, déterminé à partir des éléments figurant dans les comptes de résultat des exercices 2008 et 2009 fournis par les autorités luxembourgeoises ; que la requérante fait valoir que le chiffre d'affaires réalisé avec ses clients établis hors de France doit être rattaché à son siège au Luxembourg ; que toutefois, la société Ediprint, qui était redevable de l'imposition à raison de l'activité exercée à partir de son établissement en France, ne démontre pas que les prestations d'impression et de publication fournis à ses clients hors de France ont été réalisées à partir d'un autre lieu que le domicile de sa gérante en France ;

Sur la pénalité pour activité occulte :

10. Considérant que l'administration fiscale a appliqué à l'ensemble des droits rappelés la majoration de 80 % prévue par les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts en cas de découverte d'une activité occulte ;

11. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 1728 du code général des impôts que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives ; que, s'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un État autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre État que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux États ;

12. Considérant que la société Ediprint, qui n'a pas déposé les déclarations qu'elle était tenue de souscrire ni fait connaître son activité auprès d'un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, fait valoir qu'elle s'est acquittée de l'impôt sur les bénéfices au Luxembourg ; que, toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt, en particulier des modalités d'échange d'informations entre les autorités françaises et luxembourgeoises jusqu'en 2010, que l'administration a pu, à bon droit, soumettre les droits rappelés en matière d'impôt sur les sociétés, de taxe d'apprentissage, de contribution au développement de l'apprentissage et de taxe à la formation professionnelle continue à la majoration de 80 % prévue en cas de découverte d'une activité occulte ; que, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, la société Ediprint, qui n'a satisfait à aucune de ses obligations déclaratives, n'établit pas, ni même n'allègue, qu'elle aurait été soumise à une imposition équivalente au Luxembourg ; que, par suite, l'administration a pu appliquer la même majoration de 80 % aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Ediprint n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;

14. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Ediprint présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société Ediprint à concurrence du dégrèvement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée prononcé au titre de la période du 1er janvier 2003 au 28 février 2011.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ediprint et au ministre de l'économie et des finances.

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N° 15NC02462


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC02462
Date de la décision : 16/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Prescription.

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Personnes morales et bénéfices imposables.


Composition du Tribunal
Président : Mme DHIVER
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-03-16;15nc02462 ?
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