Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 22 janvier 2014 par laquelle le directeur de l'Opéra national du Rhin a résilié son contrat d'engagement conclu le 20 janvier 2012 et de condamner ce syndicat intercommunal à lui verser la somme de 40 600 euros en réparation de ses préjudices.
Par un jugement n° 1401323 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 avril 2015 et un mémoire enregistré le 12 août 2016, M. D... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 décembre 2014 ;
2°) d'annuler la décision du 22 janvier 2014 par laquelle le directeur de l'Opéra national du Rhin a résilié son contrat d'engagement conclu le 20 janvier 2012 ;
3°) de condamner l'Opéra national du Rhin à lui verser la somme de 40 600 euros en réparation des préjudices résultant pour lui de cette résiliation ;
4°) de mettre à la charge de l'Opéra national du Rhin la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande présentée devant les premiers juges était recevable ;
- la décision de résiliation a été prononcée au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a reçu aucune information, après les trois premières répétitions, sur les manquements reprochés et qu'aucune démonstration de chant ne lui a été proposée ;
- l'administration a méconnu les droits de la défense ;
- cette résiliation présente un caractère abusif dès lors qu'il maîtrisait parfaitement le rôle pour lequel il avait été engagé, qu'il a été victime de la vindicte du chef d'orchestre, que son éviction visait à attribuer le rôle à un autre chanteur et que les témoignages à charge sont dépourvus de crédibilité ;
- l'Opéra national du Rhin a reconnu sa responsabilité en lui proposant une indemnisation équivalente à une représentation.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 24 juillet 2015 et le 2 février 2017, le syndicat intercommunal de l'Opéra National du Rhin, représenté par la SELARL CM Affaires publiques, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le moyen tiré de ce que la résiliation du contrat litigieux aurait été prononcée au terme d'une procédure irrégulière est irrecevable pour avoir été soulevé après l'expiration du délai de recours ;
- en tout état de cause, ce moyen est inopérant ;
- les faits reprochés au requérant sont établis et justifient la résiliation du contrat d'engagement ;
- le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
- l'Opéra national du Rhin ne saurait être condamné à verser une somme qu'il ne doit pas.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître du recours de M. C... dès lors que, si les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif géré par une personne publique sont en principe des agents contractuels de droit public quel que soit leur emploi, il résulte cependant des dispositions des articles L. 7121-2, L. 7121-3 et L. 7121-4 du code du travail que le contrat par lequel une collectivité publique gérant un service public administratif et agissant en qualité d'entrepreneur de spectacle vivant engage un artiste du spectacle, en vue de sa participation à un tel spectacle, est présumé être un contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail.
Par un mémoire enregistré le 18 février 2017, M. C...a présenté ses observations sur le moyen relevé d'office.
Par un mémoire enregistré le 21 février 2017, le syndicat intercommunal de l'Opéra National du Rhin a présenté ses observations sur le moyen relevé d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour l'Opéra national du Rhin.
1. Considérant que par un contrat conclu le 20 janvier 2012, le syndicat intercommunal de l'Opéra national du Rhin a engagé M.C..., artiste lyrique de nationalité autrichienne, afin d'interpréter le rôle du " Hollandais " dans six représentations au moins de l'oeuvre de Richard Wagner " Le vaisseau fantôme ", au cours de la période du 16 décembre 2013, date prévue pour le début des répétitions, au 23 février 2014, date de la dernière représentation ; que le directeur général de l'Opéra national du Rhin a résilié ce contrat par une décision du 22 janvier 2014, dont M. C... a demandé l'annulation au tribunal administratif de Strasbourg, en sollicitant également la condamnation de l'administration à l'indemniser des préjudices résultant de son éviction ; que M. C... relève appel du jugement du 16 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif a rejeté ses demandes ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. Considérant que, sauf dispositions législatives contraires, les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif géré par une personne publique sont des agents contractuels de droit public, quel que soit leur emploi ;
3. Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article L. 7121-2 du code du travail : " Sont considérés comme artistes du spectacle, notamment :/ 1° L'artiste lyrique (...) " ; que l'article L. 7121-3 du même code dispose : " Tout contrat par lequel une personne s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n'exerce pas l'activité qui fait l'objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce " ; que l'article L. 7121-4 de ce code précise : " La présomption de l'existence d'un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération, ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties (...) " ; qu'en application de l'article L. 7122-2 dudit code : " Est entrepreneur de spectacles vivants toute personne qui exerce une activité d'exploitation de lieux de spectacles, de production ou de diffusion de spectacles, seul ou dans le cadre de contrats conclus avec d'autres entrepreneurs de spectacles vivants, quel que soit le mode de gestion, public ou privé, à but lucratif ou non, de ces activités (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions spécifiques que le contrat par lequel une collectivité publique gérant un service public administratif et agissant en qualité d'entrepreneur de spectacles vivants, engage un artiste du spectacle en vue de sa participation à un tel spectacle, est présumé être un contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail ;
4. Considérant que si l'Opéra national du Rhin, exploité sous la forme d'un syndicat intercommunal, est un service public à caractère administratif, le contrat par lequel ce syndicat intercommunal s'est assuré, comme entrepreneur de spectacles vivants, de la participation de M. C... à six représentations d'un opéra et aux répétitions en vue de ce spectacle, en qualité d'interprète lyrique, entre dans le champ des dispositions ci-dessus rappelées ; que, dès lors, le litige relatif à la rupture des relations contractuelles entre l'intéressé et son employeur relève de la compétence du juge judiciaire ;
5. Considérant qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement du 16 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg s'est reconnu à tort compétent pour connaître de la demande de M. C...et, par la voie de l'évocation, de rejeter cette demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Opéra national du Rhin, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. C...demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C...le versement de la somme que l'Opéra national du Rhin demande sur le fondement des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1401323 du 16 décembre 2014 est annulé.
Article 2 : La demande de M. C...est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 3 : Les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au syndicat intercommunal de l'Opéra National du Rhin.
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N° 15NC00703