Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...D...a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner la commune de Neuves-Maisons à lui verser une somme totale de 89 115,25 euros en réparation des préjudices causés par l'obstruction d'une canalisation d'évacuation des eaux pluviales et usées ainsi qu'une somme mensuelle de 1 250 euros de mai 2015 jusqu'à l'achèvement des travaux de remise en état au titre de la perte de loyers.
Par un jugement n° 1301941 du 12 mai 2015, le tribunal administratif de Nancy a condamné la commune de Neuves-Maisons à payer à Mme D...une somme de 54 275,45 euros en réparation des désordres.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 juin 2015, la commune de Neuves-Maisons, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) de surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction judiciaire se soit prononcée sur l'existence d'une servitude de tréfonds au profit de Mme D...sur la cour de l'école ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 12 mai 2015 ;
3°) de rejeter la demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Nancy ;
4°) à titre subsidiaire de diminuer le montant des réparations mises à sa charge ;
5°) de condamner la société Eiffage construction Lorraine à la relever et à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
6°) de condamner Mme D...et la société Eiffage construction Lorraine aux dépens ;
7°) de mettre à la charge de MmeD..., d'une part, et de la société Eiffage construction Lorraine, d'autre part, le versement des sommes de 3 000 euros chacune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en installant sans titre une conduite d'évacuation dans le sous-sol du domaine public de la commune, Mme D...a commis une faute de nature à exonérer totalement la commune de sa responsabilité ;
- la présence de cette canalisation n'était pas signalée ;
- la question de l'existence d'une servitude de tréfonds ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative ;
- le tribunal a surévalué le montant de l'indemnité accordée à Mme D...qui aurait pu faire procéder aux réparations dès le mois de juillet 2011 ;
- le dommage est survenu pendant le délai de garantie de parfait achèvement et pouvait donc engager la responsabilité de l'entreprise ayant réalisé les travaux ;
- la réception a été obtenue à la suite de manoeuvres dolosives.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2016, la société Eiffage construction Lorraine, représentée par la SCP Gaucher Dieudonné C...Schaefer, conclut au rejet de la requête et à ce que des sommes de 2 000 euros soient mises à la charge de la commune de Neuves-Maisons, d'une part, et de MmeD..., d'autre part, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la canalisation en litige ne figurait sur aucun plan et notamment pas sur la déclaration d'intention de commencer les travaux ;
- elle ne pouvait pas détecter la présence de cette canalisation du fait de l'absence de grillage avertisseur, du faible diamètre du tuyau et du type de matériau mis en place ;
- sa responsabilité contractuelle ne pouvait être engagée dès lors que les travaux avaient été réceptionnés le 16 mars 2011 et qu'à la date de saisine du tribunal par MmeD..., le délai de garantie était expiré ;
- aucune manoeuvre dolosive ne peut lui être reprochée compte tenu des conditions dans lesquelles se sont déroulés les travaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2016, Mme B...D..., représentée par MeF..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 12 mai 2015 en tant qu'il a rejeté ses demandes d'indemnisation de la perte de revenus locatifs ;
3°) de condamner la commune de Neuves-Maisons à lui verser la somme de 88 750 euros au titre de l'indemnisation de la perte de loyers subie entre août 2010 et juin 2016 ainsi qu'une somme mensuelle de 1 250 euros à compter du mois d'août 2016 et jusqu'à la délivrance de l'autorisation de faire les travaux dans le sous-sol de l'école de la Plaine et la somme de 10 536 euros au titre du préjudice résultant de l'impossibilité de répercuter sur un locataire les taxes foncières des années 2010 à 2015 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Neuves-Maisons le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la canalisation en litige a été arrachée lors des travaux publics réalisés par la commune ;
- elle ne s'est prévalue que de l'existence d'une autorisation de passage qui lui a été accordée pour installer la canalisation en litige ;
- le raccordement de la canalisation a été accordé par le maire de l'époque et est donc régulier ;
- l'expert a retenu que l'entreprise ayant réalisé les travaux avait nécessairement vu la canalisation en cause ;
- elle ne pouvait mettre en oeuvre les travaux de réparation sans autorisation de la commune ;
- elle continue à subir une perte de revenus locatifs.
Par ordonnance du 12 septembre 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 4 octobre 2016.
Un mémoire présenté pour Mme D...a été enregistré le 3 janvier 2017.
Vu les autres pièces du dossier
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,
- les observations de MeE..., représentant la commune de Neuves-Maisons, les observations de MeF..., représentant Mme D...et les observations de Me C..., représentant la société Eiffage construction Lorraine.
1. Considérant que MmeD..., propriétaire d'un immeuble à usage de bureaux et entrepôt situé au 2 rue Aristide Briand à Neuves-Maisons, a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner la commune à l'indemniser des préjudices résultant pour elle de l'arrachage partiel et de l'obstruction de la canalisation d'évacuation des eaux pluviales et usées au cours des travaux publics de construction d'une maison des associations et de restructuration de l'école maternelle qui ont été réalisés en 2009-2010 par la société Eiffage construction ;
2. Considérant que le maître de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, l'entrepreneur chargé des travaux, sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public ; que le maître d'ouvrage dont la responsabilité est recherchée par la victime d'un dommage ne peut dégager celle-ci que s'il établit que le dommage résulte de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure ;
3. Considérant qu'en l'espèce il n'est pas contesté que les désordres à l'origine des préjudices dont Mme D...demande à être indemnisée ont été causés par l'exécution des travaux publics ayant eu lieu, notamment, dans la cour de l'école maternelle de la Plaine ; que la commune de Neuves-Maisons soutient toutefois qu'une faute de la victime a concouru à la réalisation du dommage, la canalisation endommagée ayant été implantée irrégulièrement et sans qu'aucune information ne soit donnée à la commune sur son positionnement sous le domaine public ;
4. Considérant qu'il est constant que si le permis de construire accordé en 1985 à Mme D... pour le bâtiment situé au 2 rue Aristide Briand à Neuves-Maisons prévoyait un raccordement des canalisations d'évacuation vers la rue Aristide Briand, des difficultés techniques ont toutefois entraîné un raccordement vers la rue de Châtillon ;
5. Considérant que, pour soutenir que ce raccordement n'était pas irrégulier, Mme D... se prévaut, en premier lieu, d'une attestation de l'ancien maire de la commune qui indique avoir donné une telle autorisation " dans les années 1988 " ; que cette attestation, établie en juillet 2011, soit postérieurement à l'apparition des désordres, ne suffit pas, dans les termes où elle est rédigée, à établir que la commune avait entendu autoriser l'implantation de la canalisation litigieuse sous le domaine public, devenu la cour de l'école maternelle ;
6. Considérant que Mme D...se prévaut, en deuxième lieu, du fait qu'un certificat de conformité avait été accordé par décision du 21 mars 1989, attestant de la conformité des travaux avec le permis de construire ; qu'en vertu des dispositions alors en vigueur de l'article R. 460-3 du code de l'urbanisme, les vérifications nécessaires à la délivrance d'un certificat de conformité ne portaient que sur la conformité au permis de construire de l'implantation des constructions, de leur destination, de leur nature, de leur aspect extérieur, de leurs dimensions et de l'aménagement de leurs abords ; que la délivrance d'un tel certificat à Mme D...en mars 1989 ne saurait ainsi établir que la commune avait autorisé le raccordement litigieux dès lors que l'implantation de ce raccordement n'était pas au nombre des éléments devant être vérifiés au moment de l'achèvement des travaux ;
7. Considérant que Mme D...se prévaut, en troisième lieu, du droit de passage qui lui a été accordé par une convention du 28 janvier 1988 ; qu'aux termes de cette convention la commune a accepté de céder aux époux D...le " droit de passage (...) entre le foncier bâti et l'angle de la cour (...) afin de permettre l'élargissement de l'accès au dépôt situé derrière l'immeuble à usage d'habitation " en contrepartie de la réalisation, par les époux D...d'un mur de séparation ; que, dans les termes où elle est rédigée, cette convention et le droit de passage qu'elle consent ne constituent pas une autorisation administrative d'implanter la canalisation litigieuse vers la rue de Châtillon ;
8. Considérant que Mme D...se prévaut enfin de ce que l'immeuble à usage d'habitation voisin de son immeuble a obtenu l'autorisation de se raccorder au réseau d'assainissement vers la rue de Châtillon ; que cette circonstance, à la supposer établie, n'est pas de nature à démontrer qu'elle-même aurait obtenu l'autorisation dont elle se prévaut ;
9. Considérant qu'il résulte ainsi de l'instruction que l'implantation de la canalisation litigieuse n'avait été autorisée par aucun document administratif et que Mme D...ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle aurait formalisé une telle demande ; que Mme D... n'établit pas en outre avoir informé la commune de la réalisation des travaux et du positionnement exact de cette canalisation ; que, dès lors que cette canalisation, même si elle existait depuis longtemps, n'était ni visible ni signalée, seule l'irrégularité de son implantation doit être regardée comme étant à l'origine des préjudices subis par Mme D...du fait de sa dégradation dont elle ne peut, par suite, demander à être indemnisée par la commune de Neuves-Maisons ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, que la commune de Neuves-Maisons est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy l'a condamnée à indemniser MmeD... ;
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Neuves-Maisons, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que MmeD..., d'une part, et la société Eiffage Construction Lorraine, d'autre part, demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D...le versement des sommes que la commune de Neuves-Maisons et la société Eiffage construction Lorraine demandent sur le fondement des mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1301941 du 12 mai 2015 du tribunal administratif de Nancy est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Nancy est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Neuves-Maisons, à Mme B... D...et à la société Eiffage Construction Lorraine.
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N° 15NC01420