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19/01/2017 | FRANCE | N°16NC01738

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 19 janvier 2017, 16NC01738


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 mai 2016 par lequel le préfet du Haut-Rhin a décidé sa remise aux autorités espagnoles afin d'examiner sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1603073 du 2 juin 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de MmeA.en Seine-Saint-Denis qui serait le père de son enfant alors que, lors de l'entretien individuel effectué le 15 mars 2016 en préfecture, elle a déclarée être hébergée depuis son e

ntrée en France

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 août 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 mai 2016 par lequel le préfet du Haut-Rhin a décidé sa remise aux autorités espagnoles afin d'examiner sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1603073 du 2 juin 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de MmeA.en Seine-Saint-Denis qui serait le père de son enfant alors que, lors de l'entretien individuel effectué le 15 mars 2016 en préfecture, elle a déclarée être hébergée depuis son entrée en France

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 août 2016, MmeA..., représentée par la SCP Roth-Pignon, Leparoux et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1603073 du 2 juin 2016 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 mai 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de l'admettre au séjour, subsidiairement de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à la SCP Roth-Pignon, Leparoux et Associés d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Mme A...soutient que :

- le préfet du Haut-Rhin n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle n'a pas été rendue destinataire de l'identité du responsable du traitement de ses empreintes, lorsqu'elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile auprès de la préfecture et que ses empreintes ont été relevées ;

- le médecin de l'agence régionale de santé n'a pas été saisi alors qu'elle a fait état de ses problèmes de santé ;

- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de son état de santé, de sa situation privée et familiale et des conditions d'accueil réservés aux demandeurs d'asile en Espagne qui s'exposent à des traitements inhumains et dégradants.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 octobre 2016, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 octobre 2016, l'instruction a été close au 17 novembre 2016.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 août 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Richard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., de nationalité ivoirienne, est entrée en France le 8 novembre 2015, selon ses déclarations. Le 15 mars 2016, elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. La comparaison du relevé décadactylaire de ses empreintes avec le fichier Eurodac a révélé que l'examen de sa demande d'asile était susceptible de relever des autorités espagnoles. Le 27 avril 2016, ces dernières se sont reconnues responsables de l'examen de la demande d'asile de l'intéressée et ont accepté sa reprise en charge. Par l'arrêté attaqué du 17 mai 2016, le préfet du Haut-Rhin a ordonné sa remise aux autorités espagnoles. Mme A...relève appel du jugement par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 17 mai 2016.

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment des termes de l'arrêté litigieux que le préfet du Haut-Rhin a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme A...compte tenu des informations transmises par l'intéressée, avant de décider sa remise aux autorités espagnoles. Le moyen tiré de l'absence d'un tel examen doit donc être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort des éléments versés au dossier par le préfet du Haut-Rhin en première instance que le 16 mars 2016, Mme A...s'est vue remettre l'ensemble des documents de nature à lui permettre d'identifier la personne responsable du traitement de ses empreintes grâce au système Eurodac, avant qu'il soit procédé à ce relevé, conformément aux exigences de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Le moyen tiré de la méconnaissance des ces dispositions doit, par suite, être écarté.

4. En troisième lieu, Mme A...soutient que la décision de remise aux autorités espagnoles est entachée d'illégalité car la situation en Espagne ne permet pas de considérer que les conditions d'accueil et d'accompagnement des demandeurs d'asile y sont conformes aux exigences du droit d'asile.

5. Aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne (...) ". Aux termes de l'article L. 531-2 du même code, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Les dispositions de l'article L. 531-1 sont applicables, sous la réserve mentionnée à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 741-4, à l'étranger qui demande l'asile, lorsqu'en application des dispositions des conventions internationales conclues avec les Etats membres de l'Union européenne l'examen de cette demande relève de la responsabilité de l'un de ces Etats (...) ". Aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) / 3. Tout État membre conserve le droit d'envoyer un demandeur vers un pays tiers sûr, sous réserve des règles et garanties fixées dans la directive 2013/32/UE ". Le paragraphe 2 de l'article 7 de ce règlement prévoit que " la détermination de l'Etat membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un Etat membre ".

6. Si l'Espagne est un Etat membre de l'Union européenne et partie, tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

7. Le document d'ordre général produit en appel et relatif à un communiqué de presse du Haut Comité aux Réfugiés concernant la nécessité d'améliorer les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans les enclaves de Ceuta et Mellila, pas plus que les allégations non étayées de MmeA..., ne sont de nature à établir que la requérante serait exposée à des traitements inhumains et dégradants en Espagne et que sa réadmission serait constitutive d'une atteinte grave au droit d'asile du fait de l'existence de défaillances systémiques dans l'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse ferait obstacle à ce que sa demande d'asile soit traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

8. En quatrième lieu, Mme A...fait valoir qu'elle est enceinte d'un enfant dont le père est de nationalité française et que son état de santé fait obstacle à ce qu'elle soit réadmise en Espagne, aucun avis du médecin inspecteur l'agence régionale de santé n'ayant été requis par le préfet en l'espèce.

9. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme A...n'est entrée en France qu'en novembre 2015, que sa grossesse est très récente et que la paternité de l'enfant à naître n'est nullement établie par la seule production d'une attestation manuscrite. Elle ne produit en outre, à l'appui de ses allégations, aucun élément de nature à établir la réalité de la vie commune ni même la stabilité de la relation menée avec la personne domiciliée en Seine-Saint-Denis qui serait le père de son enfant alors que, lors de l'entretien individuel effectué le 15 mars 2016 en préfecture, elle a déclarée être hébergée depuis son entrée en Francepar une personne connue via internet au Maroc qui lui avait déconseillé de déposer une demande d'asile et lui avait proposé le mariage. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, malgré la grossesse de MmeA..., ses troubles psychiatriques ne puissent faire l'objet d'un traitement approprié en Espagne ou qu'elle serait dans l'impossibilité de voyager, l'intéressée n'ayant d'ailleurs pas formé de demande de titre de séjour à cet égard ni exprimé le souhait de rester en France pour des motifs médicaux lors de l'entretien relatif à l'examen de sa demande d'asile. Dans ces conditions et alors même que le préfet n'a pas sollicité l'avis du médecin inspecteur de l'agence régionale de santé, la décision litigieuse n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

10. En conclusion de tout ce qui précède, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 mai 2016. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 16NC01738


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC01738
Date de la décision : 19/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Michel RICHARD
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SCP ROTH-PIGNON LEPAROUX ROSENSTIEHL ET ANDREINI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-01-19;16nc01738 ?
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