Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société CCR Schmitt a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'office public de l'habitat de Mulhouse à lui verser, d'une part, la somme de 117 688,26 euros au titre du règlement du solde du marché relatif au lot n° 13 " couverture / zinguerie / bardage " du marché de travaux d'entretien du patrimoine de l'office et, d'autre part, la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice résultant de la résistance abusive de l'office au règlement de ce marché.
Par un jugement n° 1204737 du 4 novembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 4 janvier, le 2 novembre et le 17 novembre 2016, la société CCR Schmitt, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 novembre 2015 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à verser à l'office public de l'habitat de Mulhouse la somme de 23 372,07 euros ;
2°) de condamner l'office public de l'habitat de Mulhouse à lui verser, d'une part, la somme de 117 688,26 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2012, au titre du règlement du solde du marché relatif au lot n° 13 du marché de travaux d'entretien et, d'autre part, la somme de 20 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande, en réparation du préjudice résultant de la résistance abusive de l'office au règlement de ce marché ;
3°) de mettre à la charge de l'office public de l'habitat de Mulhouse le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'office lui-même a utilisé les prix unitaires majorés figurant au bordereau de prix unitaires et la facturation sur la base de ces prix n'était pas frauduleuse ;
- en l'absence de fraude, il n'est pas possible de revenir sur les factures déjà réglées qui sont définitives et intangibles ;
- elle a droit au paiement, sur la base des prix unitaires majorés, du montant des prestations effectuées, de la révision des prix et des intérêts moratoires ;
- la résistance de l'office est abusive et ouvre droit à réparation.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 août et le 15 novembre 2016, l'office public de l'Habitat de Mulhouse, dit Mulhouse Habitat, représenté par la SCP Wahl - Bois - Burkard-Ruby, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, à titre subsidiaire, de limiter la somme accordée à la société CCR Schmitt à la somme de 20 672,88 euros et, dans tous les cas, de mettre à la charge de la société CCR Schmitt, une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- faute pour l'entreprise d'avoir transmis un mémoire en réclamation, le décompte est définitif et ne peut plus être contesté ;
- les coefficients mentionnés sur le bordereau des prix unitaires ne devaient être utilisés que pour la comparaison des offres et n'avaient pas vocation à permettre au titulaire du marché d'augmenter le prix de ses prestations ;
- en toute confiance, il n'a pas vérifié les prix pratiqués par la société ;
- si la fraude ne devait pas être retenue, la société ne pourrait prétendre à l'application des prix majorés que pour la période précédant la contestation par l'office de l'application de ces prix et sa rémunération devrait alors être limitée à 20 672,88 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux approuvé par décret du 21 janvier 1976 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., substituant MeA..., représentant la société CCR Schmitt.
1. Considérant que l'office public de l'habitat de Mulhouse (Mulhouse Habitat) a conclu avec la société CCR Schmitt un marché à bons de commande portant sur le lot n°13 " couverture / zinguerie / bardage " des travaux d'entretien de son patrimoine ; que ce marché a été résilié aux torts de l'entreprise le 27 février 2012 ; que Mulhouse Habitat a alors notifié à la société CCR Schmitt un document intitulé décompte général faisant apparaître un solde négatif, laissant à la charge de la société une somme de 24 826,36 euros ; que la société CCR Schmitt a contesté ce " décompte " et a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner Mulhouse Habitat à lui verser les sommes de 117 688,26 euros au titre du solde du marché et de 20 000 euros au titre de la résistance abusive de l'office public de l'habitat ; que la société CCR Schmitt relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté cette demande ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux (CCAG Travaux) : " 13.11 Avant la fin de chaque mois, l'entrepreneur remet au maître d'oeuvre un projet de décompte établissant le montant total, arrêté à la fin du mois précédent, des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché depuis le début de celle-ci. (...) 13.18. Les éléments figurant dans les décomptes mensuels n'ont pas un caractère définitif et ne lient pas les parties contractantes. (...) 13.21. Le montant de l'acompte mensuel à régler à l'entrepreneur est déterminé, à partir du décompte mensuel (...) Le mandatement de l'acompte intervient dans un délai fixé par le marché et courant à compter de la date de remise du projet de décompte par l'entrepreneur au maître d'oeuvre. Ce délai ne peut excéder quarante-cinq jours. (...) 13.31. Après l'achèvement des travaux l'entrepreneur, concurremment avec le projet de décompte afférent au dernier mois de leur exécution ou à la place de ce projet, dresse le projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, les évaluations étant faites en tenant compte des prestations réellement exécutées. (...) 13.42. Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service (...) 13.44. L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est de trente jours, si le marché a un délai d'exécution inférieur ou égal à six mois. Il est de quarante-cinq jours, dans le cas où le délai contractuel d'exécution du marché est supérieur à six mois. (...) 13.45. Dans le cas où l'entrepreneur n'a pas renvoyé au maître d'oeuvre le décompte général signé dans le délai de trente jours ou de quarante-cinq jours, fixé au 44 du présent article, ou encore, dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves en précisant le montant de ses réclamations, ce décompte général est réputé être accepté par lui ; il devient le décompte général et définitif du marché " ;
3. Considérant que chaque commande d'un marché de travaux à bons de commande donne lieu à des prestations propres pouvant faire l'objet d'une réception et d'un règlement dès leur réalisation ; que, par suite, le contrat peut prévoir que chaque commande de travaux donnera lieu à un règlement définitif qui ne saurait donc être regardé comme un règlement partiel définitif interdit par le deuxième alinéa de l'article 92 du code des marchés publics aux termes duquel : " Les marchés de travaux ne donnent pas lieu à des règlements partiels définitifs " ; que, dans le cas contraire, le règlement définitif de l'ensemble des commandes se fait au terme du marché ;
4. Considérant qu'en l'espèce, l'article 3.4.4 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) relatif aux modalités de règlement des comptes prévoit que " Les projets de décomptes seront présentés par commande. Les sommes dues au titulaire seront payées dans un délai global de 45 jours à compter de la réception des factures ou des demandes de paiement équivalentes " ; que l'article 9.2 du même cahier prévoit que " les travaux relatifs à chaque bon de commande feront l'objet d'une réception partielle " ; que ces seules stipulations, alors que le cahier des clauses administratives particulières ne prévoit ni de modalités particulières d'approbation des projets de décompte que l'entreprise doit présenter à chaque commande, ni que les paiements effectués sur la base des factures transmises à chaque bon de commande auraient un caractère définitif, ni de dérogations à l'article 13 du CCAG Travaux, ne sauraient suffire à établir que les parties ont entendu prévoir que chaque commande effectuée dans le cadre du marché à bons de commande en litige donnerait lieu à un règlement définitif ; que les factures émises à l'issue de chaque commande correspondent en l'espèce aux demandes de paiement d'acomptes mentionnées à l'article 13.11 du CCAG Travaux, lesquels peuvent être remis en cause lors de l'établissement du décompte général ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il appartenait donc aux parties, à la suite de la résiliation du marché, de procéder au règlement des comptes afférents à l'ensemble du marché ; que Mulhouse Habitat a notifié le décompte général à la société CCR Schmitt par ordre de service n° 14 du 21 mai 2012 ; qu'il n'est pas contesté que l'entreprise n'a pas transmis de mémoire de réclamation ; que, par suite, en application des stipulations de l'article 13-45 du CCAG, ce décompte général est réputé avoir été accepté par la société CCR Schmitt qui ne peut plus le contester devant le juge du contrat ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société CCR Schmitt n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mulhouse Habitat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société CCR Schmitt demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de cette société une somme de 1 500 euros à verser à Mulhouse Habitat sur le fondement des mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société CCR Schmitt est rejetée.
Article 2 : La société CCR Schmitt versera à Mulhouse Habitat une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société CCR Schmitt et à l'office public de l'habitat de Mulhouse.
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N° 16NC00002