La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/12/2016 | FRANCE | N°16NC00590

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2016, 16NC00590


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la commune de Joinville à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait des agissements constitutifs de harcèlement moral dont il estime avoir été victime.

Par un jugement n° 1401810 du 2 février 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 avril 2016, M.B..., repr

ésenté par le cabinet Cassel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la commune de Joinville à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait des agissements constitutifs de harcèlement moral dont il estime avoir été victime.

Par un jugement n° 1401810 du 2 février 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 avril 2016, M.B..., représenté par le cabinet Cassel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 février 2016 ;

2°) de condamner la commune de Joinville à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis, cette somme portant intérêts à compter du dépôt de sa demande préalable ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Joinville la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a été victime d'agissements répétés, tels que des actes vexatoires, des remarques dégradantes, une réduction de ses attributions, une mise à l'écart des circuits de diffusion de l'information, un isolement professionnel, un refus systématique de formation, la réduction de sa notation et de ses primes qui trahissent la réalité d'un harcèlement moral ;

- en vertu des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, il appartient à l'administration de réparer le préjudice subi du fait de ce harcèlement moral ;

- il sera fait une juste appréciation de son préjudice moral en le fixant à 10 000 euros ;

- il a subi un préjudice de carrière résultant de la réduction du montant de ses primes en 2013 et de ce qu'il a été privé d'un avancement d'échelon à l'ancienneté maximale ; ce préjudice doit être évalué à 20 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2016, la commune de Joinville, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucun des éléments exposés par M. B...n'est de nature à faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral ;

- M. B...n'a jamais sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

- ses demandes indemnitaires ne sont ni détaillées ni justifiées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dhiver,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que M.B..., ingénieur territorial exerçant les fonctions de directeur des services techniques de la commune de Joinville (Haute-Marne), a demandé à la commune de lui verser une indemnité de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de faits de harcèlement moral ; que M. B...relève appel du jugement du 2 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Joinville à lui verser cette indemnité ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération :/ 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ;/ 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements (...). Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public " ;

3. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant que M. B...fait état d'une diminution de ses attributions du fait, d'une part, du recrutement en 2012 d'un chef de projet urbanisme auquel ont été transférés les dossiers qu'il avait précédemment en charge, d'autre part, du pilotage de certains projets par les élus et la directrice générale des services ; que le requérant se plaint également d'être privé d'informations lui permettant de mener à bien les dossiers dont il garde la responsabilité, d'être exclu des circuits de diffusion des informations et d'être cantonné à des tâches administratives de moindre intérêt ; qu'il fait aussi valoir qu'il fait l'objet d'actes vexatoires et de brimades ;

5. Considérant, d'une part, que si M. B...estime être victime de faits de harcèlement moral, il ne désigne à aucun moment expressément la personne qui serait à l'origine de ces actes ; que, par ailleurs, il ne fait état dans aucune de ses écritures de l'existence d'un harcèlement moral institutionnel mettant en cause une stratégie délibérée de gestion du personnel ;

6. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des écritures mêmes du requérant que celui-ci a connu un accroissement sensible de sa charge de travail et a fait part à sa hiérarchie de cette difficulté ; que la commune de Joinville indique que M. B...a demandé à être déchargé de certains dossiers, notamment les dossiers de voirie, ce qu'il ne conteste pas ; que la commune a recruté en 2012 un chef de projet urbanisme en vue notamment de suivre la politique de l'habitat élaborée en partenariat avec les services de l'Etat et a confié à cet ingénieur le pilotage des dossiers et chantiers de voirie et d'urbanisme, qui étaient précédemment gérés par M.B... ; que si le recrutement de cet ingénieur a eu pour conséquence de réduire les attributions du requérant, cette mesure n'a pas excédé le cadre normal du pouvoir d'organisation du service ; que, par ailleurs, si les relations entre le requérant et la directrice générale des services sont tendues et difficiles et si celle-ci est, à plusieurs reprises, intervenue directement dans la gestion des projets dont M. B...a la charge, il ne résulte pas de l'instruction que la directrice générale des services a excédé les limites de l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique ; qu'il ne résulte pas non plus de l'instruction que M. B...n'a conservé que des tâches d'exécution, ni qu'il serait privé des moyens, notamment des informations, lui permettant de mener à bien les missions qui lui sont confiées, en particulier dans les domaines de l'eau et de l'assainissement dont il conserve la responsabilité ; qu'il ressort des pièces qu'il produit qu'une partie des documents dont il n'a plus communication concerne des domaines, tels que la voirie, qui n'entrent plus dans ses attributions ; que, de façon plus générale, il ne résulte pas de l'instruction qu'il est, de façon systématique, exclu de tout circuit d'information et de décision et qu'il est, comme il le soutient, en situation d'isolement professionnel ; que si, ainsi qu'il vient d'être dit, les relations avec sa hiérarchie sont conflictuelles, il ne ressort pas des éléments versés au dossier par M. B...qu'il ferait l'objet de propos vexatoires et de remarques blessantes ; qu'en outre, contrairement à ce qu'il soutient, M. B...n'a pas été empêché de suivre toute formation ; qu'enfin, indépendamment de l'annulation de ses fiches de notation prononcée par un arrêt de la cour de ce jour, les circonstances que sa note chiffrée a diminué en 2012 puis a été maintenue au même niveau en 2013 et que sa prime au titre de ces deux années a baissé ne permettent pas, en elles-mêmes, de caractériser une situation de harcèlement moral ; qu'ainsi, les différents éléments invoqués par M. B... ne peuvent être regardés comme constitutifs de harcèlement moral ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Joinville, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...le versement de la somme que la commune demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Joinville présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et à la commune de Joinville.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme, président de chambre,

- Mme, président assesseur,

- M., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : Le président,

Signé : Le greffier,

Signé : La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

2

N° 16NC00590


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00590
Date de la décision : 20/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : CABINET CASSEL (SELAFA)

Origine de la décision
Date de l'import : 03/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-12-20;16nc00590 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award