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08/12/2016 | FRANCE | N°15NC00695

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 08 décembre 2016, 15NC00695


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 à 2009, d'autre part des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009.

Par un jugement n° 1301130 du 17 février 2015, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Pr

océdure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 avril 2015, M.C..., représenté par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 à 2009, d'autre part des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009.

Par un jugement n° 1301130 du 17 février 2015, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 avril 2015, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301130 du tribunal administratif de Besançon du 17 février 2015 ;

2°) de prononcer la décharge, en droit et pénalités, des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- les éléments obtenus irrégulièrement lors de sa garde à vue affectent la régularité de la procédure des impositions en litige dès lors qu'ils constituent le support nécessaire des rehaussements ;

- les impositions en litige sont intervenues au terme d'une procédure irrégulière en ce qui concerne les années 2005, 2006 et 2007 dès lors que l'administration a mis en oeuvre des moyens qui révèlent une vérification de comptabilité sans lui avoir accordé l'ensemble des garanties qui s'attachent aux vérifications de comptabilité ;

- le délai de reprise de l'administration était prescrit en ce qui concerne les années 2005 à 2007, l'article L. 170 du livre des procédures fiscales n'étant pas applicable à sa situation ;

- les bases d'imposition des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sont exagérées dès lors que l'administration n'a pas tenu compte des recettes qu'il a déclarées ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- dès lors que l'administration a obtenu régulièrement communication des pièces détenues par l'autorité judiciaire, sur le fondement de l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales, la circonstance que ces pièces auraient ultérieurement été annulées par le juge pénal n'a pas pour effet de priver l'administration du droit de s'en prévaloir ; en outre, la procédure judiciaire a validé les éléments recueillis dans le cadre de l'enquête, aucune décision judiciaire n'ayant invalidé la procédure pénale ;

- les procès d'audition de M. C...font partie de la procédure d'instruction de l'instance pénale, de sorte que l'administration était en droit de les utiliser sur le fondement de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration a pu à bon droit motiver les rectifications sur le fondement de l'article

L. 170 du livre des procédures fiscales dans le cadre d'un contrôle sur pièces dès lors que le contenu du procès-verbal d'audition et les éléments de comptabilité occulte étaient suffisamment précis et détaillés pour identifier les sommes imposables et les rattacher à une période d'imposition ;

- en prenant en compte l'intégralité des recettes en espèces dissimulées, l'administration s'est bornée à se fonder sur les propres déclarations de M.C... ;

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 16 novembre 2016 :

- le rapport de M. Di Candia,

- et les conclusions de Mme Peton-Philippot, rapporteur public.

1. Considérant que M.C..., qui a exercé une activité de vente et de prestation de service dans le commerce de détail de la téléphonie mobile, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle lui ont été notifiés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2008 et 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 ; qu'il a également fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration lui a notifié, au titre de la même activité, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu portant sur les années 2005 à 2007 ; que M. C...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de l'ensemble de ces impositions supplémentaires ;

Sur la procédure d'imposition et sur la prescription :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées (...) " et qu'aux termes de l'article L. 82 C de ce livre : " A l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances " ; que, eu égard aux exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ces dispositions ne permettent pas à l'administration de se prévaloir, pour établir l'imposition, de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge ;

3. Considérant que M. C...se borne à soutenir que l'administration ne pouvait utiliser les informations contenues dans le procès-verbal de son audition par les services de la gendarmerie nationale du 22 mars 2010 à 8h50, au motif qu'il n'a pu y être assisté par le conseil de son choix ; que, cependant, le requérant ne se prévaut d'aucune décision judiciaire ayant invalidé la procédure pénale engagée à son encontre, celle-ci ayant au contraire abouti à un arrêt de la cour d'appel de Besançon du 14 février 2012, devenu définitif, confirmant la condamnation prononcée à son encontre le 22 juillet 2011 par le tribunal correctionnel de Besançon ; que, dès lors, faute de démontrer que ce procès-verbal serait entaché, pour cette raison, d'une illégalité constatée par le juge compétent, le moyen tiré de ce que l'administration se serait prévalue d'un document déclaré illégal manque en fait ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements. / A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés (...) " ; que lorsque l'administration fait usage du droit que lui confèrent les dispositions précitées de contrôler sur pièces les déclarations du contribuable en lui demandant, le cas échéant, des justifications complémentaires, sans toutefois procéder à un examen critique des documents comptables, cette procédure ne peut être assimilée à une vérification de comptabilité ; qu'en revanche, l'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise lorsqu'en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par les intéressés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont, le cas échéant, elle peut remettre en cause l'exactitude ; que l'exercice régulier du droit de vérification de comptabilité suppose le respect des garanties légales prévues en faveur du contribuable vérifié ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des termes mêmes de la proposition de rectification notifiée à M. C...au titre des années 2005 à 2007 que l'administration a tiré les conséquences des propres déclarations de l'intéressé au cours de son audition par les services de gendarmerie nationale, le 22 mars 2010 à 8h50 ; qu'interrogé sur la provenance des sommes en espèces retrouvées à son domicile, l'intéressé a en effet indiqué que les sommes qu'il n'avait pas déclarées étaient inscrites sur des carnets de comptabilité personnelle de couleur bleue ; que l'administration, qui s'en est tenue à un relevé passif des écritures figurant sur ces carnets pour ajouter aux résultats fiscaux liés à l'activité déclarée de l'intéressé le montant du chiffre d'affaires non déclaré, au titre de chacune des années d'imposition, duquel elle a déduit la taxe sur la valeur ajoutée, doit être regardée comme n'ayant procédé à aucun examen critique de l'ensemble de la comptabilité de l'entreprise de l'intéressé ; qu'elle s'est ainsi bornée à exercer ponctuellement son droit de communication en tirant les conséquences d'une omission d'imposition qu'une instance devant les tribunaux a suffi à révéler ; que, dans ces conditions, les rehaussements notifiés au titre des années 2005 à 2007 peuvent être regardés comme trouvant exclusivement leur origine dans des faits révélés par une instance et non comme trouvant leur source dans une vérification de comptabilité irrégulièrement menée ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales alors en vigueur : " Même si les délais de reprise prévus à l'article L. 169 sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et au plus tard jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due " ; que ces dispositions ne limitent pas la nature de l'instance devant le tribunal au seul jugement de l'affaire ; qu'en particulier, s'agissant des procédures relevant du juge pénal, l'instruction constitue un des éléments de l'instance devant les tribunaux au sens de l'article précité ; que pour l'application de ces dispositions, " l'instance devant les tribunaux " s'entend, en matière pénale, comme comprenant la phase de l'exercice de l'action publique et de l'instruction ;

7. Considérant qu'en l'espèce, les insuffisances d'imposition qui ont donné lieu aux rectifications notifiées à M. C...ont été révélées à la suite de l'exercice du droit de communication exercé auprès de l'autorité judiciaire dans le cadre de l'instruction judiciaire ouverte par le parquet à l'encontre de M. C..., soit dans le cadre d'une " instance devant les tribunaux " telle qu'entendue ci-dessus ; que la proposition de rectification du 30 septembre 2011 est intervenue avant la fin de l'instance pénale et donc a fortiori avant l'expiration du délai de reprise prévu à l'article 170 précité ; que la prescription d'assiette pour cette imposition avait été interrompue par la proposition de rectification du 30 septembre 2011 dans le délai de reprise spécial prévu par l'article L. 170 du livre des procédures fiscales ; qu'en conséquence, le moyen tiré par M. C...de l'inapplicabilité des dispositions précitées et de la prescription des impositions réclamées au titre des années 2005 à 2007 n'est pas fondé ;

Sur la détermination des bases d'imposition de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 266 du code général des impôts : " 1. La base d'imposition est constituée : a) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations (...) " ; que le versement d'une somme en espèces en contrepartie d'une opération constitue une somme imposable à la taxe sur la valeur ajoutée au sens de ces dispositions ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a déterminé les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 à partir des sommes retranscrites dans les carnets saisis au domicile du requérant ; que ce dernier a déclaré au cours de son audition par les services de gendarmerie nationale, le 22 mars 2010 à 8h50, que les montants retranscrits dans ces carnets correspondaient aux sommes qu'il n'avait pas déclarées ; que l'administration a ainsi pu à bon droit prendre en compte au titre des recettes l'intégralité de ces sommes ; que si M. C...fait valoir que ces sommes faisaient partie intégrante des recettes déclarées et que l'administration ne pouvait par conséquent pas les ajouter aux recettes déclarées, ces allégations sont contraires à ses propres déclarations retranscrites dans le procès-verbal d'audition précité ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le chiffre d'affaires tel qu'il a été évalué par l'administration fiscale serait exagéré ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle, l'Etat n'étant pas la partie perdante, à ce que les conclusions présentées à ce titre par M. C...soient accueillies ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

M. , président de chambre,

M. , président assesseur,

M. , premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 décembre 2016.

Le rapporteur,

Signé :

Le président,

Signé :

La greffière,

Signé :

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

15NC00695


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00695
Date de la décision : 08/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-01-03-01-01 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal. Droit de communication.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: Mme PETON-PHILIPPOT
Avocat(s) : ACTEMIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-12-08;15nc00695 ?
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